Rodolphe P. (avatar)

Rodolphe P.

Professeur d'histoire géographie, analyste en stratégie internationale

Abonné·e de Mediapart

59 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 avril 2017

Rodolphe P. (avatar)

Rodolphe P.

Professeur d'histoire géographie, analyste en stratégie internationale

Abonné·e de Mediapart

Pourquoi Jean-Amédée qui vote Macron est plus blâmable que Jacques qui vote Le Pen

Quand l'un commet une erreur par ignorance, l'autre commet une faute en conscience.

Rodolphe P. (avatar)

Rodolphe P.

Professeur d'histoire géographie, analyste en stratégie internationale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jacques est ouvrier, ou plutôt l'était. A 48 piges, il alterne les contrats courts et les périodes de chômage. Il vit dans un quartier populaire d'une ville moyenne de France, son appart, il en est propriétaire...enfin théoriquement, il possède d'abord un crédit qu'il a aujourd'hui du mal à rembourser. Alors, pour réduire ses frais, il a vendu sa bagnole. Pour pas grand chose, mais l'essence et l'assurance en moins, ça lui permet de payer on électricité et sa taxe d'habitation. Sans voiture c'est vrai plus difficile de trouver un boulot, mais c'est ainsi. Sa femme met déjà 2 heures par jour en bus pour effectuer l'aller retour au centre commercial où elle bosse en périphérie de la ville. Ses loisirs c'est le foot avec les potes. Il le regarde sur sa télé ou au bistrot du coin...il paraît qu'il va fermer. Qu'y voit il ? Des millonaires qui tapent dans un ballon, m'enfin c'est des bons moments et ces gens là ont du talent. Lui aussi a joué au foot, en amateur, quand il était plus jeune... Son quartier, faut le dire, c'est un peu la zone, Jacques en a marre de ces jeunes basanés désoeuvrés qui traînent en bas de chez lui, fument des pétards et font un boucan insupportable la nuit. Lui aussi a fait un peu le con jeune, mais il parlait dans un vrai français et repectait les gens, enfin dans l'ensemble. Il allait au bal les étés dans les villages du coin, parfois ça se terminait en baston mais c'est aussi là qu'il a rencontré Vanessa, sa femme. C'était le bon temps. Aujourd'hui, il sait plus trop, il se laisse vivre, ses minots sont loins, avec sa femme c'est plus trop ça, mais sans son Smic, il serait à la rue. Restent les potes, Momo, son copain arabe, il lui en veut pas parce qu'ils partagent la même passion pour le club, les couleurs du maillot ça fait des liens tu vois. Quand il est seul le soir, que Vanessa est couchée puisqu'elle se lève à 5 heures du mat', il mate la télé. Parfois un petit porno sur une vieille VHS ou sinon c'est "faites entrer l'accusé", il aime bien ces histoires, c'est vachement bien fait. Tous ses salopards tueurs d'enfants, les flics les ont bien coincés, et le procureur les a démonté. Il avoue même que parfois faut dire les assassins sont très malins, des tarés c'est certains mais intelligents. Ceci dit souvent il s'endort devant. Dimanche dernier, il a voté le Pen, c'est normal "les autres" ils s'occupent pas de nous, ils nous parlent pas et nous méprisent. Il est pas raciste, ou du moins il le pense, il a des potes arabes comme Momo hein, lui, il les connait, il vit au milieu d'eux. Par contre le voile des bonnes femmes et l'Islam ça il peut pas supporter, c'est pas ça la France. Alors Le Pen pour lui c'est le moyen de passer un coup de gueule, de rappeler qu'il existe.

