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Billet de blog 8 avril 2022

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Pourquoi je ne voterai pas J.L.Mélenchon

Nous voici à la fin d'un chapitre de notre vie politique. A deux jours du premier tour des élections présidentielles, l'incertitude domine. Les questions que je posais en septembre 2021 dans ma Lettre à une gauche déboussolée (1) sont restées sans réponse

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Nous voici à la fin d'un chapitre de notre vie politique. A deux jours du premier tour des élections présidentielles, l'incertitude domine. Les questions que je posais en septembre 2021 dans ma Lettre à une gauche déboussolée (1) sont restées sans réponse, la spirale négative s'est rétrécie de jour en jour pour aboutir à des alternatives qui nous laissent dans un grand désarroi. Le choix que nous voulions éviter, droite ou extrême droite, est devant nous. La gauche se pose la question non de conquérir le pouvoir mais d'être présente au second tour. Elle a oublié que, contrairement aux jeux olympiques, l'essentiel n'est pas de participer.

Depuis cinq ans, plutôt que de tirer les leçons de sa débandade précédente, la gauche a persisté à se déchirer sans chercher à bâtir un projet commun ; elle se retrouve avec six candidats dans l'incapacité de présenter une alternative crédible à ses électeurs. Macron a disposé d'un quinquennat pour déployer toute la férocité de sa politique néo libérale sans qu'une stratégie potentiellement gagnante émerge des organisations de gauche. Si les responsabilités sont partagées, celle de J.L. Mélenchon, leader de la France Insoumise est particulière. Fort de son score en 2017, au lieu d'utiliser sa position dominante pour rassembler la gauche désunie, il tenta de faire disparaitre toute concurrence. Il n'envisage l'union que comme une adhésion à son programme "L'avenir en commun". Au lieu de dégager ensemble des objectifs communs, à partir des propositions diverses, c'est une reddition qui est demandée. A genoux , pieds et mains liées, ou disparus du paysage, c'est ainsi que la FI voit ses "camarades" de gauche. Elle a reçu la réponse prévisible. Aucune organisation n'a accepté son suicide sur injonction. Le Parti communiste, allié des élections précédentes, en avait fait l'amère expérience.

Le mal est profond car la gauche divisée n'est plus porteuse de valeurs communes. Comment concilier la sympathie pour des régimes autoritaires avec l'objectif affiché de régénérer la démocratie? Comment travailler ensemble si aux oppositions de classes sont substituées des oppositions identitaires ou de genre ? Comment gouverner ensemble si la laïcité, pilier de la gauche, est battue en brèche par ceux qui devraient la défendre ? Comment revenir à une conception républicaine de la sécurité si l'on fait les yeux doux aux syndicats policiers réactionnaires ? Ne sommes-nous pas capables de rassembler, dans un même programme, des objectifs de justice sociale et de défense de la planète ?

A l'heure où la Russie agresse l'Ukraine, J.L. Mélenchon clame haut et fort que "Lui, Président, il n'y aura pas de livraison d'armes". Laisser l'armée russe envahir l'Ukraine, sans fournir au peuple ukrainien les moyens de se défendre c'est condamner celui-ci à disparaitre, ou à vivre sous la domination du pouvoir dictatorial de Vladimir Poutine. Après la Georgie, la Syrie, l'occupation du Donbass et l'annexion de la Crimée, Mélenchon appuie tous les coups de la Russie impérialiste. Sa position qui laisse le champ libre au pouvoir du Kremlin n'est qu'une réplique de celles des poutinistes de longue date, Le Pen et Zemmour. L'incompatibilité entre projet démocratique et projet totalitaire réapparaît dans toute sa crudité.

Les démocrates savent qu'il faut des armes à l'Ukraine et stopper les visions d'une Eurasie (de Lisbonne à Vladivostock) où la Russie dictatoriale serait la puissance dominatrice.

J.L.Mélenchon a lancé sa candidature le 8 novembre 2020, soit dix-huit mois avant le scrutin, ne laissant aucun doute sur sa volonté de la maintenir coûte que coûte, annihilant par là-même toute possibilité d'alliance pour une candidature unique de la gauche. Il restait l'espoir que les autres formations de gauche (EELV, PS, PCF, Génération.s) entament un processus unitaire. Il n'en a rien été, la bataille pour le leadership a continué. Les volontés unitaires s'expriment en dehors de ces partis. Or Aujourd'hui J.L. Mélenchon voudrait nous forcer la main en appelant au "vote efficace". Les dangers réels que représentent Marine le Pen et Emmanuel Macron, devraient guider notre choix. Je voterais librement Mélenchon si c'était l'aboutissement d'un processus de concertation sur des objectifs communs et non celui d'une pression du plus fort dans les sondages. D'autant que, si par miracle il atteignait le second tour, ses chances de rassembler sur son nom une majorité électorale seraient nulles. Sa victoire relative au premier tour ne serait qu'une façon d'affirmer son leadership sur la gauche et sa vision autoritaire du pouvoir. Je ne souhaite pas que ce soit la colonne vertébrale de ce que l'on appelle la gauche.Le danger de l'extrême droite est dû à la faillite de François Hollande et à l'incapacité de la gauche à s'unir et à présenter une alternative crédible à la politique néo-libérale.

La guerre menée à l'Ukraine sert de révélateur de tendances anciennes où une partie de la gauche s'est dévoyée avec des dictatures. Le fonctionnement non démocratique de la France Insoumise est le symptôme de cette dérive.

Comme je l'ai montré les chances à gauche de l'emporter sont nulles, si bien que ce n'est pas pour moi le critère de mon vote. Ma premiere référence est la démocratie, la laïcité, la liberté des médias et la solidarité avec les Ukrainiens. La deuxième est la capacité de relier, d'unir. Je crains comme la peste ceux qui se croient détenteurs de la Vérité, qu'elle soit religieuse ou politique et qui considèrent comme traitres ou ennemis tous ceux qui ne pensent pas comme eux. La gauche sera victorieuse multiple et non soumise aux désidérata d'un chef. Il est symptômatique que le seul média auquel Mélenchon refuse de parler c'est Médiapart.

Voilà pourquoi je ne voterai pas dimanche pour J.L. MéLenchon. Je choisirai parmi les autres candidats de gauche.

1;Lettre à une gauche déboussolée Pour une refondation de la gauche ,Roger Évano (BookEdition Novembre 2021) https://www.thebookedition.com/fr/module/books/viewdetails?id_book=252485

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