La déstabilisation de la vie politique française, celle qui porte en germe l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, est essentiellement due au mode de gouvernance du Président de la République.
Celui-ci gouverne par séquence de trois à six mois en endossant les masques et atours complets d’une politique, puis tel un nouvel Houdini, il remise son frac pour un costume croisé les six mois suivants et nourrit des orientations diamétralement inverses aux précédentes.
Rappelons-nous, la collection automne-hiver avait un relent très vieille France : l’uniforme et le tri social à l’école publique, la coalition internationale contre les terroristes du Hamas, la diplomatie émolliente face à Poutine et les livraisons d’arme en retard pour les ukrainiens pour finir en apothéose avec le vote sur la « priorité nationale » au sein de la loi immigration.
Et puis avec l’annonce du premier printemps et parce qu’il fallait rattraper par le col l’électorat de centre gauche en voie d’émancipation, on vit une salve bien rythmée de propositions de lois et symboles tout empreint de la gauche sociétale : inscription du droit au recours à l’IVG dans la Constitution, hommage à la Résistance étrangère, fermeté antirusse, ouverture au droit à mourir dans la dignité…
Pour finir, après les élections européennes, par trianguler de nouveau autour des thématiques de l'ultra-droite culturelle en qualifiant la gauche social-réformiste "d'extrême gauche", en martelant les mots de Jean-Marie Le Pen en évoquant la soi-disante "politique immigrationniste" du NFP et en se plongeant dans la fange des réflexions de bistrot sur les conversions de genre.
En somme, en s'échignant à détruire le front républicain face au marinisme par la diabolisation de la gauche, Emmanuel Macron offre la possibilité d'une crise de régime. L'objectif n'ayant rien d'idéologique, mais simplement comptable puisqu'il faut sauver une centaine de circonscriptions rurales de Renaissance et ses alliés face aux appétits du RN.
On sait a quoi aboutira cette godille : un désastre électoral à plus d’un titre. Car comment réduire l’action publique, notamment dans les habits pesants de la V ème République, à celle d’un boutiquier qui cherche coute que coute à garder son stock d’électeurs rien de plus. Il n’y a pas l’once d’un sentiment de gravitas, seul compte le bilan annuel, soit l’espérance devenue déceptive d’un score électoral satisfaisant pour Renaissance à la prochaine élection législative.
Ainsi nous reviens cette belle expression prêtée à un François Mitterrand crépusculaire : « bientôt nous ne serons gouvernés que par des comptables ». Pensaient-ils aux grands spécialistes des comptes publics où à ces profils d’acteurs totalement départis de valeurs et de convictions, sauf celles qui permettent de jouer la politique aux dés et qui s’apparentent à l’instinct de survie du poisson-pilote laissant ses concitoyens se faire dévorer par la bête immonde.
Emmanuel Macron a donc, depuis le 9 juin au soir, remis en scène sa danse de Saint Gui avec le RN jusqu'au vertige, il l’assume au prix du sacrifice de son "corps politique" et aussi, en passant, au prix de notre démocratie et de l’Histoire républicaine.