La journée de Jean Amédée est chargé en ce lundi. A 45 ans, il estime qu'il a bien mené sa barque. Il relativise toutefois son succès, il a parfaitement conscience qu'étant né dans un milieu favorisé, il a su tirer parti du système éducatif français dans lequel il a alterné le public et le privé, pour finalement intégrer une école de commerce prestigieuse au terme de laquelle il a fondé sa boîte grâce aussi, il faut l'admettre à un petit coup de pouce de Papa, qui cadre supérieur dans une banque avait pu épargner et se faire quelques relations. Sa boîte a connu le succès, elle compte près de 100 employés, son chiffre d'affaires est confortable, les clients ne manquent pas. Il est vrai que les maisons de retraite médicalisées constituent un marché particulièrement lucratif et en pleine dynamique. Il n'en demeure pas moins que la paperasse l'ennuie et que déclarer ses revenus constitue un vrai casse tête. Pour la première fois de sa vie l'an passé il est passé à un iota de l'ISF. Hereusement, Jean Maurice, son avocat, lui a prodigué de bons conseils. Istrid, sa compagne, (ils ne sont pas mariés) a 10 ans de moins que lui, c'est une ancienne infrmière qu'il avait embauché lui a préparé son petit déjeuner. C'est une femme aimante, chaleureuse et très classe. Elle a arrêté de travailler pour s'occuper à temps plein de leurs deux adorables enfants. Louise a 13 ans, c'est la matheuse de la famille, son prof de maths ne tarit pas de louanges à son égard. Mathis, quoiqu'un peu plus turbulent, c'est de son âge est un esprit ouvert, à 15 ans il lit déjà l'Obs, c'est dire. Une des passions de Jean Amédée est le foot, même s'il a pratiqué le tennis plus jeune, il adore son club qui évolue en ligue 2. Ce matin justement il rencontre le président du Club, il va pouvoir négocier un contrat de partenariat et qui sait peut être obtenir d'avoir son nom floqué sur le maillot dès la saison prochaine. Toutes les semaines, il se rend au stade où sa loge l'attend. Jean Amédée a développé très tôt un vif intérêt pour les civilisations extrême orientales du Japon à la Chine. Il se rend souvent à Singapour et connâit même quelques rudiments de chinois. Il admire le sérieux de ces gens, leur esprit travailleur et conquérant. Pour lui c'est une évidence, le coeur du monde batra demain, si ce n'est pas déjà le cas aujourd'hui autour de la mer de Chine. Ceci dit pour les paysages il préfère la Méditerranée. Jean Amédée a retenu de son éducation familiale et scolaire, qu'il faut aimer l'autre. Il a été profondément traumatisé par le cataclysme de la Shoah mais aussi par les meurtres de masse des communistes Staline en tête. Ces régimes qui contrôlent l'individu, juque dans son intimité l'épouvante. Chacun doit être libre, dans sa conscience, libre de disposer de son corps.  Le communisme d'ailleurs, on le voit encore en France, par cette bureaucratie délirante, ces taux d'impositions confiscatoires et vu la masse de fonctionnaires. Il ne les déteste pas, non, mais quand même, il faut le dire sans quoi ce serait se mettre des oeillères, ils ne font pas grand chose, là où il y en a deux, un seul suffirait amplement. Hier, Jean Amédée a voté Macron, parce que Fillon était trop ringard et coincé et puis ces casseroles quand même.Quant au petit Hamon (lui qui a voté PS en 2012 parce qu'écoueuré par Sarko pourtant prometteur en 2007) , il était pas sérieux avec son revenu universel et de toutes façon trop loin dans les sondages) Macron est jeune, dynamique, il va libérer le travail, permettre enfin que l'on s'enrichisse davantage, démonter ces mécanismes qui freinent l'activité, gagner de la flexibilité. Sa boîte sera assurément gagnante avec un mec dans son genre. Le seul truc qui l'énerve c'est que sa belle mère a réussi à motiver Istrid pour qu'elle vote Mélenchon. (Sa belle mère est bein entendu une retraitée de l'Education nationale), du coup ils se sont engueulés

Ainsi, Jacques est un idiot malheureux. En votant Le Pen,il commet une erreur et se trompe d'adversaire : l'immigré, l'arabe ou le musulman c'est pareil d'ailleurs pour lui plutôt que le banquier, les grands actionnaires, les directives de Bruxelles, l'OMC et les traités inégaux. En votant Le Pen, il met la France en danger mais il ne le croit ou ne le sait pas.

Ainsi, Jean Amédée est un être cultivé, accompli et dispose d'un bage culturel et intellectuel largement suffisant pour comprendre qu'une société qui ne partage pas ou de moins en moins ses richesses est condamnée. En votant Macron il commet une faute, et au fond de lui, il le sait.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.