Rocafortis

Abonné·e de Mediapart

585 Billets

0 Édition

Billet de blog 25 juillet 2023

Rocafortis

Abonné·e de Mediapart

L'effondrement de la réputation de l'Occident

Après des siècles d'exposition au monde du modèle de la réussite occidentale, nous sommes parvenus aujourd'hui à une exposition d'une tout autre nature : celle de la destruction à grande vitesse des valeurs et des principes sociétaux qui ont forgé la civilisation occidentale. L'effondrement de la réputation de l'Occident en tant que pays du droit est en cours.

Rocafortis

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 L'effondrement de la réputation de l'Occident

24 juillet 2023

Oleg Nesterenko

https://www.pressafrik.com

Oleg Nesterenko

est Président du Centre Européen du Commerce et de l'Industrie,

Ancien Directeur de l'Institut International de Reconstruction Anthropologique,

Ancien Directeur du MBA,

maître de conférences aux Grandes Ecoles de Commerce de Paris.

Après le monde bipolaire qui a existé de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'implosion de l'Union soviétique en décembre 1991, le conflit actuel sur le territoire de l'Ukraine est le point de gravité dans le processus de transition entre deux grandes époques de l'histoire contemporaine : l'ancienne - unipolaire - qui dure depuis 30 ans et la nouvelle - multipolaire - post-hégémonique, qui a vu le jour fin février 2022.

Bien que je ne sois pas très adepte des théories communistes, je ne peux m'empêcher de constater que les événements d'aujourd'hui ne sont rien d'autre qu'une adaptation moderne, un reflet dans le miroir du vieux principe des révolutions exprimé par Vladimir Lénine dès 1913 dans son livre « Le premier mai du prolétariat révolutionnaire » : les classes inférieures ne veulent plus vivre à l'ancienne, tandis que les classes supérieures ne peuvent plus gouverner à l' ancienne . Autrement dit, l'impossibilité pour la classe dirigeante de maintenir sa domination sous une forme inchangée. Aujourd'hui, les « classes supérieures » sont le monde occidental tournant autour des États-Unis d'Amérique et les « classes inférieures », le reste de l'humanité.

Une fois de plus, l'histoire n'apprend rien aux « élites » et les époques sont remplacées de la même manière qu'il y a un siècle : par la violence. La rhétorique sur la défense de la liberté, de la démocratie et des valeurs nobles, et donc occidentales, que l'Ukraine représente et défend, n'est autre qu’un récit « atlantiste » élaboré via l'appareil de propagande des grands médias, afin de justifier auprès des masses électorales pré-formatées les initiatives controversées prises par les représentants du pouvoir actuel du bloc occidental collectif américano-centré. Des récits bien éloignés de la tragique réalité du pouvoir ukrainien.

Sans entrer dans le détail des intérêts profonds des États-Unis d’Amérique dans la guerre en Ukraine qui s’y déroule depuis 2014, intérêts directement fondés sur la stratégie globale de défense des éléments existentiels pour l’État américain (voir mon analyse « The war in Ukraine : The Genesis »), il convient de noter que l’atteinte de leurs objectifs préétablis se voulait l’affaiblissement politico-économique important de la Russie comme acteur majeur vis-à-vis du système pétrodollar et, d’autre part, comme l’affaiblissement d’un acteur stratégique partenaire de la Chine tant dans le domaine économique, où les deux pays ont une réelle complémentarité, que dans les domaines politico-diplomatique et militaro-technologique.

Le piège anglo-saxon

Les États-Unis d'Amérique se sont retrouvés face à un dilemme existentiel : d'une part, le scénario positif pour Washington dans l'issue de cette guerre devient de plus en plus inaccessible de jour en jour ; d'autre part, les Américains ne peuvent pas se permettre de ne pas s'impliquer dans la confrontation en cours.

La victoire est vitale pour la réputation mondiale des États-Unis et de ses partenaires européens en tant que première puissance politique et militaire mondiale, vitale pour l'avenir de la civilisation occidentale.

Ce qui n'était guère un élément existentiel au début du conflit, ne fait plus qu'un avec l'engagement ouvert et radical de tout le bloc occidental dans les hostilités. Il n'y a pas de retour en arrière.

