A l’occasion de la victoire du RN aux européennes, on a un peu vite passé sous silence les frasques homophobes et racistes dans les rues de Paris du fils d’un éminent Gudard et de ses amis.
Ces images horrifiques de déploiement de force et de simulacre de violence rappellent les atours barbares du RN. Un fascisme de rue comme composante notoire de ce que fut, de tout temps, l’extrême droite.
Car en effet, cette branche de rue du marinisme renvoie à la conceptualisation qu’en firent les leaders fascistes dans les années trente. Ceux-ci réalisèrent très tôt l'importance de l'occupation de la rue, dans un contexte de décomposition sociale et ils le pensèrent en intégrant la violence, quand cela leur parut nécessaire.
Tantôt avec des rituels, des hymnes, des défilés et des drapeaux, quand ils devaient montrer leur puissance et leur capacité organisatrice, parfois avec des assassinats quand ils devaient régler leur compte à ceux qui, à chaque circonstance, étaient déclarés ennemis de la cause.
Mais les fascistes d’entre-deux guerres avaient aussi des buts plus sophistiqués. Comme le montre Hannah Arendt, tout gouvernement totalitaire s'appuie nécessairement sur les masses tout en les méprisant de manière consciente.
La terreur des groupuscules dans l’opposition se transforme en violence d'Etat quand l’extrême droite est au pouvoir, rationalisant l’espace public, y compris au dépend des premiers nervis qui produisent de l’émeute et donc un besoin de retour à l’ordre dans un deuxième temps.
Mais cette anomie de rue puis d’Etat est utilisée avant tout pour se défaire des adversaires politiques pour ensuite atteindre tous les « ennemis objectifs » que l’on désigne comme des « délinquants sans délits ». Les moyens utilisés par les régimes autoritaire au pouvoir pour se déployer dans la grande ville agissent sur différents plans.
En premier lieu, comme force policière chargée du « nettoyage » ethnique, social ou tout simplement préventif.
En deuxième lieu, comme instrument de propagande, une ruse démagogique qui empêche, à l'intérieur d'un cercle fermé, toute possibilité de critique à l’encontre des consignes reçues et toute possibilité de validation expérimentale de celles-ci, au point que, pour les masses, la théorie d’un corps collectif constitué et incarné de manière permanente par l'organisation devient l'unique et authentique réalité.
Enfin, le défilé est un élément identitaire et relève de la logique d’appartenance : être fasciste implique le sentiment d’être d’une race particulière, indomptable, authentique, supérieure, la race des surhommes. Être fasciste, c'est se voir soi-même comme faisant partie d'un mouvement si puissant que toute carence devient invisible, c’est se fondre dans une totalité pleine de significations messianiques et cela rend possible la participation à un univers futur construit pour s’apprêter au combat dans une consanguinité de la violence.
Ainsi, derrière le folklore d’hommes en noir bottés aux insignes Celtiques dans les rues de Paris se cachent les phalanges organisées du combat de rue, évidents prolégomènes de l’extrême droite bientôt au pouvoir.