Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

118 Billets

3 Éditions

Billet de blog 3 septembre 2014

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Un pouvoir au-dessus du vide

Depuis le début du quinquennat de François Hollande, le pouvoir glisse sur une pente et à chaque épreuve se déleste d’une partie de ses soutiens pour se trouver aujourd’hui, seul suspendu au-dessus du vide.

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le début du quinquennat de François Hollande, le pouvoir glisse sur une pente et à chaque épreuve se déleste d’une partie de ses soutiens pour se trouver aujourd’hui, seul suspendu au-dessus du vide.

La dégringolade d’un pouvoir autiste

La première étape fut, dès le lendemain de son élection, un renoncement à quelques mesures emblématiques de son programme électoral. Il n’est pas nécessaire de rappeler cet épisode amplement documenté par Laurent Mauduit dans son livre L'étrange capitulation, ( Éditions Gawsewitch) sorti après un an de pouvoir socialiste.

La deuxième étape significative fut, après les  débâcles électorales des municipales et des européennes, l’affirmation de la continuation de la politique menée, la mise sur la touche de J.M. Ayrault remplacé par celui qui portait tous les travers de la ligne sanctionnée par les électeurs. Le départ des ministres EELV marquait le rétrécissement de ses alliances. La nomination de Manuel Valls comme premier ministre était un déni des aspirations d’un électorat  en souffrance et l’accentuation d’une orientation dont l’échec était manifeste. Huit mois après l’échéance fixée par Hollande pour l’inversion de la courbe du chômage,  celle-ci est toujours orientée vers le haut. Une part significative des députés PS montra que non seulement le duo Valls-Hollande était très isolé dans le pays mais que sa majorité parlementaire se fracturait.

La troisième étape est celle que nous venons de vivre la semaine dernière avec l’expression publique par deux ministres du désaccord sur la ligne social-libérale menée. Le pouvoir est seul. Au mépris de toute démarche démocratique, à chaque échec, à chaque expression de son isolement, il a répondu par l’affirmation que lui seul était lucide et pragmatique. A chaque épreuve il a continué sa fuite vers l’abîme. Ses coups de force ne sont que des manifestations de sa faiblesse. A peine a-t-il éjecté ses opposants du gouvernement que Taubira se montre avec « Vive la Gauche » et que des ministres en off marquent leur désaccord avec le discours de Valls devant le Médef. Martine Aubry pousse mezzo vocce sa chansonnette réprobatrice. Il ne reste que les opportunistes (trop nombreux) qui tournent avec le vent, soutenant aujourd’hui ce qu’ils combattaient hier. Les coups de menton de Valls n’impressionnent personne. Son seul soutien vient du Médef applaudissant debout un Valls au sommet de sa dérive droitière. L’éditorialiste du Figaro de jeudi 28 août y va de son humour grinçant : « Manuel Valls vend son âme au diable. Il ne lui reste plus qu’à chercher une majorité à droite ! »

Ce constat, exprime la jubilation d’une droite devant le vide que ce pouvoir a creusé sous ses pas. Il souligne également l’absence d’une politique alternative à celle de l’UMP-Sarkozy et, plus largement à celle des néo-libéraux  mise en oeuvre par Margaret Tchatcher et George W. Bush.

La gauche est-elle réduite à n’avoir de politique que celle de ses adversaires déclarés? Sommes-nous condamnés à n’avoir pour projet qu’un monde capitaliste de plus en plus inégalitaire, dangereux par les conflits qu’il provoque et par son  indifférence aux défis écologiques ?

A quand le sursaut ?

Ce constat serait désespérant s’il décrivait la situation de toute la gauche. Mais ce n’est que celle de ce pouvoir usurpateur qui a su, fort du rejet du Sarkozisme et d’un programme qu’il s’est empressé d’abandonner, susciter quelques espoirs dans une société ébranlée par une énième crise du système capitaliste. Des alternatives existent, elles demandent courage et détermination et un principe : rechercher le bien commun. Quel sens a une société qui rétribue plus le capital  que le travail ? Quel sens à une société lorsque le rentier est le premier bénéficiaire des gains de productivité et le premier protégé lorsque ses investissements font faillite ? Quel sens à une société plus riche où le nombre de pauvres s’accroit ?

A cette rentrée, il est temps que des voix se fassent entendre et qu’elles soient suffisamment fortes et capables de présenter une alternative démocratique de gauche. Il est temps que des forces se regroupent, que nous nous organisions à la base. Nous n’avons pas le temps. La situation internationale et l’accélération de la dégringolade de ce pouvoir en France nous  impose la plus extrême vigilance. Poutine s’est engagé dans une politique de force en Ukraine. Les conflits en Syrie en Irak et en Palestine  peuvent dégénérer à tout moment.

Marine Le Pen vient de faire ses offres de service. Il ne faut pas prendre ces signaux à la légère. Le chantage à la dissolution de l’Assemblée nationale peut maintenir en place un gouvernement Valls mais celui-ci restera suspendu au-dessus du vide.

Seules les institutions de types monarchiques de la cinquième république permettent aujourd’hui à ce pouvoir de ne pas être balayé.

Reconstruire la gauche dans l’urgence

Cette alternative ne pourra se faire autour des derniers avatars du PS. Il nous faut sortir du fonctionnement et du vide intellectuel de ce parti. De nombreux militants socialistes  seront partie prenante d’une reconstruction s’ils savent abandonner les pratiques d’appareils acquises en son sein.  Le PS n’est pas  seul en cause. Les autres formations de gauche doivent aussi se remettre en question et accepter de se regrouper sur des propositions qui rompent avec l’hégémonie de la finance et la main mise de l’oligarchie sur la France et dans le monde. Cela demandera de difficiles renoncements idéologiques, d’enterrer de vielles querelles, d’écarter tous les avides du pouvoir pour mettre en avant des personnes de qualité et ne pas se tromper d’ennemi comme lorsque la détestation du PS occulte la dangerosité bien plus grande du FN. Il s’agit pour nous de trouver ensemble les chemins de l’espoir avec imagination et sans sectarisme.

P.S. Le 16 juin je signais un billet ; « Pour des assises unitaire de la gauche » que vous pouvez retrouver ICI. Je reviens sur le sujet tant les derniers épisodes rendent les propositions plus urgentes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.