Compte tenu de la spécificité de la situation politique interne aux États-Unis, conditionnée par ses récentes défaites militaires en Syrie et en Afghanistan, il n'était pas possible pour les États-Unis d'entrer en guerre seuls ou seulement en tandem avec le monde anglo-saxon. Le monde anglo-saxon, dans lequel il n'était pas nécessaire de convaincre le Royaume-Uni de prendre part au conflit, compte tenu du processus initié par la Chine et la Russie dans l'effondrement des réseaux néocoloniaux, notamment britanniques, sur le continent noir, qui aura à terme de très graves répercussions sur le système financier de la City de Londres, centre traditionnel des gigantesques revenus de l'exploitation des matières premières de l'Afrique.

Un travail de fond a certainement été fait à Bruxelles. L'Union européenne et ses pays membres sont tombés dans le piège américano-britannique, qui a stimulé les égos des élites du vieux continent avec la grandeur et la domination du passé. Un continent en constant déclin avec l'émergence de nouveaux centres de gravité idéologiques en Chine et en Russie s’est vu offert la chance de retrouver sa grandeur et sa domination en entrant dans une guerre, que l'on croyait gagnée d'avance, contre les nouveaux challengers.

De la « blitzkrieg » à la guerre d'usure

Initialement, lorsque la nouvelle phase de la guerre a commencé, on s'attendait à ce que des sanctions contre la Fédération de Russie d'une ampleur sans précédent dans l'histoire contemporaine, mises en œuvre par le collectif occidental sous le patronage de Washington et soutenues sous la pression politique et économique par une partie du monde non occidental dès les premiers jours de la guerre, brisent l'économie russe en quelques mois et la mettent sur la voie pré calculée d'un effondrement inévitable, transformant la Russie en un État paria. Un État paria non pas pour quelques mois ou quelques années, mais pour toute une ère future.

Pourtant, dès l'introduction des sanctions, des signes inquiétants sont apparus de la résilience inattendue de l'économie russe, parallèlement au refus des grands acteurs non occidentaux de condamner l'initiative de Moscou sur le territoire ukrainien, malgré l'extraordinaire coercition « atlantiste ». Les États-Unis d'Amérique se sont trouvés incapables d'unir le monde non occidental autour d'eux dans leur projet anti-russe. Le plan principal qui aurait dû fonctionner contre la Russie à court terme, en quelques semaines voire quelques mois, a complètement échoué.

L'effondrement de l'économie russe, qui n'a pas eu lieu, a été l'une des principales raisons de la guerre en Ukraine. En particulier, pour s'assurer qu'à la phase majeure de la future confrontation des États-Unis avec la Chine, la Russie ne puisse se permettre aucun soutien significatif à son partenaire stratégique asiatique sous la menace de nouvelles sanctions que le pays à l'économie censée être anéantie ne pourrait supporter, il fallait changer de stratégie. L'action américaine a donc été fondamentalement revue de fond en comble et tournée vers une stratégie d'attrition à long terme. Une stratégie qui ne pouvait fonctionner sans l'ingrédient initialement imprévu : le financement du pouvoir ukrainien à fonds perdus. A cette fin, une ligne de crédit sans précédent dans l'histoire moderne a été ouverte en faveur de Kiev.

Négociations avec la Russie à genoux

Certains experts du camp « atlantiste », faisant écho aux slogans lancés par la propagande de Kiev à leurs masses, prônent comme objectif incontournable le retour de l'Ukraine à ses frontières de 1991, le présentant comme parfaitement réalisable. En d'autres termes, le retour en Russie et l'établissement du pouvoir de Kiev sur des villes comme Donetsk et Lougansk dans le Donbass et Simferopol avec Sébastopol en Crimée. Rappelons que la principale raison de la récupération de la Crimée par la Russie était le danger imminent, après le coup d'État de 2014 à Kiev, de la perte de la base navale russe de Sébastopol et de sa reprise opérationnelle par les forces navales de l'OTAN.

