Le 6 mai 2012 – jour du retour de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie – des débordements ont éclaté sur la place Bolotnaïa à Moscou. Plusieurs témoins ainsi que les journalistes de Novaïa Gazeta indiquent que les troubles avaient été organisés par les mouvements de jeunesse pro-Kremlin et qu’il s’agissait d’une provocation. Toutefois, le Comité d’enquête fédéral a ouvert plusieurs enquêtes contre des militants et des opposants. Un vaste mouvement de solidarité avec les "prisonniers du 6 mai" s’est crée en Russie, notamment à travers les réseaux sociaux. Sous la pression, plusieurs de ces prisonniers politiques ont été libérés à la fin de l’année 2013. Sept "prisonniers du 6 mai" ont été condamnés à de lourdes peines de prison ferme allant jusqu’à quatre ans et une figurante du dossier a été condamnée à trois ans avec sursis. Par ailleurs, plusieurs militants et opposants sont aujourd’hui considérés comme des prisonniers politiques.
Aujourd’hui, le 6 mai 2014, Russie-Libertés organise un rassemblement à Paris pour exiger la libération des prisonniers politiques en Russie (Mardi 6 mai 2014, 19h, place Igor Stravinsky, Paris).
Nous publions également une série de portraits de celles et ceux qui sont aujourd’hui privés de libertés pour des raisons politiques ou militantes.
Voici les portraits de plusieurs personnes qui sont prisonniers politiques actuellement en Russie. Il s’agit notamment des prisonniers du 6 mai dont les portraits sont faits sur la base des informations disponibles sur le site http://www.6may.org où vous pouvez signer la pétition ou faire un don. Certaines informations proviennent également du site d’Amnesty international.
Andreï Barabanov a 24 ans, il est en détention depuis le 28 mai 2012. Accusé de participations aux désordres publics pendant la manifestation du 6 mai 2012 il a admis d’avoir touché le gilet pare-balles d’un policier et il lui a écris une lettre avec ses excuses. Le policier lui a répondu en acceptant les excuses. Mais les juges continuent de considérer Andreï comme un criminel et ne lui ont pas accordé la liberté ni n’ont permit de changer de peine. Sa mère et sa femme l’attendent à la maison.
En février 2014 Andreï a été condamné à 3 ans et 7 mois d’enfermement.
Yaroslav Beloussov est un étudiant de l’Université d’État de Moscou Lomonossov. Il a 22 ans. Yaroslav est marié et il a un fils de 3 ans.
Quand le mouvement « Pour les élections honnêtes» suite aux élections législatives truquées en décembre 2011 a débuté, Yaroslav y a participé – en tant que spécialiste en sciences politiques, il en a voulu faire une recherche pour sa thèse de fin d’année.
Il a été deux fois un observateur aux élections, une fois comme membre du bureau de votes. Il a également participé aux manifestations.
Il est détenu depuis le 9 juin 2012. Son inculpation reposait sur le fait qu’il aurait lancé un « objet sphérique jaune », qui aurait touché et blessé un policier à la poitrine. Depuis la détention sa vue s’est affaiblie brusquement jusqu’à -13. De plus, il a un asthme qui rend particulièrement dur sa vie en prison, car dans toutes les cellules pratiquement il y a des fumeurs.
En février 2014 Yaroslav a été condamné à 2,5 ans de prison.
Alexis Gascarov est un antifasciste connu, défenseur des forets de Khimki et de Tsagov. Il est devenu activiste juste après son bac. En octobre 2012, l’antifasciste a été élu en Conseil de Coordination de l’opposition, en mars est devenu membre de Conseil de peuple dans sa ville natale Joukovski.
Selon la police, le 6 mai 2012 Gascarov dirigeait un groupe des personnes qui participait aux émeutes. Il est accusé de l’agression sur un agent de police anti-émeutes. Alexis a été lui-même blessé à la tête et fini le soir du 6 mai aux urgences. Lors de la séance du procès le 24 avril 2014, Alexis a avoué qu’il a essayé de défendre ses camarades en repoussant des policiers des victimes, mais il a refusé des accusations de violation contre les policiers.
