Palestine 2025 : c’est reparti comme en 1920, mais en bien pire !
Au sortir de la Première Guerre mondiale, les vainqueurs mettaient en œuvre les Accords Sykes-Picot du 16 mai 1916, qui organisaient le dépeçage de l’Empire Ottoman, ainsi que la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917, qui prévoyait l’établissement d’un « foyer national juif » en Palestine. À la conférence de San Remo du 19 au 26 avril 1920, ces puissances attribuaient, entre autres choses, à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine, qui reprenait les articles déjà contenus dans le traité de Sèvres le 10 août 1920. Celui-ci fut confirmé par le Conseil de la Société des Nations le 24 juillet 1922, et entrait en vigueur le 29 septembre 1923.
La Palestine, alors peuplée de 525 000 Musulmans, 70 000 Chrétiens et 60 000 Juifs était alors placée sous l’autorité du Haut-commissaire Herbert Luis Samuel, membre éminent du Zionist Congress d’Angleterre et partisan déclaré d’un État juif en Palestine. Tout cela commençait bien, et l’on sait comment cela finit à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
La Palestine est aujourd’hui au fond du gouffre. Elle compte, dans ses limites mandataires, 7,8 millions de Palestiniens de toutes confessions à côté d’un nombre égal d’Israéliens juifs, tandis que 3,2 millions sont dispersés dans les pays voisins et quelque 200 000 dans le reste du monde. Gaza est presqu’entièrement détruite, sa vie sociale complètement ravagée et sa population affamée réduite à une errance misérable, la Cisjordanie est en voie accélérée de colonisation et en proie aux exactions impunies des colons, les Palestiniens dite « de intérieur » sont l’objet d’un racisme institutionnel dense, aggravé par la loi « Israël, État-nation du peuple juif » adoptée le 19 juillet en 2018. Et voici que ce qui restait de la Palestine de 1920 dans le plan partage généreusement offert aux sionistes en 1848 proposé par l’ONU, une Palestine de plus amputée par les conquêtes de 1948 et l’annexion de Jérusalem en 1967, est encore coupée en deux : la Cisjordanie laissée sous la coupe d’Israël avec la « ligne rouge » purement verbale de ne pas l’annexer, et Gaza, désormais sous la tutelle d’un prétendu « Conseil de paix » présidé par Donald Trump et agissant de conserve avec Israël…
Si l’on s’en tient à la Déclaration de la FIDH (Fédération Internationale des Droits Humains), qui n’est pas une organisation vraiment subversive ni révolutionnaire :
- La Résolution 2803 du 17 novembre 2025 du Conseil de sécurité des Nations unies retire de fait aux Palestinien·nes leur droit à l’autodétermination en confiant la gouvernance à une administration étrangère.
- La résolution omet toute exigence de responsabilité et prive les Palestinien·nes de voies leur permettant de demander justice pour les crimes subis.
- Tandis que des conditions s’appliquent à l’Autorité palestinienne, le gouvernement israélien, lui, est libre d’obligations et continue d’agir en toute impunité.
Pendant la période où se concoctait, il y a maintenant plus d’un siècle, le mandat britannique, l’administration Wilson avait mis en place par les seuls États-Unis la Commission King-Crane qui fit le tour des pays de la Syrie démembrée « façon puzzle ». Celle-ci remettait en novembre 1919 un Rapport officiel, qui fut public qu’en 1922, et qui reste aujourd’hui d’un grand intérêt historique :
Après avoir y affirmé leur sympathie pour la « cause juive », les rapporteurs affirment que la « reconnaissance d’un foyer national pour le peuple juif n’équivaut pas à faire de la Palestine un État juif et que la création d’un tel État juif ne pourrait être accomplie sans la plus grave offense [trespass] aux “droits civils et religieux des communautés non-juives en Palestine” ». Ayant pu constater « de façon répétée », au printemps et en été 1919, que « les Sionistes visent une dépossession pratiquement complète des habitants non-juifs de Palestine, par différents moyens d’acquisition », ils émettent cette mise en garde : « Soumettre un peuple si décidé [minded] à une immigration juive illimitée et à des pressions financières et sociales continuelles pour céder la terre, est une violation grossière du principe suscité [i.e « la résolution du règlement des problèmes coloniaux par le libre consentement du peuple »], et « du droit des peuples, même s’il revêt des formes légales [the forms of law] ».
Cent ans après, l’oppression coloniale toujours plus grave des Palestiniens – la Résolution 2803 n’en est que le dernier acte, the last mais probablement pas the least ! – revêt bien toutes les forms of law, mais n’en est pas moins la violation radicale des droits humains, et elle ne peut que susciter colère et dégoût de ceux qui considèrent l’humanité comme une. Une colère et un dégoût d’autant plus grands que ce déni d’humanité des Palestiniens s’opère avec l’assentiment de l’immense majorité des États arabes et musulmans – des États mais pas de leurs populations, naturellement – sans même que soit dessinée la perspective d’un avenir palestinien souverain…