Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

118 Billets

3 Éditions

Billet de blog 14 mai 2022

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Union de la gauche: miracle ou mirage?

Comment apprécier ce retournement inespéré ? En trois jours, une politique d'entente s'est substituée à des années d'hostilité et de surdité aux appels à l'union de la gauche. Ce changement de pied, après l'élimination prévisible des candidats de gauche au premier tour des présidentielles est une bonne nouvelle,

Roger Evano (avatar)

Roger Evano

ex-ébéniste, auteur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Union de la gauche: miracle ou mirage?

Comment apprécier ce retournement inespéré ? En trois jours, une politique d'entente s'est substituée à des années d'hostilité et de surdité aux appels à l'union de la gauche ? Ce changement de pied, après l'élimination prévisible des candidats de gauche au premier tour des présidentielles est une bonne nouvelle. Mais comment ne pas s'interroger sur le fait qu'une politique d'union, impossible hier, devienne réalité aujourd'hui ? Comment ne pas s'indigner que des protagonistes incapables de se rencontrer une seule fois en cinq ans se mettent d'accord en trois jours ? Les obstacles insurmontables sont annihilés sans délai. Les bannis d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui. Comment les militants vont-ils travailler ensemble pour des candidats qu'ils dénonçaient la veille ? Comment l'accord "de coin de table", si souvent dénoncé par les insoumis peut-il créer une dynamique ? Il existe un ressentiment contre ceux qui ont persisté dans une stratégie d'échec.

L'absence d'unité a entrainé l'élimination de la gauche au premier tour et facilité l'investiture de Macron pour un second quinquennat. La politique de Macron est responsable de la progression de l'extrême droite à 42%, qui pourrait lui permettre de former un groupe parlementaire pour la première fois sous la Cinquième République. C'est aussi le résultat d'une absence d'alternative à gauche. Divisée, elle est apparue comme marginale, entrainant une partie de la colère populaire à se ranger derrière Marine Le Pen et Eric Zemmour. Leurs scores les mettent à la porte du pouvoir aux élections de 2027, et en embuscade si des circonstances imprévisibles rendaient fragile la présidence de la droite.

L'accord bâclé des législatives laisse sceptique. Un changement de stratégie ne s'improvise pas en quelques jours entre deux élections. Ce n'est pas un accord de gouvernement qui a été négocié mais un accord électoral, concrétisant la suprématie de la FI dans la répartition des circonscriptions. Chacun se rendant compte qu'il a beaucoup à perdre (y compris financièrement) à se présenter sous sa seule bannière. Mélenchon a profité du "vote utile" pour asseoir une domination plus conjoncturelle que réelle.

L'accord électoral contraint résistera-t-il à la première difficulté ? Qu'en est-il des mésententes sur la laïcité, "l'islamophobie" ? Les deux autres victimes de ce rabibochage de dernière minute sont l'Europe et l'internationalisme. Le plan B de 2017 est abandonné par la FI sans qu'apparaisse l'embryon d'une politique européenne défendue par EELV et le PS. La guerre menée par la Russie à l'Ukraine est passée sous silence. La position de la FI "Pas d'armes pour l'Ukraine" aboutit à abandonner les Ukrainiens et les opposants russes et biélorusses, mais aussi la cause démocratique en Europe . Nous ne sommes pas extérieurs à ce conflit. Du résultat de cette agression dépend notre avenir. EELV, le PS, le PCF et le NPA, sans tenir le même discours, sont fermement opposés à la position de Mélenchon. Ce n'est pas un point de détail, l'internationalisme est au cœur d'une politique de gauche. 

L'accord électoral reste un moyen d'éviter un pouvoir sans partage du Président en élisant une assemblée plus à gauche que la précédente. La réalité des forces politiques en France fait apparaître illusoire de prétendre imposer au Président une cohabitation avec Mélenchon comme premier ministre.

Ne croyant ni aux miracles ni aux conversions de dernière minute, le rapprochement qui s'amorce sera un espoir s'il se prolonge et s'approfondit. Il sera une déception s'il se révèle conjoncturel et de façade.

L'unité de la gauche est un combat de longue haleine, il est à prendre à bras le corps dès maintenant. Ne gâchons pas notre espoir de le voir amorcé, ne soyons pas naïf de le croire arrivé.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.