Suite au vote consultatif sur le plan d'austérité à 50 milliards d'euros, il manque aux socialistes 7 voix pour obtenir seuls la majorité sur ce scrutin. Ils ont donc eu besoin du soutien du groupe PRG (13 pour) pour dépasser la majorité qui était fixée à 249 voix.
Quels enseignements tirer ?
Un groupe PS au bord de la scission. 41 députés estampillés PS se sont abstenus auxquels il faut ajouter les 3 MRC (chevènementistes) qui ont voté contre. En d'autres termes, si ces 41 avaient voté "contre" le gouvernement Valls chutait. Bien sûr, cela relève de la politique fiction car parmi ces 41 beaucoup auraient été sanctionnés par l'appareil...et le risque de dissolution était bien réel. Donc ils s'abstiennent, car ils ne parviennent pas à choisir entre leurs idées et leur fauteuil.
Deuxio, le groupe EELV s'ancre de plus en plus dans l'opposition au gouvernement. Sur les 17 députés membres de ce groupe, 12 ont voté contre et deux se sont abstenus. A l'avenir, il deviendra impossible pour le gouvernement Valls de compter sur eux, et leur intérêt politique, maintement les municipales passées consiste bien sûr à se démarquer du gouvernement.
Tertio : L'UDI est bien plus proche de la majorité PS que les verts. Sur les 29 membres que compte ce groupe, 7 seulement ont voté contre tandis que 17 s'abstenaient et 3 accordaient même leur soutien.
Enfin, le groupe PRG est dans une position de bascule. C'est désormais le pivot de la majorité parlementaire. Sa docilité est historiquement immense à l'égard du PS. Mais il est en position de faire monter les enchères. Comment les radicaux vont-ils tirer bénéfice de cette position ?
Pour résumer, le gouvernement Valls ne peut compter sur le soutien effectif de 242 députés sur 577. Il lui manque dans l'absolu 47 voix pour y parvenir. Dans une situation où tous les députés prendraient part au vote, le seul soutien du groupe PRG n'y suffirait pas. Surtout, il est urgent de stopper l'hémorragie au sein du groupe PS, les déclaration du matador Le Roux ne parviennent pas à masquer le profond malaise des parlementaires socialistes. 44 sur 290, c'est déjà 15% du groupe qui joue les forces centrifuges.
Il manque au gouvernement Valls 73 voix à gauche sur ce vote, cela n'a rien d'anecdotique quand l'on sait que la gauche unie a au Palais Bourbon dispose de 340 sièges. 340-73= 267 quand la majorité absolue est à 289. Le gouvernement Valls ne tient que par
1 : La peur qu'il exerce sur des députés de gauche qui craignenet pour leur fauteuil et qui n'envisagent pas de voter contre.
2 : La complaisance d'une certaine droite qui ne sait que trop qu'elle n'est pas prête à gouverner, et qui n'aura aucun effort à fournir pour récupérer le pouvoir une fois le fruit pourri tombé.
Ce soir, nous savons que le gouvernement Valls n'a pas de majorité politique et que l'édifice branlant ne tient que par des jeux de couloirs si caractéristiques de la V° agonisante.
[actualisation]
Je ne résiste pas à l'envie de coller ci-dessous, l'analyse de haute volée de F. Fressoz du "Monde". Vous comprendrez après lecture et comparaison des deux billets la nécessité qu'il y a d'avoir des journalistes en France...
La majorité rétrécie de Manuel Valls
41 députés socialistes ont fait le choix de s'abstenir, mardi 29 avril, lors du vote sur le programme de stabilité budgétaire. Pour Manuel Valls, ce n'est pas un désastre : le premier ministre dispose d'une majorité pour gouverner. Mais c'est un sérieux avertissement. Pour mener le redressement, phase cruciale du quinquennat, il ne dispose d'aucun blanc-seing. Sa majorité est rétrécie, sa majorité est rebelle. Sa majorité va lui donner du fil à retordre.
Le vote sur ce programme, qui prévoit notamment 50 milliards d'euros d'économies d'ici à 2017, était purement indicatif. Le premier ministre a cependant voulu le dramatiser au maximum dans l'espoir de faire taire les rebelles et de déclencher un sursaut. D'entrée de jeu, il a appelé à « un dépassement de nous-mêmes » face au mur de la dette et des déficits, avant de mettre ses pas dans ceux de Pierre Mendès France, l'homme qui disait « la vérité ».
« Le résultat du vote conditionne la légitimité du gouvernement, la crédibilité de la France », n'a-t-il pas hésité à lancer aux députés en se mettant personnellement en scène par un « j'assume » répété autant de fois qu'il le fallait. Valls le courage ! Valls le redressement ! C'était lui.
Mais son discours, qui n'était qu'une simple actualisation de sa déclaration de politique générale, n'a pas entraîné le dépassement espéré. Le premier ministre appelait au sursaut, il a récolté le scepticisme au sein de son propre parti.
41 députés socialistes se sont abstenus. 41 députés qui, depuis le désastre des élections municipales, refusent d'ingurgiter la politique de l'offre et les économies budgétaires annoncées dès le début de l'année.
Manuel Valls a eu beau, ces derniers jours, multiplier les rencontres, lâcher des concessions en faveur des petites retraites et des petits revenus, insisté sur la justice sociale et le pouvoir d'achat, confier au Parlement le soin d'évaluer l'efficacité des allègements de charges qui font tousser la gauche, il n'est pas parvenu à étouffer la rébellion.
Paie-t-il l'addition du début du quinquennat, qui a conduit au désastre des élections municipales et créé une forme de divorce entre le président de la République et les élus socialistes ? Ou affronte-t-il un doute qui touche sa propre personne, lui le droitier du parti socialiste qui n' avait récolté que 6 % des voix à la primaire socialiste ?
Le fait est qu'à gauche, le ton se durcit. Les communistes fustigent « l'austérité » et parlent de « capitulation ». Dans leur bouche, ce n'est pas nouveau mais voilà que les écologistes s'y mettent aussi. Eux qui ne pipaient mot en janvier, lorsque le pacte de responsabilité avait été annoncé et qu'ils étaient au gouvernement, dénoncent à présent « une politique déflationniste », une « course à la baisse du coût du travail » qui menace toute l'Europe. Qu'on ne compte plus sur eux. Et de fait, ils ont majoritairement voté contre.
Alors certes, il reste le centre, qui a toujours été une bouée de sauvetage pour les socialistes en perdition. Mais le centre est fidèle à lui-même : il ne ne dit pas non mais il ne dit pas oui non plus. Il s'abstient majoritairement en attendant de voir.
Manuel Valls se garde d'ailleurs de trop le courtiser, de peur de voir tout un pan de la gauche faire brusquement sécession.
Le deuxième premier ministre de François Hollande se rêvait en Churchill, à la fois courageux, dynamique, rassembleur. Il devra d'abord patiemment reconstituer le puzzle d'une gauche en miettes.