Ceux qui envisagent sérieusement un tel scénario ne sont qu'une caricature grotesque et une insulte au titre d'expert. Inutile de détailler leur position et de souligner que la probabilité que l'Ukraine s'empare, par exemple, du port militaire russe de Sébastopol est infiniment inférieure à l'utilisation massive d'armes nucléaires dans le conflit actuel. Cela dit, l'utilisation de la composante nucléaire de la défense russe dans le conflit actuel est actuellement proche de zéro. Aujourd'hui, l'objectif du bras armé du collectif Occident est de gagner un maximum d'éléments sur le terrain puis de négocier en position de force face à la Russie censée être ébranlée. Une forme déconcertante d'amateurisme et de méconnaissance du raisonnement quasi-génétique du peuple russe ne permet pas aux auteurs de cette stratégie de comprendre que la négociation clé en position de faiblesse, même si elle devait avoir lieu, sur des éléments vitaux pour la Fédération de Russie est totalement inconcevable pour cette dernière et n'aura jamais lieu.

Quelle position de faiblesse ?

Si, à la suite d'une série d'événements, la Russie devait, par hypothèse, être placée en position de faiblesse, il ne s'agirait pas d'une négociation, tant espérée, plus que naïvement, par le collectif occidental face à une Russie affaiblie, mais d'un recul suivi d'une reconsolidation et d'une remobilisation des moyens dont dispose la Fédération de Russie pour revenir à ses positions de domination de la situation. Il convient de souligner que dans les circonstances économiques et militaires actuelles, d'une part, des pays de l'OTAN et, d'autre part, de la Russie, la probabilité que le scénario occidental se réalise dans les années à venir est mathématiquement proche de zéro.

Il est intéressant de noter qu'un certain nombre d'analystes américains très respectés, dont un ancien chef du département de planification de la politique étrangère du Département d'État, considèrent que non seulement une défaite majeure dans l'offensive ukrainienne actuelle, tant promue parmi les masses occidentales afin de maintenir l'élan nécessaire pour continuer à financer le conflit, serait catastrophique, mais aussi qu'une hypothétique victoire majeure de l'armée ukrainienne dans cette entreprise ne serait pas moins catastrophique qu'une défaite. Ce type d'analyse n'est pas le signe d'une schizophrénie ou d'un dédoublement de la personnalité, mais d'une compréhension profonde et lucide des processus en cours : la réaction de la Russie suivra et sera proportionnelle à la nécessité d'anéantir une nouvelle menace sérieuse.

Néanmoins, je ne peux que rassurer les analystes en question : compte tenu des éléments stratégiques des forces des parties au conflit à ce jour, il n'y a pratiquement aucun risque que l'initiative actuelle de Kiev, poussée par ses créanciers, aboutisse. Et la probabilité qu'elle réussisse à long terme au point d'amener Moscou à reconsidérer sa stratégie envers l'Ukraine est, tout simplement, inexistante.

Briser les tabous

Aujourd'hui, la compréhension de la réalité sur le terrain d’ opérations très différentes du plan de guerre initialement envisagé, conduit le bloc occidental vers une forme de panique opérationnelle qui se traduit par l'augmentation chaotique d'une aide militaire supplémentaire totalement imprévue pour l'agent d'exécution de l'affrontement sur le terrain, l'armée ukrainienne. Cette augmentation chaotique se traduit par le franchissement d'interdits établis par les dirigeants occidentaux eux-mêmes, comme la livraison à l'Ukraine d'obus à uranium appauvri, de chars occidentaux et les livraisons futures d'avions de chasse américains (puis européens ?), réduisant d'autant la marge de manœuvre avant le déclenchement des hostilités directes entre les armées russes et de l'OTAN.

En particulier, la spécificité de l'exploitation des avions de chasse F-16 qui seront prochainement livrés à Kiev est telle qu'il est totalement impossible de la réaliser de manière entièrement autonome sur le territoire ukrainien. Et selon le rôle proportionnel des bases aériennes situées, notamment, en Pologne et en Roumanie, dans le fonctionnement des avions en question, l'état-major russe décidera de les bombarder ou non. Si les F-16 sont ravitaillés en munitions hors d'Ukraine, les frappes russes sur les emplacements en question seront pratiquement inévitables, car, selon les lois de la guerre, les pays visés seront considérés comme des belligérants, participants directs aux combats.

