L'Europe est menacée
Si nos yeux se portent naturellement sur le front militaire de l'Est de l'Ukraine, il nous faut ne pas perdre de vue que la guerre d'Ukraine se déroule simultanément chez nous. Il nous faut élargir notre angle de vue sur cette guerre hybride en observant le rôle des forces pro-russes en Europe.
A l'heure où Trump adopte les thèses de Poutine, l'Ukraine a comme soutien principal l'Europe. En tenant compte de l'importance des USA dans son besoin d'armement spécifique, l'Ukraine, ménage son prétendu "allié" tout en tenant pour acquis son absence à ses côtés.
Dans le rapport de force , nous voyons que si les instances pro-russes gagnent du terrain en Europe, celle-ci peut basculer dans une position de 'neutralité' qui laisserait l'UKR désarmée et une proie facile pour l'ogre russe. C'est pourquoi il nous faut regarder de près comment les idées de Poutine pénètrent les pays européens.
Le slogan qui resurgit un peu partout est celui de Trump, 'América First', décliné dans les différentes langues. Il est dans la traduction locale de 'Deutchland Uber Alles"du parti nazi. Chaque parti nationaliste considère que l'intérêt de son pays prime sur tous les autres et que le plus fort gagne. C'est une politique d'affrontement, de conquètes et de soumission pour les vaincus. C'est celle qui a été le moteur des déferlements fascistes lors de la seconde guerre mondiale.
Le travail de sape mené par les services spécialisés de la Russie s'appuie sur des réalités incontournables. La première de ces réalités est la défense européenne. Elle s'est abritée sous le parapluie Etats-Unien depuis quatre-vingts ans. Quand celui-ci se referme, les dépenses s'envolent, les budgets autres que celui de l'armement souffrent. Les restrictions sur des domaines essentiels de la solidarité sociale et de l'écologie sont exploitées par les démagogues qui ne veulent pas voir que la liberté a un coût.
La deuxième réalité est que, malgré ses difficultés internes, l'Europe reste une destination prioritaire pour les migrants chassés de leur pays par la guerre et la pauvreté. La Russie utilise les questions migratoires pour déstabiliser les pays européens. Elle alimente les courants d'extrême droite. .La manifestation de 150 000 personnes à Londres, à l'appel d'un parti néo-fasciste britannique, puis celle de la Haye, montre le lien entre la politique anti-migratoire et la politique d'abandon de l'Ukraine.
Quelles sont les forces européennes soutien de Moscou ?
L'Europe, n'est pas unanime sur l'effort à fournir. La Hongrie d'Orban, la Tchéquie de Fisco sont prètes à de prétendus compromis qui sont en fait des capitulations sur le dos des Ukrainiens. L'Italie de Méloni, proche de Trump, est sensible aux vents dominants, elle se présente comme le modèle pour les nationalistes européens, Elle a tracée les contours d'une stratégie "visant à transformer l'Union européenne de l'intérieur" L'Europe fait front tout en étant affaiblie par les forces pro-russses, d'extrême droite, populistes et 'pacifistes' qui progressent en son sein.
A Bruxelles, au parlement européen, trois groupes d'extrême droite sont représentés par 191 députés sur un total de 719. Plus du quart de la représentation européenne est entre les mains de partis qui affichent leur réserve à un soutien à l'UKR. Les élections en Pologne, en Autriche, en Tchéquie en Bulgarie montrent une progression des forces conservatrices.
En Roumanie: l’alerte la plus sérieuse a été l’élection présidentielle, annulée à la dernière minute début décembre après des suspicions d’interférences russes.
La Moldavie est en danger de basculer aux élections législatives du 28 septembre
En Allemagne Le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) et le parti Alliance, sont hostiles aux livraisons d’armes à l’Ukraine. l'AFD a reçu le soutien de J.D. Vance, vice président des USA. Elle vient de tripler son score dans la Rhur, passant de 5% des voix à plus de 15% dans une région traditionellement de gauche.
Le Royaume uni, essentiel dans la défense de l'UE, comme puissance nucléaire, résiste, mais est aussi confronté à des forces conservatrices puissantes.
La France est le pays le plus visé par les maneuvres du Kremlin. Elle est centrale en Europe comme pays fondateur, comme deuxième économie, comme puissance nucléaire et seule réprésentante au conseil de sécurité de l'ONU.
