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Billet de blog 1 novembre 2009

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Débats participatifs et en ligne : pourquoi entend-on plus les "radicaux" que les "modérés" ?

"Le Monde.fr" a publié récemment un article très intéressant sur la distorsion entre les opinions exprimées et les opinions réelles d'une communauté. D'un raccourci très abrupt, on pourrait dire que tout débat a tendance à faire émerger les opinions les plus polarisées, quand bien même l'opinion publique réelle s'avère modérée.

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"Le Monde.fr" a publié récemment un article très intéressant sur la distorsion entre les opinions exprimées et les opinions réelles d'une communauté. D'un raccourci très abrupt, on pourrait dire que tout débat a tendance à faire émerger les opinions les plus polarisées, quand bien même l'opinion publique réelle s'avère modérée." Le phénomène s'auto-entretient : persuadés qu'ils représentent l'opinion majoritaire, les plus extrémistes s'expriment plus volontiers que les modérés, renforçant l'impression qu'ils sont majoritaires, ce qui les incite à prendre plus facilement la parole."

On retrouve ici une critique récurrente de plusieurs dispositifs participatifs : dans une réunion publique, un conseil de quartier, un débat en ligne, etc., "on entend toujours les personnes qui râlent, même s'ils ne représentent qu'eux-mêmes".Bien souvent hélas, la critique s'arrête ici : chacun a conscience que la démocratie participative est parfois bien imparfaite, mais finalement les participants ont rarement intérêt à viser un élargissement au "grand public" :

- les participants habituels voient dans les dispositifs participatifs qu'ils investissent une caisse de résonnance pour leurs idées et leurs intérêts ; de même, ces dispositifs les placent dans une situation d'interlocuteur exclusif du pouvoir (que ce soit dans une relation d'opposition ou de soutien) ;

- l'imperfection des dispositifs participatifs peut représenter une "soupape de sécurité" pour le pouvoir : si les résultats d'une concertation sont conformes à ses attentes, on pourra juger la participation légitime, mais si la concertation fait émerger une forte opposition, on pourra toujours nier la légitimité des opposants en rappelant le manque absolue de représentativité du public participant.

Pour le praticien de la participation, deux axes d'amélioration doivent au contraire être envisagés. Le premier concerne la conduite des débats à l'intérieur des instances existantes : il s'agit d'adopter des règles de débat favorisant l'écoute d'autrui et la prise en compte de son opinion, par une animation active qui incite chaque participant à "ne pas camper sur ses positions". Toute la difficulté pour l'animateur est de ne pas verser dans une modération excessive des débats: si des conflits ou des polémiques existent, il ne s'agit pas de les nier par un lissage excessif des comportements.

Le deuxième axe d'amélioration est de diversifier les dispositifs de participation pour toucher un public plus divers, avec de plus grande chances de saisir l'opinion publique réelle : actions dans la rue, panels de citoyens tirés au sort, participation en ligne, etc., pourront utilement compléter les réunions publiques classiques.L'écueil à éviter ici est celui des sondages ou des micro-trottoirs : recueillir l'opinion des citoyens, c'est bien, encore faut-il que ceux-ci soient pleinement informés des tenants et aboutissants de la question qu'on leur soumet, et aient l'occasion d'un débat argumenté.

Bien sûr, cette sur-représentation des opinions "extrêmes" est aussi une question posée aux médias participatifs :

- avant tout, est-ce que l'on constate dans notre communauté ce déséquilibre "radicaux-modérés" ?

- s'il existe, est-ce un problème ou non ?

- si c'est un problème, comment le résoudre ?

Les questions ne sont pas neuves dans le club de Médiapart, mais cette étude présentée par Le Monde permettait de faire le lien entre les phénomènes que l'on constate d'une part dans les débats en ligne et d'autre part dans la "démocratie participative" institututionnelle. Dans ces deux espaces, les comportements sont assez similaires, mais cela veut-il dire pour autant que les solutions à apporter doivent être les mêmes ?

(ajout : comme l'ont signalé les commentateurs, voir aussi, sur un sujet proche, le billet d'Anna V, "Une minorité fait l'opinion")

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