A ce jour, les personnes étrangères que nous recevons (à l'association GASPROM-ASTI de Nantes *) ne mettent pas le sujet du climat en avant, ce qui ne signifie pas pour autant que le changement climatique n'a pas d'impact sur leur vie.
Entre autres motifs de leur venue en France :
- trouver des perspectives meilleures pour eux et leur famille, en gros pouvoir travailler et gagner sa vie ainsi qu'éventuellement contribuer à la famille restée au pays
- trouver asile au sens de la Convention de Genève : l'asile est ouvert à toute personne qui craint « avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Désormais, des femmes peuvent demander protection du fait de leur sexe, souvent opprimé (cf les femmes afghanes, iraniennes et tant d'autres). Mais cette Convention de Genève qui date de 1951 n'avait pas pris en compte les dégâts climatiques. Tout reste formellement à faire pour ajouter cette possibilité, ce qui n'est pas gagné, étant données les manifestations de racisme et de xénophobie qu'on constate dans les pays du Nord, mais aussi du Sud et à combattre absolument.
- accéder à de l'instruction : cas notamment des mineurs isolés étrangers, encore appelé mineurs non accompagnés
- suivre un cursus universitaire
- pour rejoindre sa famille déjà en France, par le regroupement familial
- pour des soins médicaux n'existant pas dans leur pays
- par goût de la découverte
Ce ne sont pas forcément les plus pauvres qui viennent en France, car ça a un coût de voyager. Venir légalement nécessite un visa, le paiement du billet d'avion (l'aller/retour pour les personnes qui viennent en "touriste"). Comme la politique de visa de la France et de l'Union européenne est scandaleusement très restrictive, c'est souvent "clandestinement" qu'elles vont tenter de venir.
On sait que ces voyages en clandestin sont extrêmement coûteux (bien plus chers au final par rapport à des conditions normales de voyage) et aussi extrêmement dangereux (voir les milliers de personnes qui périssent durant leur voyage). C'est pourquoi il faut défendre les principes de la libre circulation et la libre installation des personnes, ce qui éviterait entre autres ce genre de drames. En sus de la défense de ces principes, il est bien entendu nécessaire d'avoir un principe de justice sociale, autant dans les rapports Nord-Sud qu'à l'échelle de nos pays dits développés.
Souvent, bien entendu, ils ou elles évoquent la situation dans leur pays d'origine, ce qu'ils/elles apprécient ou n'apprécient pas :
- la situation politique : souvent des dictatures ou des régimes corrompus qui accaparent les richesses, des présidents qui changent la constitution pour se faire encore et encore réélire
- la situation économique : difficile, avec des difficultés pour se loger correctement, pour gagner sa vie, le travail informel
- la situation des femmes, le poids des traditions, parfois les mutilations sexuelles.
J'en viens au réchauffement climatique.
Si on prend l'Afrique, mais aussi le Proche et Moyen-Orient, il est clair que ça influe sur les conditions de vie : des sécheresses très longues, des inondations géantes (comme au Pakistan), l'extension du désert, l'érosion côtière. Dans certaines contrées, la vie devient impossible, d'autant plus que des guerres viennent s'ajouter à cela.
En fait, la majorité des migrations ne vont pas du Sud vers le Nord, mais du Sud vers le Sud, les Etats du Nord faisant tout, et par les moyens les plus abjects, pour réduire le nombre de migrants, comme par exemple en faisant pression sur les Etats du Sud ou en les soudoyant.
Ceci dit, on ne peut savoir exactement quelle proportion de personnes souhaite absolument s'exiler en Europe, sachant qu'elles sont au courant des difficultés qui les attendent, durant leur voyage ou une fois arrivées sur le sol européen. Et elles n'ont peut-être pas envie de s'exiler au loin. Comme les réfugiés palestiniens, certaines ont même un souhait : celui de revenir.
On ne sait pas.
