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Billet de blog 8 avril 2025

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La déroute des institutions internationales

Les institutions et traités internationaux peuvent être considérés comme imparfaits et sont souvent impuissants à rétablir paix et justice dans le monde. Néanmoins, la nouvelle mode d'en sortir ou de contourner ces traités soulève la nausée.

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L'ONU et les rapports de forces mondiaux :

On ne peut que constater que la paix et la justice, qui font partie des objectifs déclarés de l'Organisation des Nations Unies, ne se portent pas bien. Certes, l'ONU est l'organe de l'ensemble des États, dictatures ou démocraties, conservateurs ou libéraux. Aucun d'entre eux ne fait rêver.

Il y a le poids décisif des membres permanents du Conseil de Sécurité, États-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France et Chine tous détenteurs de la force nucléaire. Dès lors que son « intérêt » est en jeu, chacun de ces cinq pays peut bloquer une résolution. On s'en aperçoit avec le conflit russo-ukrainien déclenché par Poutine ou l'agression constante depuis 1948 du peuple palestinien par l'État israëlien, que les États-Unis protègent « inconditionnellement ».

Sans surprise, les pays les plus puissants économiquement restent dominants dans les institutions internationales telles que le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) : on n'est pas donateur sans exiger des contreparties, telles que les plans d'ajustements structurels requis par le FMI quand il octroie des prêts.

Des droits sociaux et humains si peu protégés :

Quant aux institutions s'intéressant aux droits sociaux et humains ou à l'avenir de la planète, on ne peut pas dire que leur efficience est au rendez-vous. Mais quand même, on touche le fond quand on voit l'Arabie Saoudite, pays réputé pour son oppression des femmes, prendre la présidence (un homme évidemment) de la 69ème Commission onusienne de la condition des femmes qui a eu lieu en ce mois de mars 2025. Un événement très peu médiatisé dont vous trouverez ici le communiqué de conclusion https://press.un.org/fr/2025/fem2248.doc.htm. Voici, selon Mr Abdulaziz M. Alwasil (Arabie saoudite), « le moment venu de repousser les limites du possible, pour parvenir à l’égalité des sexes, aux droits et à l’autonomisation de toutes les femmes et des filles, aujourd’hui et demain ». « Repousser les limites du possible », belle métaphore pour indiquer que l'égalité n'est pas pour tout de suite !

Lobbies et hypocrites :

Même hypocrisie pour les sommets internationaux sur le climat se tenant dans des états dédiés aux hydrocarbures, comme fin 2023 pour la COP 28 à Dubaï (Émirats Arabes Unis) ou fin 2024 pour la COP 29 à Bakou (Azerbaïdjan).

Même l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) ou l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) souffrent du poids de lobbies conservateurs et des industriels (les industriels de la pharmacie, les fondamentalistes religieux pour l'OMS ou les fétichistes du patrimoine et les industries du tourisme pour l'UNESCO).

Les institutions internationales sont à l'image du monde tel qu'il est, tel qu'il devient, sombre.

Pourtant, ces institutions « onusiennes » répondent à de vrais besoins :

Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il faut quand même reconnaître des points positifs à certaines institutions telles que l'OMS, l'UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), l'UNESCO ou encore l'OIT (Organisation mondiale du travail), le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés). Elles permettent de partager des informations, d'établir des règles même minimales, d'agir dans l'urgence.
L'OMS par exemple joue un rôle primordial dans la détection d'épidémies et permet des réactions concertées face à elles. L'UNICEF joue un rôle important auprès des enfants les plus vulnérables, l'UNESCO contribue à l'éducation et aux savoirs, l'OIT établit des normes autour du droit du travail et la protection sociale. Le HCR est présent sur de nombreuses zones de conflits dans le monde et répond à des urgences humanitaires auprès de personnes réfugiées et son rôle est essentiel pour les protection de celles-ci.

Tout ceci n'est pas parfait, ça ne remplace pas des politiques et des rapports de forces dans chaque pays, mais peut aussi servir, comme l'OIT, de points d'appui à des mouvements revendicatifs.

Les États-Unis de Trump font du nettoyage par le vide :

Il se trouve que Donald Trump, dès début février 2025, a remis en cause par décret la particpation des États-Unis dans pas mal de ces institutions, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, l'OMS qui "nous a escroqués" dit-il, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), l'accord de Paris sur le climat. Il déclare par exemple "passer en revue l'implication américaine dans l'Unesco".

Avec son ami milliardaire Elon Musk, il s'est aussi permis de stopper des tas de programmes scientifiques (pas seulement en sciences sociales qu'ils jugent comme un foyer de « wokistes ») et humanitaires (tel que l'ONG USAID). Ils vont jusqu'à bannir l'usage de mots dans les programmes de recherche : racisme, antiracisme, stéréotype, ségrégation, amérindien, noir, victime, discrimination, privilège, minorité, genre, gay, LGBT, femmes, sexualité, handicap, diversité, inclusion, migrants, activistes, égalité, justice sociale, pollution, changement climatique, santé mentale, etc.

