Le moment politique que nous vivons, soit l'impossibilité de former un gouvernement de cohabitation qui aurait pour mandat le rejet des politiques menées par Emmanuel Macron et ses soutiens depuis sept ans, apparaît comme le triomphe de l'irresponsabilité.
La rationalité néolibérale a pourtant envisagé, depuis des décennies, sa légitimité par l'affirmation de sa compréhension technique du monde, sa culture de responsabilité, sa tempérance, face au soi-disant chaos des "extrêmes". Avec Emmanuel Macron cette pathologie de la responsabilité est même devenu le point d'encrage de son "art de gouverner'.
La notion de responsabilité est extensive chez les tenants du libéralisme, car en maint domaines il faut être responsable de soi-même et comme corollaire l'Etat vous proposera une politique de l'offre car il appartient à chacun à termes de prendre soin de sa santé, de sa sécurité, d'anticiper et d'évaluer les risques qu'il encourt, bref, d'assumer seul toutes les conséquences de ses conduites.
Pourtant depuis plus de trois mois et au non des sacro-saintes politiques libérales que le Président incarne et revendique, le pouvoir macronien a décidé, pour survivre contre toute attente, d'être authentiquement irresponsable.
Irresponsabilité stratégique et institutionnelle en décidant la dissolution, irresponsabilité démocratique en ne choisissant pas la personnalité proposée par la force première au sein de l'Assemblée nationale, irresponsabilité politique en refusant tout programme de gouvernement devant remettre en causes les politiques publiques qui ont été massivement rejetées dans les urnes par les français. Tout cela devant aboutir bien sûr à un premier ministre qui au début de la cession parlementaire d'octobre prochain n'engagera pas sa "responsabilité" devant les députés de la nation.
Le "souci de soi" jusqu'au vertige est devenu le premier dogme d'Emmanuel Macron et d'une certaine manière tout provient de l'absence voire du déni qui consiste pour le Président de la République à la fois à ne pas reconnaître sa défaite, mais surtout à considérer que les politiques macro économiques qu'il mène sont les bonnes et surtout les seules viables pour le pays.
Alors, évidemment, tout cela prend des formes plus byzantines qu'une attaque armée contre la congrès des Etats Unis, mais cette torsion qui consiste à transformer la responsabilité en désir égotique de survie politique vide de toute sa signification éthique la notion de responsabilité et marque une nouvelle forme de pensée et d'agir induisant de lourds précédents pour notre démocratie.
Après tous ces piétinements que pourrons nous dire s'il advenait qu'un pouvoir idéologiquement illibéral parvenait au pouvoir ? Ce dernier pourrait à bon droit affirmer qu'Emmanuel Macron, le chantre de la rationalité et de la gouvernance tempérée, aura étrenné déjà quelques figures de styles autoritaires et qu'il n'est plus interdit d'en user à nouveau.
Ainsi, il est urgent que d'aucuns, dans ce marasme, reprennent le flambeau de la responsabilité morale qui incombe à des dirigeants éclairés. Il en va de nos principes fondamentaux, mais aussi d'une bonne compréhension du rapport de force politique qui veut qu'un pouvoir irresponsable est toujours un pouvoir fragile et incertain.