Dans le débat sur le burkini je crains que la femme soit oubliée.
Le législateur doit-il légiférer sur la façon dont les citoyens s'habillent ? A ma connaissance seule la nudité, en dehors des lieux réservés, et la dissimulation se son visage dans les lieux publics et en dehors de la période du carnaval, sont interdit par la loi. (La question des signes ostentatoires à l'école est une question différente, concernant des élèves réputés mineurs et dans un lieu d'enseignement)
Il n'est pas interdit à un plongeur sous-marin, ou à des pratiquants du longe-côte d'enfiler leur tenue sur une plage. Les différents arrêtés municipaux interdisant le Burkini sur leur commune visent donc, non la tenue vestimentaire mais la signification religieuse et sociale, l’image du corps de la femme non-conforme aux traditions locales. Ils confondent leur interprétation du vêtement avec le respect de la loi. Dans le cas actuel la loi n’est pas outrepassée. Une première attitude de salubrité publique serait de ne pas se laisser aller à exploiter l’émotion légitime suscitée par les attentats de juillet, pour rejeter sur les tenantes de cette tenue de bain le soupçon d’une connivence avec les tueurs. La justice devrait rapidement rejeter ces mesures comme discriminatoires.
Evacué le plan juridique, les femmes ayant la possibilité de choisir leur tenue vestimentaire dans l’espace public, il est important de dire ce que nous pensons de ces pratiques d’un point de vue politique pour leur signification concernant le statut de la femme. De la même façon que je suis favorable à ce qu’aucune loi n’interdise le port du voile islamique dans l’espace public en même temps je considère celui-ci comme discriminatoire, archaïque, visant à faire de la femme une ombre dans l’espace commun, un être de seconde zone. Il nie notre égalité et notre commune humanité. Le débat sur le burkini qui s’arrêterait à un débat sur son autorisation ou son interdiction escamoterait le débat essentiel sur l’égalité Homme/femme. Le burkini est la manifestation visuelle de cette infériorité, consentie ou imposée, de la femme.
Il ne faudrait pas non plus que l’accord sur une non-interdiction juridique du burkini entérine le fait que les manifestations visuelles de cette inégalité passent pour des différences culturelles sans importance. Il est bon de rappeler comment cette question de la femme était au cœur de l’histoire des pays dits musulmans, de l’Egypte de Nasser à l’Iran de khomeiny, comment il devint un point de clivage central dans les printemps arabes, comment il marque l’archaïsme de l’Arabie Saoudite. A chaque fois la question de la place des femmes est posée et est au cœur des oppositions politiques
La bataille sur ce plan est politique, c’est une bataille d’idées et non d’arrêtés municipaux. Il s’agit dans un débat fraternel de se demander si, symboliquement l’homme reste le seul qui peut exhiber son physique avantageux ou sa laideur, quand la femme doit se présenter, sur la plage ou dans la cité, comme une ombre d’humanité si ce n’est l’ombre d’elle-même.