Donc, le plus souvent, les victimes de guerres, de catastrophes naturelles restent dans d'autres régions de leur pays ou dans des pays voisins. Des ONG ou le Haut-Commissariat aux Réfugiés apportent un soutien, souvent insuffisant.
Le capitalisme, l'impérialisme, le néocolonialisme : ça pèse très lourd (et ça n'apaise pas du tout)
Il faut enfin évoquer la situation dans ces pays, toujours soumis à un nouveau colonialisme, autrefois de pays européens (GB, France, Portugal, Espagne et Allemagne avant la première guerre mondiale). Désormais, c'est un féroce concurrence entre pays impérialistes, les Etats-Unis, la Chine, la Russie s'ajoutant aux anciens pays colonisateurs. Et les sociétés transnationales comme les groupes pétroliers, miniers, agro-alimentaires et les marchands d'armes.
Ça pille de partout, les ressources du sous-sol ou du sol : le minerai, le gaz, le pétrole, les arbres, les poissons, l'eau des nappes phréatiques. Toute cette extraction est aussi cause de pollutions (il faut voir comment le delta du Niger est devenu un cloaque de résidus de pétrole). L'extraction d'uranium au Niger répand des poussières radioactives.
Ça coupe les arbres, pour soi-disant replanter et se donner une image écologique : ils replantent des palmiers à huile à la place, une monoculture qui accapare des terres, énormément d'eau et prive les paysans/annes locaux de terres.
Les travailleurs locaux sont sous-payés pour le travail qu'ils font. Leurs activités traditionnelles sont rendues plus difficiles : les pêcheurs côtiers se font enlever le poisson par des chalutiers géants.
Quand ils se révoltent, la répression est souvent sanglante (les régimes disposent d'un arsenal armé vendu par les pays du Nord, parfois les Etats occidentaux interviennent directement ou par mercenaires délégués).
En clair, les Etats du Nord et les multinationales exploitent sans vergogne les populations, le sol et le sous-sol des pays du Sud et ce faisant, contribuent à l'aggravation des conditions de vie et des espaces naturels, ainsi qu'au réchauffement global (voir la compagnie Total et les autres).
Le GIEC annonce une augmentation du nombre de réfugiés climatiques. Nul ne sait où ces personnes vont se réfugier. Ni quand. Mais la probabilité est à la hausse, vu que l'on continue à émettre des gaz à effet de serre.
Mais comme la grenouille se baignant dans une eau de plus en plus chaude, elle ne se rend pas compte qu'elle est en train de cuire.
La grenouille, serait-ce le genre humain ?
Elle est capable de surprendre néanmoins.
Des espoirs quand même :
Au delà de la description sévère (mais juste) faite sur le néo-colonialisme, l'impérialisme, la prédation capitaliste, il faut quand même indiquer que bien des Africains ne restent pas les bras croisés devant ces désastres.
Des initiatives existent de la part de la petite paysannerie pour contrer l'accaparation des terres, trouver des débouchés, améliorer leurs techniques, de la part d'urbains pour faire face à la pollution (les plastiques, les montagnes de déchets souvent venus du Nord, comme des vêtements usagés dont beaucoup sont inutilisables et jetés), pour reboiser, pour protéger la forêt et les mangroves.
Il faut noter aussi la richesse culturelle de l'Afrique.
Il faut aussi voir l'émission de France 5 "les routes de l'impossible" pour constater la volonté et l'imagination de ces personnes (d'Afrique, d'Asie, des Amériques) face au manque d'infrastructures et aux aléas climatiques.
Mais il est vrai que la corruption, les guerres et les raids des factions armées pèsent quand même beaucoup dans la balance hélas.
* : l'appellation officielle du GASPROM est "Groupement Accueil Service et Promotion des travailleurs immigrés" et date du début des années 70.
De jeunes militant-e-s l'ont ainsi renommé : Groupe d'Accueil, de Solidarité, de Partage, de Révolte pour l'Ouverture du Monde et des Frontières. http://gasprom.org/