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Billet de blog 1 octobre 2023

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Métaux critiques : la quête de l'impossible

Alors que les gaz à effet de serre étouffent la vie sur la planète, les alternatives mises en avant pour que dure la société industrielle exigent un grand nombre de métaux, dont certains sont considérés comme critiques. Même le cuivre pourrait manquer, étant donnée la multiplication de ses usages. D'où l'ouverture d'un premier sommet international à Paris consacré aux « métaux critiques ».

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Diplomatie des métaux :

Selon l'AFP citée par le journal La Croix du 27 septembre dernier : « les représentants de 47 pays consommateurs et producteurs - sans la Chine ni la Russie - se réunissent sous l'égide de l'Agence internationale de l'Energie (AIE) pour le premier sommet consacré aux "métaux critiques", le nouvel or noir que le monde s'arrache, dans le but de tracer les premiers contours d'une "diplomatie des métaux" ».

Des groupes miniers et des géants du commerce des matières premières participaient aussi à ce sommet, (BHP, Rio Tinto,Sociedad Quimica y Minera de Chile, Glencore et Trafigura).

Le journal La Croix indique que « ce sommet, le premier du genre, s'est conclu par une déclaration d'intention, sorte d'ébauche de feuille de route en six axes pour "assurer une transition énergétique rapide et sûre" ».

Toujours à l'affût ces lobbies et la diplomatie, notamment française et européenne, est à leur service. On se souviendra du voyage d'Ursula Von der Layen en Azerbaïdjan pour quémander au président Aliyev d'ouvrir les vannes de gaz. Autre exemple avec Catherine Colonna dont une bonne partie de l'activité consiste à défendre l'approvisionnement français, comme lors d'un voyage en Mongolie  : « La Mongolie regorge de ressources qui ne sont pas suffisamment exploitées et qui ne sont d’ailleurs par toutes identifiées »...  La France « a plusieurs projets en cours dont un majeur qui vise à exploiter des mines d’uranium » : cf https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/290623/catherine-colonna-est-arrivee-en-mongolie-pour-des-projets-energetiques

Qui dira encore que le nucléaire renforce l'indépendance nationale ?

C'est donc un sommet qui montre les inquiétudes quant à l'approvisionnement en métaux des pays industrialisés et qui montre aussi que le combat est âpre pour contrôler, diversifier ces approvisionnements face aux gros producteurs que sont la Chine et la Russie.

Capitalisme glouton :

Selon le BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières), 70 à 100% des métaux sont importés en Europe. Voir son infographie sur https://www.brgm.fr/fr/actualite/infographie/metaux-critiques-chiffres-cles-2022, où l'on apprend que l'année 2020 marque un tournant dans la quête des métaux, avec une élévation des cours des métaux, où l'on apprend aussi que l'Europe importe, selon les métaux, de 80 à 100% des métaux dont a besoin son industrie.

Et ce n'est pas près de s'arrêter, car l'industrie est de plus en plus demandeuse de métaux : « Du cuivre pour transporter l'électricité des éoliennes, du lithium, du cobalt et du nickel pour les batteries automobiles: la transition vers les énergies propres est affamée de métaux. La Chine dominant largement le raffinage et l'approvisionnement, le reste du monde a commencé à s'organiser pour ne pas être (trop) dépendant » (même dépêche AFP sur le sommet de l'AIE).

Ainsi, du point de vue des industriels, il y a urgence à assurer leurs besoins gloutons en métaux et aussi sources d'énergie (les secondes accompagnant les premiers, car les traitements de métaux, surtout les métaux rares exigent une quantité phénoménale d'énergie, qu'elle soit d'origine fossile ou électrique). C'est ainsi que les Etats interviennent dans ce sens.

Des métaux et des métaux rares, il y en a de plus en plus de requis : voitures électrique, éoliennes, téléphones portables, informatique. On peut considérer aussi que l'uranium est un métal rare, n'en déplaisent aux partisans d'une relance de centrales nucléaires.

On peut certes parier sur une part d'économie circulaire, le recyclage des matériaux, relativement simple quand les métaux ne sont pas amalgamés (par exemple l'aluminium ou le fer). C'est une autre histoire quand les métaux sont emprisonnés dans des alliages. Ce recyclage exige aussi beaucoup d'énergie.

Ces métaux sont donc d'une importance stratégique et les bouleversements géopolitiques (comme le conflit entre la Russie et l'Ukraine) rendent leur accès plus difficile. En fait, la question des matières premières a toujours été l'objet de conflits et surtout a alimenté l'impérialisme (du temps des Romains à nos jours) et le colonialisme : il n'est que de voir comment l'Afrique est devenu l'objet de convoitises et comment les peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine (et aussi les peuples amérindiens du Nord) subissent dans leur chair cette quête insatiable de métaux et de combustibles fossiles, avec des situations de quasi-esclavage.