-Le RN: a entretenu des liens directs avec la Russie et affiché publiquement des positions prorusses Ses représentants étaient présents lors du référendum d'annexion de la Crimée. Le prêt accordé au Front National par une banque russe avec l'aval du Kremlin et la poignée de main chaleureuse en 2017 de Marine le Pen avec Poutine en furent les manifestations les plus visibles . A la fin de cette rencontre le président russe lui glissera: « Je sais que vous représentez un spectre politique en Europe qui croît rapidement », . Il est une autre manifestation de sa connivence, la publication à Moscou, en russe, en 2015 d'un recueil de discours et articles de Marine Le Pen, intitulé "Prendre exemple sur Poutine", dont elle se garde de se glorifier. Ce livre n'est toujours pas traduit en français. C'est Andrei Kourkov qui donne ce renseignement dans son "Journal d'une invasion" p.264.
Vincent Bolloré, à la tête d'un empire médiatique, dont CNews, assume son affinité avec des positions pro-russes. Il a nommé Xenia Fedorova, ancienne directrice de Russia Today France, comme chroniqueuse de sa chaine.
Pierre Edouard Stérin milliardaire, intégriste catholique, soutient le RN .
La propagande pro-russe trouve même des relais chez Nicolas Dupont-Aignan, ou encore chez François Fillon, qui a longtemps siégé au conseil d’administration de plusieurs entreprises russes.
Nicolas Sarkozy émet des propos pro-Poutine repris par les médias de Moscou.
JL Mélenchon annonce fièrement en 2022 "Moi président, il n'y aura pas une arme pour L'Ukraine. "Le 14 aout 2025 il déclare "Le départ de Zélensky est la condition de l'accord. Tout simplement parce que son mandat est fini" Ses paroles sont similaires à celles du ministre des affaires étrangères Serguei Lavrov :"Zélensky ne peut pas signer l'accord de paix, car il est illégitime" (Lavrov le 24 aout 2025) , ou à celles de Thierry Mariani député européen du RN:"Zélensky dont le mandat de président est fini depuis mai 2024" (Trois déclarations citées par Galia Ackerman dans Ouest-France le 18 septembre.).
Quoi de plus probant que ces phrases identiques prononcées cet été par le RN, LFI et le ministre des affaires étrangères de la Russie.
Au parlement LFI et les communistes votent contre l’accord de sécurité franco-ukrainien,de soutien à l'Ukraine. Le RN s'abstient.
La collusion est patente. Elle marque clairement l'alignement de LFI et du RN sur les thèses du Kremlin. A ces différentes organisations, il faut ajouter un courant "pacifiste" qui milite contre la livraison d'armes à l'Ukraine, répondant aux espoirs de Poutine.
Entre Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon , c'est environ 40 % du spectre électoral qui, pour des raisons diverses, justifient un rapprochement avec Moscou. Un record en Europe ! Et un danger.
La question se pose: que devient l'Ukraine si l'Europe cesse de la soutenir?
Après le virage pris par le locataire du Capitole, la défection de l'Europe serait catastrophique. L'évolution des forces politiques montre que le danger est réel. L'Europe ne résisterait pas à une défaite de Zélensky, qui serait en même temps la nôtre. Poutine fort de sa victoire verrait tous les nationalistes et opportunistes européens manifester leur vassalité, emboitant le pas aux trumpistes.
Ces rappels montrent qu'une victoire du RN en 2027 n'est pas impossible. Que L'axe de résistance franco-allemand n'y survivrait pas. Le rève de Poutine d'une Eurasie de Vladivostok à Lisbonne, sous sa domination, prendrait forme, laissant les mains libres aux visées de Trump sur le Groenland et le Canada.
Je suis pour la paix, une paix dont on semble avoir oublié le prix, une paix qui ne soit pas soumission à un despote. Je suis pour la liberté, pas celle qui voit les opposants assasinés, la population muselée par la peur. La guerre des Ukrainiens est une guerre de résistance à l'oppression totalitaire. Il existe une majorité en Europe pour soutenir l'Ukraine. Il ne faut pas laisser le travail de sape des officines du Kremlin agir. Il ne faut pas laisser ceux qui n'ont rien appris de l'histoire, nous aveugler. Il nous faut faire face.
Orwell disait dans son roman "1984" sur la domination totalitaire : "La morale à tirer de ce dangereux cauchemar est simple: Ne permettez pas qu'il arrive. Cela dépend de vous."
Roger Evano le 23 septembre 2025