À nous d'agir
De ce basculement historique que serait l'arrivée de L'extrême droite au pouvoir en France pour la première fois par les urnes, il nous faut comprendre les raisons, en tirer les leçons et agir en conséquence.
La responsabilité de Macron est première pour expliquer ce séisme. Formé par la finance, champion du grand capital, sourd aux demandes des Français, chantre d'une politique néolibérale, il s'est révélé comme une personne arrogante et solitaire qui a concentré toute la colère des citoyens, qui lui demandent aujourd'hui : "Qu'avez-vous fait de la France?" . La patrie des Droits de l'homme est à deux doigts de devenir celle de la "préférence nationale".
Sa cohorte de ministres et de conseillers, si elle doit endosser une grande partie des responsabilités, n'est pas seule en cause. Face à une politique antisociale montrant toute sa violence, la gauche, incapable de s'unir, perdait son temps et sa crédibilité dans des batailles réelles mais partielles et concurrentes. Elle en oubliait le combat universel pour la justice sociale et le bien commun. Alain Supiot nous prévenait "Ceux qui sentent le sol institutionnel se dérober sous leurs pieds cherchent appui ailleurs : dans l'affirmation véhémente de leur religion, de leur couleur de peau, de leur "genre", de leur "orientation sexuelle", dans la mémoire victimaire de leurs ancêtres... Cette montée des revendications identitaires éclipse les causes sociologiques de l'injustice sociale." La gauche est restée sourde aux cris des laissés-pour-compte. Les cahiers de doléances rédigés en 2019 à la suite du mouvement des Gilets Jaunes sont les absents de la campagne électorale. Il dorment dans les Archives .
La deuxième faute de la gauche est son incapacité à s'unir. Aussi bien en 2017 qu'en 2022, les résultats des élections présidentielles ont donné à la France Insoumise une responsabilité particulière. Sous l'impulsion de J.L. Mélenchon, la FI violenta les autres partis de gauche, dont les électeurs avaient largement contribué à ses bons résultats électoraux. Ces autres partis de gauche ont été alors incapables de s'affirmer ensemble face à sa main-mise.
Mélenchon, en se donnant comme objectif stratégique non la victoire d'un programme de gouvernement de gauche mais son hégémonie sur celle-ci, a, depuis quinze ans montré son impuissance et sa nocivité. Il est devenu aux yeux du plus grand nombre, même dans son camp (Ruffin, Corbière...), un obstacle , un "boulet" pour contrer la politique du pouvoir néolibéral. Comment concilier ses pratiques autoritaires dans son propre mouvement "gazeux" avec une régénération de la démocratie ? (Il faut ajouter que ce pouvoir dictatorial n'a pu se développer qu'avec la passivité de ses soutiens acceptant, bon gré , mal gré le pouvoir du chef) Comment l'imaginer soutenir un plus grand pouvoir citoyen alors que ses sympathies internationales vont vers des pays dirigés par des dictateurs ? Ses provocations successives pour rester au centre du jeu ont systématiquement mis des bâtons dans les roues jusque dans celles du Nouveau Front Populaire.
Si la responsabilité de la fraction mélenchonienne est grande, elle n'a pu s'exercer que par l'effacement des écologistes, des socialistes, des communistes et des démocrates de tous bords. Ils n'ont pas su réagir aux coups de force successifs.
Quels coups de force ? L'union proposée par la fraction autoritaire était un ralliement inconditionnel à son programme en 2017. L'annonce de la candidature de Mélenchon 18 mois avant l'élection présidentielle de 2022, laissait peu de possibilité à une candidature unique et aboutit à ce qui était prévisible, au duel Macron / Le Pen. Après ce nouvel échec, le RN est apparu alors comme le seul adversaire au macronisme, cela explique en partie son succès dans les urnes en juillet 2024.
A la fois l'offensive de Mélenchon, l'égaillement des autres composantes de gauche, ont empêché la gauche de se regrouper de manière constructive et respectueuse de ses différentes composantes. Elle n'est pas reconnue comme une alternative crédible pour une population maltraitée par le pouvoir macroniste.
L'extrême droite s'est engouffrée dans ce vide. A nous de montrer notre capacité de rassembler et de construire une force de gauche démocratique et écologique à la hauteur du moment historique que nous vivons. Nous n'avons que trop tardé. Pour cela il nous faut nous appuyer sur les forces vives du pays, les syndicats, les courants émancipateurs que l'on retrouve dans les associations et bousculer les appareils des partis. Non les ignorer, mais les faire rompre avec leur logique d'appareil et mettre en avant le bien commun, des objectifs clairs, un imaginaire nouveau.
La gauche se doit de changer de centre de gravité, tourner le dos aux pouvoirs autoritaires
Au lieu de spéculer, comme le fait le RN, sur les vices des hommes, sur leur pusillanimité, sur leur cruauté, rendons-leur la fierté de toutes les conquêtes, de la créativité des combats passés, en cours et à venir. Ceux de la "patrie des droits de l'homme", de la révolution française, de 1848, de 1871, de la Résistance, des LIP, de Plogoff, du Larzac, des ZAD ... Reprenons les débats civiques dans les lieux publics, inventons des variantes aux Nuits Debout, et au mouvement des Indignés, des Coquelicots, des Gilets Jaunes, des luttes écologiques... Consultons les "cahiers de doléances" de 2011... Relions les luttes syndicales, les expériences d'autogestion... Soyons solidaires des peuples qui se dressent contre les tyrannies, l'esclavage, la destruction de leurs cultures...
Installons l'imagination dans les points se suspension... Pour freiner la course aux abîmes capitalistes. Pour unir la gauche sur l'exigence démocratique et sociale.
A l'enfermement dans le monde capitaliste qui nous mène dans des impasses dramatiques, dégageons un horizon nouveau. La refondation de la gauche se fera, avec toutes ses forces, mais en retrouvant son centre de gravité qui est démocratique et social.