Des discours non suivis d'effet :

Désormais, ce sont les fonds marins qui sont l'objet de convoitises, avec d'importants gisements de nodules polymétalliques, dont on sait que l'exploitation dégraderait ces grands fonds et toute la vie qui s'y trouve. Macron, pour une fois, a plaidé pour une « interdiction de toute exploitation des grands fonds marins » lors de la COP27 en Egypte. C'était en 2022. https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/071122/cop27-macron-plaide-pour-l-interdiction-de-l-exploitation-des-grands-fonds-marins-1

Mais avec Macron (et ses prédécesseurs, toujours prompts à de beaux discours internationaux, comme Chirac avec son « la maison brûle et nous regardons ailleurs »), on peut s'attendre à des revirements. Il n'est que de voir comment entre 2017 et aujourd'hui, son approche de l'énergie nucléaire a changé de 180%. Il nous promet désormais la construction d'au moins 5 centrales EPR, quand en 2017, il semblait valider la sortie progressive du nucléaire. Concernant les grands fonds, il semble que Macron n'a pas abandonné la partie, pour des raisons militaires et technologiques.

Concernant l'extraction de métaux en France, des projets voient le jour selon le journal Le Figaro du 24 septembre dernier, en particulier sur l'extraction de lithium, métal privilégié pour les batteries des voitures électriques. Ce n'est pas une surprise, étant donné l'idéologie macronnienne de « solutionnisme technologique » au défit climatique. A ce jour, 3 projets sont lancés, «  un dans le Massif central et deux en Alsace. Roland Lescure souhaite en augmenter le nombre. Pour inciter les parties prenantes à se lancer, une mesure, proposée dans le cadre du projet de loi de finances, permettra aux projets d’exploitation minière en France de bénéficier d’un crédit d’impôt ». D’autres gisements pourraient suivre, notamment en Bretagne. Il n'est pas certain que les autochtones soient d'accord.

En conclusion :

on sait que l'offre en métaux critiques est très concentrée, soit aux mains de grands groupes miniers, soit aux mains d'un petit nombre d'Etats aussi roublards les uns que les autres, comme la Chine pour les terres rares, l'Indonésie pour le nickel et enfin aux mains de multinationales de négoce.

C'est le système capitaliste dans sa splendeur, qui prétend offrir l'abondance et organise la rareté.

Ceci dit, la rareté en minerais, capitalisme ou pas, ne pourra que s'étendre, surtout avec le gaspillage qui en est fait. Au rythme actuel d'extraction, on peut prévoir un déclin rapide pour beaucoup de métaux.

Même si on ne confond pas les besoins des populations avec ceux du capitalisme, pour lequel la croissance de la production est essentielle, il est important de limiter autant qu'on pourra l'extraction.

La relance de l'économie par l'écologie (et Macron n'est pas seul sur ces positions) est un leurre : en particulier, il faut limiter le recours à la « bagnole adorée » : à carburant fossile ou électrique, elle ne peut qu'allourdir la crise climatique à brève échéance (surtout si l'idée est de transformer le volume du parc automobile actuel par autant de véhicules électriques). Idem pour l'aviation, l'électronique des ordinateurs et des smartphones.

Puisqu'il faut néanmoins vivre décemment, il faut que la société et les individus qui la composent réalisent des choix collectifs le permettant, en particulier en terme de politiques de transports, de logements.

Enfin, concernant l'extraction de métaux, de gaz et de pétrole, il est moralement nécessaire de tenir compte de l'avis des premières intéressées et des intérêts des populations vivant près des sites d'extraction. C'est une catastrophe en Afrique, mais aussi en Asie ou en Amérique latine, pour les populations, notamment pour l'accès à l'eau.

Quelques sources :

https://www.la-croix.com/Metaux-critiques-premier-sommet-international-Paris-2023-09-27-1301284572

https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/210723/des-etats-veulent-endiguer-l-exploitation-miniere-des-abysses

https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/071122/cop27-macron-plaide-pour-l-interdiction-de-l-exploitation-des-grands-fonds-marins-1

https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/260923/stocamine-comment-l-etat-coule-la-derniere-etude

https://www.brgm.fr/fr/actualite/infographie/metaux-critiques-chiffres-cles-2022

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/chronique-mati%C3%A8res-premi%C3%A8res/

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/chronique-des-mati%C3%A8res-premi%C3%A8res/20230711-minerais-critiques-une-offre-toujours-concentr%C3%A9e-dans-une-poign%C3%A9e-de-pays

https://www.lefigaro.fr/entrepreneur/un-coup-de-pouce-pour-de-nouvelles-mines-en-france-20230924

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-mercredi-27-septembre-2023-2301641

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