Le drone militaire américain abattu par l'avion de guerre russe au-dessus de la mer Noire st un modeste prélude à la confrontation militaire à grande échelle qui pourrait encore avoir lieu entre la Russie et l'alliance atlantique et, selon la doctrine militaire russe actuelle, pourrait conduire à l'utilisation d'armes nucléaires tactiques contre des cibles ennemies.

Les réalités du potentiel russe

De son côté, la satisfaction de Moscou quant à l'issue du conflit en Ukraine est aussi une question existentielle pour la Fédération de Russie. Une défaite hypothétique est totalement inconcevable pour le Kremlin, comme pour le peuple russe, car elle conduirait directement à l'effondrement interne et externe du pays. En conséquence, l'Occident commet une grave erreur de calcul en croyant que même un succès hypothétique de l'offensive ukrainienne soit-disant en cours pourrait changer le cours de la guerre et conduire à la victoire des pouvoirs en place à Kiev. La seule réalité est que cela ne fera qu'accélérer la croissance des forces militaires actives de la Russie sur le front et prolonger la durée de la guerre. L'issue fatale pour les intérêts de Kiev est une constante inébranlable.

Le retour des territoires des régions de Donetsk et de Lougansk, y compris leurs capitales, sous le contrôle des autorités de Kiev ne peut que séduire les esprits errant dans les royaumes du fantasme. De même, parler du retour de la péninsule de Crimée à l'État ukrainien est le signe d'un simple manque d'intelligence et d'une profonde déconnexion de la réalité. Pourquoi ?

Si, par hypothèse, la situation sur le terrain des opérations militaires devait se détériorer au point qu'il y ait un réel danger de perdre les territoires du Donbass et de la Crimée admis à la Fédération de Russie – ce qui n'a jamais été le cas, pas un seul jour depuis 2015 – la Russie engagerait la pleine mesure de ses capacités militaires et atteindrait ses objectifs en toute éventualité. La réalité, très soigneusement cachée par les puissances occidentales à leur public, est sans équivoque : pendant la Seconde Guerre mondiale, la Russie a engagé 60 % de son PIB pour vaincre l'Allemagne nazie. Aujourd'hui, sans rappeler que l'économie russe se porte incomparablement mieux que ne l'avaient prévu même les prévisions les plus pessimistes du camp atlantique, que la Russie est tout sauf isolée du reste du monde, l'industrie d'armement russe a multiplié sa production par 2,7 en un an, Une autre réalité répond à toutes les interrogations et doutes qui peuvent exister sur le sujet : à ce jour, la Fédération de Russie n'a consacré que 3 % de son PIB à l'effort de guerre contre l'OTAN en Ukraine.

L'effort de guerre

Je vous laisse imaginer l'ampleur et la rapidité du désastre pour le camp occidental si la Russie décidait d'engager non pas 60%, mais 6%, au lieu de 3% de son PIB dans le conflit. La raison de ne pas augmenter davantage la part du PIB impliquée dans le conflit en Ukraine est très simple : les calculs montrent qu'il n'est pas nécessaire de le faire pour atteindre les objectifs préétablis. De même, si c'est absolument nécessaire, ce ne sont pas des centaines de milliers, mais des millions de soldats supplémentaires qui seront mobilisés au front, ce qui n'est pas une tâche impossible avec une population de plus de 146 millions d'habitants. Et ce n'est pas la fabrication de centaines, mais de milliers de nouveaux chars et avions de combat par an qui peuvent être mis en œuvre industriellement dans un laps de temps relativement court.

Si la Russie devait subir d'hypothétiques pertes stratégiques sur le champ de bataille - ce ne seraient pas la retraite et la capitulation russes tant attendues qui auraient lieu - seuls des esprits dérangés totalement ignorants de la mentalité du peuple russe pourraient envisager un tel scénario - mais seulement l'escalade de la confrontation et l'augmentation significative de l'effort de guerre qui aurait lieu. Il est déplorable de constater que les décideurs actuellement au pouvoir en Occident n'ont pas pu retenir l'élément majeur les concernant dans la grande leçon de l'histoire et sous-estiment largement la capacité inégalée du peuple russe à se mobiliser pour vaincre l'ennemi, dès que le seuil de danger existentiel pour le pays est atteint. La Russie est loin d'un tel seuil, et je ne peux qu'espérer pour le bien des pays occidentaux qu'il ne sera jamais atteint.

