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Billet de blog 9 octobre 2010

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Un voeu pour Liu, un voeu pour nous

A l'écart de son rôle dans la "grande histoire", l'attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo est une piqûre de rappel bienvenue pour les tenants de la participation publique. Au niveau local notamment, nous sommes confrontés, quand nous ne nous y complaisons pas nous-mêmes, à des termes devenus si vides de sens à force d'être rebattus. "Démocratie participative", "démocratie de proximité", "démocratie locale", à force d'être glorifiés dans les bulletins municipaux, les programmes politiques ou associatifs, finissent par éloigner de nous l'idée qu'avant tout le mot démocratie se suffit à lui-même et ne garde jamais tant de sens que lorsqu'il est employé seul. Liu Xiaobo, comme l'ont fait Aung San Suu Kyi, Nelson Mandela ou tant d'autres, intervient à point nommé pour nous ramener, certes à plus d'humilité, mais aussi à plus d'ambition. 

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A l'écart de son rôle dans la "grande histoire", l'attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo est une piqûre de rappel bienvenue pour les tenants de la participation publique. Au niveau local notamment, nous sommes confrontés, quand nous ne nous y complaisons pas nous-mêmes, à des termes devenus si vides de sens à force d'être rebattus. "Démocratie participative", "démocratie de proximité", "démocratie locale", à force d'être glorifiés dans les bulletins municipaux, les programmes politiques ou associatifs, finissent par éloigner de nous l'idée qu'avant tout le mot démocratie se suffit à lui-même et ne garde jamais tant de sens que lorsqu'il est employé seul. Liu Xiaobo, comme l'ont fait Aung San Suu Kyi, Nelson Mandela ou tant d'autres, intervient à point nommé pour nous ramener, certes à plus d'humilité, mais aussi à plus d'ambition.

En matière de participation publique, "démocratie" est un mot incontournable au sens où nous envisageons la participation comme un moyen de renforcer le caractère démocratique de sociétés occidentales marquées par une certaine défiance des citoyens envers leurs représentants élus. Que l'on s'y investisse dans un cadre associatif, politique ou professionnel, ce but demande une certaine énergie tant il demande, en France notamment, à mettre en question des modes de relations entre pouvoir et citoyens fortement enracinés. Pourtant, militer pour la "démocratie participative" n'a rien de commun avec l'engagement des militants de la "démocratie" tout court. Notre engagement ne nous vaudra jamais le camp de travail ou la prison, et finalement ne visera jamais qu'à répondre à "des problèmes de riches". Employer le même mot que Liu nous donne ainsi ce devoir d'humilité.

Mais il nous donne aussi un devoir d'ambition. Améliorer la "démocratie participative" ne changera guère le monde, soit, mais autant s'y consacrer correctement, ne serait-ce que par respect pour ce mot "démocratie" que nous utilisons si complaisamment. Dans combien de bulletins de collectivités territoriales le terme "démocratie locale" est-il utilisés dans à des fins de propagande partisane ? Dans combien de conseils de quartiers le mot "démocratie participative" est-il utilisé pour désavouer toute tentative de manifestation de citoyens hors de ce cadre si bien défini ? Dans combien de colloques trouve-t-on cette une novlangue où "la démocratie participative rend les habitants acteurs de leur lien social" ou autres phrases creuses du même acabit ? Peu de personnes au monde sont prêtes à endurer les tourments de Liu pour apporter un peu de justice à ses concitoyens, et fort heureusement nos sociétés occidentales ne le nécessitent pas (pour combien de temps encore) ? Pour autant, le prix Nobel de Liu nous rappelle que le mot "démocratie" n'est pas qu'un terme de marketing politique, mais un mot noble qui appelle à certaines responsabilités celui qui l'emploie. Employer le mot "démocratie", même en l'affadissant d'épithètes diverses, nous oblige a minima à nous conformer à nos principes et à refuser les mille compromissions aboutissant à faire de la participation publique un instrument supplémentaire de contrôle du citoyen et non de son émancipation.

Si le prix Nobel de Liu suscitera à n'en pas douter les applaudissements de mes confrères dans les diverses collectivités de France, puisse-t-il aussi les inspirer dans leur relations avec leurs élus et avec leurs concitoyens. Dire "non" n'a pas le même prix en Chine qu'en France : cela ne nous oblige que davantage à faire preuve d'intégrité.

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