En pleine campagne électorale, Edouard Gentaz formule trois propositions pour favoriser les interactions vertueuses entre le monde de la recherche et le monde de l’éducation en France. L’une d’entre elles est la suppression du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale (CSEN) qu’il suggère de remplacer par des conseils académiques.
Nous avons eu suffisamment l’occasion de signaler l’influence nocive de ce conseil instrumentalisé par le ministre de l’Education nationale pour nous priver de nous réjouir de cette proposition qui repose sur un argumentaire proche de celui développé dans ce blog. Edouard Gentaz dénonce en effet « le fonctionnement hypercentralisé et pyramidal » du CSEN et ses effets négatifs : « déconnexions avec les contraintes locales, faible implémentation et implication des acteurs locaux, instrumentalisation politique, etc. ».
Pour favoriser des interactions vertueuses entre les mondes de la recherche et de l’éducation, notre collègue, directeur de recherche au CNRS et professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève, aspire comme nous à « un fonctionnement décentralisé et horizontal ». Il propose, dans chaque académie, « la création d’un conseil scientifique de l’éducation au sens large, indépendant (structurellement et financièrement), composé des différents acteurs locaux disponibles (enseignants, chercheurs, cadres, éducateurs, parents, etc.) avec des mandats explicites, publics et limités dans le temps. » Le contraste avec le CSEN est saisissant.
« L’accessibilité aux débats et aux échanges de ces 30 conseils académiques permettrait à tous les acteurs de mieux comprendre comment se discutent et s’effectuent les échanges entre les données issues de la recherche et celles issues de la pratique et partager ainsi les bonnes pratiques au niveau national » conclut-il.
Cette proposition tire les conséquences d’un rapport rédigé pour le CNESCO qui portait sur l’évaluation de la mise en œuvre des innovations conduites dans les classes. Dans ce rapport co-écrit avec Sylvie Richard, les auteurs analysaient les conditions requises pour que les données scientifiques soient correctement prises en compte dans les politiques éducatives. Ils évoquaient deux leviers pour favoriser une dynamique de transfert entre, d’une part, les chercheurs et leurs preuves scientifiques et, d’autre part, les enseignants et leurs savoirs empiriques. Deux leviers qui ont fait cruellement défaut aux stratèges du CSEN.
Le premier est la communication aux enseignants des résultats scientifiques consensuels suite à une expertise collective et pluridisciplinaire. Le second concerne « la confiance des lecteurs envers la crédibilité des informations à caractère scientifique » qui « dépend en partie de la transparence de la gestion des conflits d’intérêts pouvant intervenir à tous les niveaux du déroulement d’une étude scientifique, de sa planification à sa publication » (CNESCO, p.5). Les auteurs précisent à ce sujet d’actualité que « la suspicion de conflits d’intérêts (réels ou non) est tout aussi importante que les conflits d’intérêts eux-mêmes car elle engendre des effets délétères similaires ».
Gentaz, É. (2022). Éditorial -Comment favoriser les interactions vertueuses entre le monde de la recherche et le monde de l’éducation en France : trois propositions, A.N.A.E., 2022, 177, 149-151
Gentaz, E. & Richard, S. (2022). Efficacité des interventions conduites dans les classes : la nécessité de l’évaluation de leur implémentation. Paris : Cnesco-Cnam.