Risque de civilisation

Après des siècles d'influence et d'exposition du monde non-occidental au modèle de la réussite exemplaire de la société occidentale, nous sommes parvenus aujourd'hui à un point d'exposition d'une tout autre nature : celui de la dégénérescence et de la destruction à une vitesse croissante des valeurs et des principes sociétaux qui ont forgé la civilisation occidentale au cours des deux mille dernières années. Les politiciens qui ont désormais pris le pouvoir sur la majeure partie du vieux continent sont incapables de comprendre que le rejet croissant par le reste du monde du modèle occidental – et la guerre en Ukraine n’a fait qu’accentuer le processus et faire tomber les masques – repose sur le rejet de la nouvelle idéologie sociétale occidentale centrée sur le néolibéralisme et la domination des intérêts de diverses minorités sur ceux de la majorité – ce qui est, en soi, un projet d’’anti-société . Ce qui attirait hier, ne plaît plus aujourd'hui.

Quasiment tous les chefs d'État européens à ce jour ont été des traîtres à leurs nations, et l'une des rares grandes qualités qu'ils ont en commun est d'avoir augmenté de façon exponentielle les dettes des pays qu'ils représentent, et d’avoir imposé aux intérêts majeurs des nations ceux des minorités destructrices qui privent de plus en plus la majorité de leurs droits et libertés, et qui se montrent en même temps de plus en plus mécontentes et insatiables. À partir de février 2022, observant le double standard flagrant appliqué par la communauté occidentale, observant la confiscation totalement illégale au regard du droit international, le vol des réserves financières russes, les pays du monde non occidental s'éloignent de ces derniers à un rythme accéléré, réalisant à juste titre qu'ils pourraient être les prochaines victimes.

L'effondrement de la réputation de l'Occident en tant que pays du droit a eu lieu. Suite à cet effondrement initial, l'effondrement de la réputation politico-militaire collective de l'Occident aux yeux du reste du monde est inévitable. Aucun engagement occidental garanti par sa puissance militaire ne sera plus crédible. Les prolongations répétées des investissements massifs dans la guerre sur le territoire de l'Ukraine ne sont dues qu'à la tentative de nuancer les dommages majeurs que subiront l'image de la puissance « atlantiste » et la crédibilité militaire. L'ampleur sans précédent des investissements est directement proportionnelle à la compréhension de l'ampleur du désastre de réputation qui s'ensuivra. La motivation du camp occidental est d'autant plus forte que derrière la réputation mondiale, c'est la réputation et l'avenir politique purement personnel des dirigeants impliqués qui sont en jeu.

L’alternative européenne

Néanmoins, si pour les États-Unis d'Amérique, pris isolément, les intérêts en jeu vont bien au-delà du seul élément de leur réputation, la guerre d'Ukraine n'est qu'une démonstration d'une étape intermédiaire dans la lutte des États-Unis pour leur survie en l'état, inconcevable sans la sauvegarde et l'expansion des monopoles et la sauvegarde d'un monopole politico-militaire unipolaire. .Mais il y a donc pour les États membres de l'UE une voie alternative, une sortie de crise profonde de leur engagement avec la Fédération de Russie : un changement de gouvernement suivi d'un rebond significatif de la souveraineté nationale, dont les indicateurs sont aujourd'hui au plus bas depuis 1944, et un retour à la politique de protection des valeurs sociétales traditionnelles qui ont fait leurs preuves et qui sont les seules constructives et viables à long terme et les seules à ne pas être rejetées par le reste du monde.

Un changement de gouvernement au niveau des États souverains, avec l'arrêt par les futurs dirigeants politiques de l'aide militaire et financière au régime de Kiev, couplé à un net désengagement des politiques menées par les prédécesseurs désormais au pouvoir, qui eux seuls doivent absorber le désastre réputationnel. C'est la seule issue à la crise que traverse actuellement l'Europe qui ne soit pas catastrophique, mais elle semble pourtant très improbable dans l'horizon du conflit en Ukraine. Car, à l'heure actuelle, aucune force politique en Europe n'est prête à aller à contre-courant et à courir le risque garanti de perdre l'électorat, sur éduqué et formaté par les outils de manipulation de masse, comme le filtrage et la déformation de la réalité dans le cadre de la guerre de propagande « atlantiste » menée par les médias de masse.