Sergueï Krivov se trouve en détention depuis le 18 octobre 2012. Il est accusé des mêmes délits que la plupart des interpellés : participation aux émeutes, violence vis-à-vis des agents des forces de l’ordre. Sa "violence" consiste en la tentative de défendre des civiles d’un agent de police qui les battait avec une matraque. L’enquête ne mentionne pas que Sergueï lui-même a reçu plusieurs coups sur la tête et le corps.
Il est difficile d’imaginer que Sergueï, un intellectuel de 51 ans, ingénieur physicien, père de deux enfants puisse sérieusement blesser les agents de police armés.
Il a été arrêté 6 mois après la manifestation lors d’un piquet face au Comité d’enquête où il réclamait l’annulation de l’affaire du 6 mai. C’est ce malheureux piquet, traité d’activité criminelle, qui a servi d’argument pour le garder en détention. En signe de contestation, Sergueï a déclaré la grève de faim qu’il a tenu plus de 40 jours.
En février 2014 Sergueï a été condamné à 4 ans de colonies pénitentiaires.
Denis Loutskevitch a 22 ans, il est étudiant à l’Académie des Sciences Humaines.
Denis a fait son service militaire dans une unité d’élite : le bataillon des parachutistes de la Marine Baltique. Il faisait partie du groupe porte-étendard lors de la parade du 9 mai sur la Place Rouge. Étudiant par correspondance, il a été assistant du doyen de la faculté de culturologie. Avant le 6 mai, il n’avait pris part à aucune manifestation. Il est allé sur la place Bolotnaïa avec sa petite amie, quelques camarades de classe et un professeur. Le 6 mai, Denis tentait de porter secours à une jeune fille trainée sous ses yeux par des représentants d’OMON ("SRC" russe), ce pourquoi il fut arrêté et violemment frappé. Il est détenu depuis le 9 juin 2012. L’accusation prétend qu’il aurait arraché le casque d’un OMON et qu’il aurait jeté des morceaux de bitume. La seule preuve est constituée par le témoignage des policiers OMON. Toutefois, la vidéo de l’arrestation montre clairement tous les OMON casqués. Denis est condamné à 3 ans et 6 mois de prison.
Maxime Louzianine est commerçant, grand sportif, élève un fils de 15 ans. Le 28 mai il a été arrêté soupçonné de la participation aux émeutes de 6 mai, « des coups portés aux agents des forces de l’ordre, des tentatives de les étrangler ». Il a été retenu dans le poste de police deux jours durant sans possibilité de voir son avocat ni sa famille, sans eau ni nourriture, probablement battu. Par conséquence, Maxime s’est déclaré coupables pour les deux chefs d’accusation. Il n’a pas accepté de "coopérer" et payé le prix fort.
Maxime a été condamné à la peine de 4,5 ans de prison ferme. Il est déjà en lieu de détention dans la région de Toula.
Alexandre Margoline a été arrêté pour 10 jours après une manifestation à Moscou en février 2012, au sommet du mouvement contestataire. Après la manifestation du 6 mai il était dans un "groupe à risque" mais continuait à travailler et n’a pas essayé de s’échapper. Alexandre est éditeur dans plusieurs magazines et maisons d’édition. Pendant le procès l’accusation insistait sur sa détention en maison d’arrêt et sa famille s’est trouvée en situation très difficile. Sa femme essayait de vendre la voiture, mais le tribunal a saisi le bien afin de garantir, après la décision finale du procès, le remboursement du coût de bitume de la route qu’Alexandre aurait détruit (estimé à 28 million de roubles qui corresponde à plus de 500 mille euros). Il est obligé de rester en prison jusqu’à septembre 2014.
Alexei Navalny est un des leadeurs du mouvement contestataire en Russie. Il est à la tête du mouvement Rospil, qui a pour but de révéler aux concitoyens les cas de détournement des fonds au sein du gouvernement russe. Sa lutte contre la corruption en Russie l’a rendu très populaire et lui a permit d’être un important candidat d’opposition lors des élections du maire de Moscou en septembre 2013. Mais cette popularité lui coûte cher : Alexei fait objet de plusieurs affaires pénales considérées comme étant fabriquées de toutes pièces. A l’origine d’une de ces affaires se trouve une plainte de la société française Yves Rocher. Même si l’entreprise a retiré sa plainte, le procès n’est pas arrêté et peut amener à l’emprisonnement d’Alexei jusqu’à 10 ans.
