Qu'il est réjouissant d'écrire un billet, de se retrouver en "Une" de Médiapart ! Tout particulièrement lorsque ce dernier porte sur un sujet ô combien délicat, à savoir Mélenchon.
Ce billet qui m'a valu plus de 200 commentaires (dont les 3/4 environ particulièrement haineux, dédaigneux et méprisants) n'avait pour seul objectif que de me consoler de n'avoir suivi de la marche du 1er décembre que des prises de parole sur une place ridiculement étroite devant quelques petits milliers de marcheurs. Je n'ai su que par la suite que le lieu des prises de paroles était décalé par rapport au trajet de la marche et que l'heure un peu tardive avait poussé une partie de la foule à quitter les lieux précocement afin d'attraper leur train ou leur bus de retour.
Partant de là, mon post sans prétention visait à interpeler sur la stratégie de ces "marches" sans perspective politique réelle, car ne débouchant sur rien de concret. Les 48 heures qui ont suivi m'ont donné raison. Jean-Luc Mélenchon s'est rendu sur plusieurs plateaux de télévision pour y compter le nombre de manifestants, ou pour y raconter comment les télés ont manipulé les images, ou encore pour justifier de la "mise en scène" de son interview sur TF1. Je passe sur le nombre de feux de circulation sur le désomais célèbre boulevard de l'hôpital, large de 43 mètres et long de près de 1500 mètres.
Le message délivré à savoir "la révolution fiscale" a totalement disparu des écrans radar, ne demeure que la vague exigence de ne pas appliquer la hausse de la TVA au premier janvier, ce qui constitue, vous en conviendrez bien peu de choses eu égard au slogan initial. Quant à la présence (inéditeme semble-t-il) de LO et celle (plus habituelle) du NPA ou encore la" frileuse" réconciliation avec Pierre Laurent, celle-ci n'a pour ainsi dire jamais été relayée par l'ensemble des médias mainstream.
La marche a donc eu pour principal effet (je ne parle pas en interne du FdG, ni au sein de la gauche radicale) de donner du temps d'antenne au seul Jean Luc Mélenchon quitte à personnaliser encore davantage le combat qui est mené. Ce temps de parole fut en amont destiné à "rameuter" pour la marche, ce qui est bien normal et en aval à la justifier, ce qui est plus gênant à mon sens. Dans ces conditions peut-on parler de bénéfice politique ?
Qu'on le veuille ou non, l'écrasante majorité des Français s'informe par les médias dominants (télévision-radio) y compris les gens de gauche plus branchés Service public audiovisuel (France2-3 et Inter). Or la ligne de ces médias est encore plus violente à l'égard du FdG que les concurrents privés, qui étant plus marqués à droite, se délectent de tout ce qui peut affaiblir le gouvernement, d'où que cela vienne. BFM et I Télé ont largement relayé l'info en diffusant en direct la marche ou au moins certaines prises de parole, comme elles le font à chaque fois. Si on tente une classification des personnes informées de la marche du premier décembre, on trouve à mon sens :
1/ Des personnes surinformées, qui s'intéressent de près à la vie politique. Ces personnes ont retenu (quelle que soient leurs orientations politiques), que le FdG est descendu dans la rue contre la hausse de la TVA, que la mobilisation était plutôt importante et que la préfecture de police a minoré outrageusement les chiffres. Ces gens là sont très minoritaires dans le pays
2/ Des personnes de gauche, pour la plupart des modérés, tendance PS, qui ont écouté Inter et regardé le 20 heures de Pujadas, ont retenu que la marche contre les impôts, mais qui n'est pas la même que celle des bonnets rouges a eu lieu à Paris. Il y avait du monde, mais moins que la fois précédente et que cela a eu beaucoup moins d'impact que les bonnets rouges à Carhaix ou que quelques centaines de routiers effectuant quelques opérations escargot. Au pire, ils estiment qu'il y en a assez d'attaquer sans cesse le gouvernement en "éructant" comme Mélenchon, vu que ce vocabulaire semble le plus usité pour qualifier les propos du député européen et co président du Parti de Gauche sur les chaines de radio publiques
3/ Des gens de droite, qui se réjouissent de tout ce qui est anti PS/ Hollande, qui ne voteront jamais FdG.Ca les fait marrer un instant, et comme dirait Chirac "ça leur en touche une sans faire bouger l'autre".
Les deux dernières catégories sont largement majoritaires. Donc l'opération "révolution fiscale" a selon moi un impact réel sur les catégories suivantes :
1/ Les personnes très informées de gauche
2/ Les 4 millions de personnes qui ont voté Mélenchon aux présidentielles (à condition qu'ils en aient entendu parler)
3/ Les militants et sympathisants de tout ce qui est à gauche du PS
On peut extrapoler et dire qu'au final 1 personne sur 10 en France s'est sentie concernée par cette marche, à des degrès divers, et avec des sentiments divers
Ces trois catégories se recoupent largement. Quant à la nature de l'impact, c'est sans doute bien plus difficile à cerner. Certains doivent être rassurés de voir que la capacité de mobilisation reste importante, d'autres (comme moi) sont plus dubitatifs dans la mesure où l'élargissement à la base ne se produit guère (je ne parle pas ici de l'élargissement au niveau des orgas, j'y viens ensuite), d'autres espèrent peut être qu'il ne s'agit que d'un début et que le mouvement va s'amplifier dans les semaines qui viennent.
Alors échec ou réussite ?
D'un point de vue médiatique, c'est un échec, même si les bidonnages télés, ont permis de rebondir en faisant du bruit médiatique. Le propos initial a disparu.
Du point de vue numérique, on est dans des eaux moyennes. Compte tenues des circonstances, c'est pas si mal. Reste à savoir si c'est suffisant pour en faire un point d'appui en vue d'une poursuite de l'initiative en janvier.
Du point de vue politique :
Pour ce qui est de l'ensemble de l'électorat, c'est un jeu à somme nulle. Cela n'a interssé que les convaincus. Ca a pu les remobiliser. Pour les autres, c'est soit un coup d'épée dans l'eau du FdG, soit une banderille supplémentaire dans le dos du gouvernement.
Pour ce qui est de la reconfiguration de la Gauche, c'est peut être plus intéressant. Même si E Joly et/ou EELV n'ont pas participé, le processus de rapprochement se poursuit (voir liste municipales). Avec le NPA et LO c'est indéniablement positif, même s'il faut bien évidemment garder la tête bien froide. Disons que ces organisations sont un peu plus "douces" avec le PG et JL Mélenchon. L'accusation de "social traître" est moins de saison. A l'intérieur du FdG, l'initiative "Ensemble" permettra sans doute à un troisième pôle de se dessiner, ce qui évitera les têtes à tête PC/PG. Enfin, la marche a permis de renouer avec des initiatives communes de l'ensemble du FdG sans que de sévères accusations se fassent jour entre les deux leaders des gros partis du FdG.
De ce point de vue c'est un indéniable succès.