Est-ce que les quelques 10 millions de Chrétiens d’Iraq, de Syrie, de Jordanie et de Palestine, dont la langue syriaque est souvent une langue liturgique, appellent la langue commune qu’ils parlent « langue musulmane » ? Non ils la nomment simplement « langue arabe » ? Comment les 8 millions de Chrétiens d’Égypte ou du Soudan, pour lesquels la langue copte est la langue liturgique, nomment-ils la langue qu’ils parlent quotidiennement, « la langue islamique », ou tout simplement « la langue arabe » ? Est-ce que les Juifs arabophones, et plus généralement les Arabophones de toutes obédiences, quand ils s’expriment en arabe, parlent de « langue musulmane » ou « langue islamique » ? Non, ils parlent bien évidemment de « langue arabe ».
L‘auteur de cette perle intellectuelle qui consiste à qualifier la langue arabe de « musulmane » ou « islamique » n’est autre que Jean-Marc Sylvestre. Certes c’est un journaliste économique médiatique, non un linguiste, et au demeurant quelqu’un qui ne brille pas par une vaste culture: celle-ci ne semble pas aller plus loin que la dénonciation de Marx, de Keynes et autres critiques de la vieille et éculée théorie du ruissellement remise à la mode par Emmanuel Macron. Mais le malheureux journaliste est victime de la confusion entretenue par de prétendus grands intellectuels eux-mêmes, qui se targuent de grande culture, comme l’ancien ministre de l’Éducation nationale Luc Ferry, qui refuse l’arabe à l’École, pour la raison qu’elle serait le fourrier de la religion islamique... Et plus généralement, il est victime de l’absence commode de frontières faite par le monde politico-médiatique entre « islam » et « islamisme » ; ainsi que de l’homothétie fallacieuse faite entre Musulmans et Arabes, une vieille identification qui remonte aux temps bénis des colonies, quand le Code l’indigénat faisait juridiquement des Algériens des Musulmans, même s’ils étaient de religion chrétienne…