Assigné à résidence depuis plusieurs mois, dépourvu de possibilité de faire son travail ni de communiquer avec le monde extérieur, il vient d’avoir la prolongation de cette assignation pour les 6 mois à venir.
Alexis Polikhovitch a 23 ans, il est étudiant à l’Université Sociale d’État.
Alexis a fait son service militaire dans la Marine du Nord. Étudiant par correspondance, il est spécialise sur conflictologie et travaille pour une compagnie d’assurance.
Polikhovitch a pris part à toutes les actions de l’opposition en hiver 2011-2012. Il était activiste du mouvement “Occupy” et s’est rendu, entre autres, à Joukovsky dans le cadre d’une action de sauvegarde de la forêt Tzagov.
Il a été interpelé le 6 mai, au cours de la dissolution du meeting et dès le 26 juillet 2012 il est détenu en prison. L’accusation est basée sur une vidéo qui montre une personne lui ressemblant essayer d’arracher un homme des mains des OMON. En attendant le jour de jugement il s’est marié avec sa fiancée Tatiana. Le mariage a eu lieu en prison.
Alexis est condamné à 3 ans et 6 mois de prison.
Sergueï Reznik, 37 ans, journaliste indépendant russe de Rostov sur le Don, connu pour ses révélations au public des schémas de corruption locaux, les noms des hauts fonctionnaires mal honnêtes. Aujourd’hui il est interdit de la profession et incarcéré pour un an et demi sous des fausses accusations, tel un criminel. De surcroît, la police, soutenue par les autorités locales, prépare les nouvelles affaires contre lui. Reznik est un exemple parfait de non-respect d’une des libertés fondamentales qui est la liberté de parole par l’État russe.
Artem Savelov a été arrêté le 9 juin 2012 et accusé comme tous les autres de la participation aux émeutes et d’avoir crié le slogan « A bas l’Etat policier! » et d’autres, attrapé un policier par la main et son gilet pare-balles. Pourtant deux faits rendent caducs ces accusations : Artem n’est resté que 3 minutes à la place Bolotnaïa, ensuite il a été poussé en dehors de barrage policier et arrêté sur le champ. En ce qui concerne les slogans, Artem souffre d’une forme très sévère de bégaiement, alors l’affirmation qu’il a scandé quoi que ce soit ne peut servir d’argument pour sa détention.
Evgueni Vitichko est un géologue et militant écologiste reconnu. Il est notamment l’auteur de travaux sur l’écologie du Caucase et de la région de Krasnodar, au sud de la Russie. Il a également participé à la rédaction d’un rapport dénonçant l’impact sur l’environnement des Jeux Olympiques d’hiver 2014 à Sotchi.
Fin 2013, Evgueni Vitichko a été condamné à 3 ans de camps par le tribunal de Krasnodar pour avoir inscrit « C’est notre forêt » sur une clôture entourant une construction illégale réalisée dans une zone protégée pour le gouverneur de la région. Aujourd’hui Evgueni Vitichko est devenu un prisonnier politique victime d’un système répressif.
Stépane Zimine a 21 ans, il est étudiant de l’Université d’État des Sciences Humaines de Russie. Passionné par l’histoire Stépane travaille sur la reconstruction des vêtements, objet de la culture et vie des Slaves du Xème siècle et il travaille en tant que forgeron. Étudiant en sciences politiques il est aussi orientaliste et maîtrise parfaitement l’arabe. Il a participé antérieurement au mouvement « Occupy » de Moscou, et a soutenu les manifestations et les actions visant à protéger la forêt Khimki située dans la région de Moscou. Il est en détention depuis le 8 juin 2012. Il est accusé d’avoir jeté un morceau de bitume sur un doigt (!) d’un agent de police. L’expertise pourtant a bien établi que le doigt de l’agent de police a été cassé par torsion et non à cause de la chute. Stépane est condamné à 3,6 ans de prison.