Choisir l'avenir

Aujourd'hui, les pays du monde sont confrontés à un choix stratégique. Un choix qui les laissera soit dans la position qu'ils occupaient depuis des décennies, soit changera leur perception et leur rôle sur la scène internationale : rester dans le sillage et sous la domination directe ou indirecte de la puissance militaro-monétaire américaine, adossée au vieux continent, ou changer le vecteur de leur politique étrangère et rejoindre l'alliance multipolaire qu'incarnent désormais les membres des BRICS qui, depuis sa création en 2006, se sont révélés être une structure viable de coopération économique saine, bâtie sur les principes fondamentaux de la non interférence, égalité des droits et bénéfice mutuel.

Contrairement aux récits propagés par les médias de masse américano-centrés, la nouvelle formule de relations initiée par la Fédération de Russie gagne de plus en plus de pays qui voient l'échec du système de coopération économique basé sur le modèle occidental à servir leurs intérêts nationaux. L'organisation BRICS, composée du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud, représente plus de 40 % de la population de la Terre et plus du quart de son PIB et de sa superficie. En juin et novembre 2022, trois nouveaux pays ont officiellement demandé leur adhésion, dont deux géants de l'énergie : l'Algérie, l'Argentine et l'Iran.

De nombreux autres États ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS : les Émirats arabes unis, la Turquie, l'Indonésie, la Syrie, l'Arabie saoudite, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Mexique, la Thaïlande, le Nigéria, le Cambodge, la Malaisie, le Sénégal, l'Ouzbékistan, les Fidji, l'Éthiopie et même un membre de l'UE : la Grèce. L'Égypte et le Bangladesh sont candidats officiels à l'adhésion depuis la mi-juin 2023.

Cela dit, il faut préciser que les BRICS ne sont pas un club dont les portes sont grandes ouvertes à tous. La nouvelle structure n'a pas l'intention de répéter les graves erreurs commises par d'autres syndicats, notamment l'Union européenne, qui a fait entrer dans ses rangs ce qu'on ne peut qualifier que de "n'importe qui", y compris des agents d'influence directs des États-Unis qui ont détruit la possibilité d'un développement politique et économique de l'Union en dehors de la tutelle nord-américaine. A titre d'exemple, la candidature de la Corée du Sud, pays totalement inféodé à l'Occident, fait partie de celles rejetées car incompatibles avec les intérêts et les principes des BRICS.

Malgré l'évidence, dont l'un des éléments fondamentaux est l'intérêt mondial sans précédent pour la structure des BRICS vis-à-vis du G7 et même du G20, les puissances « atlantistes » continuent de répéter leurs mantras fantaisistes sur l'isolement de la Fédération de Russie et son statut de paria, au lieu de refléter l'évidence qu'elles essaient frénétiquement de cacher à leur électorat.

Le choix des Français

Non seulement il est utopique d'affirmer les intérêts stratégiques de la France dans l'actuelle Europe à 27, dans laquelle les intérêts de plusieurs États membres sont pratiquement opposés à ceux des Français, mais même un retour à l'Europe des Six de 1973 n'est guère une solution salvatrice, comme le présentent parfois certains analystes.

En effet, au cours des 40 dernières années, l'Allemagne a profondément modifié ses doctrines et ses stratégies de développement à long terme qui, à plusieurs égards essentiels, vont directement à l'encontre des intérêts politiques, économiques et militaro-industriels de la France.

Dans ce contexte, si la France, pour sa part, n'emprunte pas une voie clairement souverainiste dans la protection de ses intérêts nationaux vis-à-vis de sa participation à des blocs internationaux américano-centrés, dans lesquels le véritable rôle de Paris n'est qu'auxiliaire ; si les élites politiques actuelles n'apprennent pas à développer leur capacité de vision à long terme - il n'existe absolument aucun projet national digne de ce nom avec une vision même pour les 15 prochaines années - le processus de désintégration de l'image de la France en tant que puissance ne fera que s'intensifier et sa capacité de projection internationale continuera à se restreindre, ce qui, à terme, conduira inévitablement à la marginalisation des Français dans les processus qui façonnent le monde de demain.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.