La lecture des journaux nous est l’occasion de surprises étonnantes surtout lorsque nous sortons de nos rubriques habituelles. La lecture de la page « Mode » du Monde du 5 juillet dans un article au titre prometteur : « De l’utilité vitale du luxe » fait partie de ces moments où l’on doit se donner quelques gifles pour être sûr de ne pas rêver. Le premier choc est dû à l’adjectif « vitale » associé à luxe.
Pour moi le luxe est justement ce qui n’est pas vital, le superflu, le marqueur de son appartenance à un groupe social, qui dit, ostensiblement, que l’on à tout et que l’on peut se permettre d’acheter le futile, l’inutile. Mais non, la robe de haute couture, qui coûte ce que d’autres gagnent en un mois, n’est pas une fantaisie de personnes fortunées. Non c’est vital. Enlevez leur ce luxe et elles dépérissent, pire elles risquent la mort. N’enlevons pas à Liliane Bettencourt, à Warren Buffet, à Bolloré les moyens de leur luxe sinon nous pourrions être condamné par Véronique Lorelle, la journaliste auteure de ce billet, pour homicide volontaire. Communément l’adjectif vital est réservé à ce qui permet de rester en vie : le logement, la nourriture de base, le vêtement chaud en hiver. En leur absence on survit et puis certains en meurent. L’on ne dit pas que l’augmentation du SMIC est vitale, l’on dit qu’il va entrainer la faillite des petites entreprises, qu’il va nous faire perdre notre compétitivité…
Véronique Lorelle ne s’en tient pas à ce titre cynique, elle ajoute :
« D’après une enquête Ipsos, publiée fin juin, en temps d’instabilité économique, le luxe n’est pas seulement une valeur refuge pour investir ou sécuriser ses biens. Il apporte aussi un réconfort psychologique. En offrant un bien intemporel dans une société de la vitesse, vous faites acte de résistance. Vous échappez au temps, ce qui explique, nous dit-on, que la veste Coco Chanel (entre autres) ait traversé les époques. »
Là je ne comprends plus. Comment fait-on un acte de résistance en achetant une veste Coco Chanel ? Le sens des mots a changé. Le mot résistance d’après le Robert signifie : action de résister, de s’opposer à quelqu’un, à une autorité. Capacité à résister à une épreuve physique ou morale. A quoi l’on s’oppose ? A qui ? Quelle est l’épreuve morale lors de l’achat d’un objet de luxe ? C’est le même mot qui est utilisé pour parler de ceux qui se sont opposés à l’occupation nazie, de ceux qui luttent en Syrie ou à Aulnay.
A utiliser les mots à contre sens la vie elle-même perd tout sens. C’est peut-être le but recherché ?