On peut effectivement se poser des questions sur la « santé mentale » de tels individus, qui pratiquent une telle « cancel culture » (culture de l'effacement, terme habituellement attribué au « wokisme ») et ce qu'on nomme le « retournement des stigmates » en déclarant sans honte que les « victimes », en fait c'est eux, eux qui se feraient « entuber » depuis des décennies, des « majoritaires » brimés par les revendications de « minorités ».

Mais à trop se focaliser sur Donald Trump et sa clique libertarienne et MAGA (« Make America Great Again »), on oublierait presque que ce mouvement de sortie des accords internationaux est bien plus large.

Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) :
Que la Russie de Poutine en sorte en septembre 2022, 6 mois après son exclusion du Conseil de l'Europe du fait de son attaque de l'Ukraine semble logique.
Mais en 2021, un sénateur LR nommé Bruno Retailleau préconisait déjà une « sortie temporaire » de la France, avec l'argumentation suivante : «La CEDH va trop loin. L'état de droit ne doit pas faire obstacle au premier des devoirs qu'a l'État d'assurer la protection des Français. Je vous cite par exemple une jurisprudence de la CEDH de décembre 2009. [Elle interdit] d'expulser des étrangers qui sont dangereux pour les Français au prétexte qu'ils ne bénéficieraient pas dans leur pays d'origine d'un procès équitable ». Retailleau est désormais ministre de l'Intérieur et sa position sur l'état de droit n'a pas changé. Et Retailleau n'est pas le seul à vouloir déroger à la CEDH.
Au demeurant, cette convention européenne autorise des dérogations dont ne se sont pas privés des États, en réaction à des mouvements de libération nationale (le Royaume-Uni contre l'IRA, l'Espagne contre l'ETA, la Turquie contre le PKK, mais aussi la France vis-à-vis d'indépendantistes kanaks) ou terroristes (la France au moment des attentats djihadistes de 2015).
Mais en 2025, ce n'est pas sur des questions de « lutte armée » que des voix réactionnaires s'élèvent pour remettre en cause la CEDH, mais contre des personnes étrangères, pas seulement les « narcotrafiquants » chers à Retailleau, mais aussi celles et ceux qui tentent leur chance aux frontières européennes.

Nétanyahou et la CPI (Cour pénale internationale) :
le premier ministre israélien est à juste titre l'objet d'un mandat d'arrêt international pour « crimes de guerre et crimes contre l'humanité » à l'encontre du peuple de Gaza. Cela ne l'empêche pas de se rendre à Washington à deux reprises (mais les USA n'adhèrent pas à la CPI) ou en Hongrie le 3 avril chez son ami Viktor Orban qui le reçoit en grande pompe et qui annonce aussi se retirer de la CPI.

En principe, tout État partie prenante de la CPI doit arrêter toute personne frappée d'un mandat d'arrêt. La France néanmoins annonçait pouvoir « appliquer une immunité » pour Nétanyahou.

Le 4 avril, c'est le premier ministre belge, qui déclarait qu'il n'était pas certain que la Belgique ne l'arrêterait pas. "Il y a aussi la realpolitik. Je pense qu'aucun État européen n'arrêterait Netanyahou s'il devait être sur son territoire".

En quoi est-ce faire de la « realpolitik » de ne pas arrêter un tel personnage?

Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés :
les États signataires s'engagent à accorder le statut de réfugié-e aux personnes qui en font la demande, ainsi que les droits et les devoirs de ces personnes « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » (article 1).

L'Article 31 affirme que « les États contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ».

Si aucun État ne déclare se soustraire à la Convention de Genève, force est de constater la multiplication des entraves administratives, sécuritaires, militaires même, à l'exercice de ce droit, en particulier sur la libre circulation. Le « Nouveau Pacte sur la migration et l’asile », adopté par le Parlement européen le 10 avril 2024, illustre cette volonté d'échapper aux obligations de la Convention de Genève, avec le principe d'externalisation hors UE des demandes d'asile, renforcement des contrôles et tris aux frontières de l'UE, agence Frontex de « terrorisation des migrants », répartition arbitraire de celles qui seraient reconnues comme éligibles à l’asile au sein des États membres.

Arrêtez de nous bassiner avec les « valeurs européennes » !

Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel :

Autre chef d'État visé par la CPI, Poutine cherche manifestement à recréer l'empire russe et utilise même le terme de « dénazification » pour s'attaquer, « une opération militaire spéciale », à l'Ukraine en 2022.

L'accession de Trump à la présidence des États-Unis, son dédain pour l'Europe et sa sympathie pour Poutine ont provoqué une onde de choc parmi les pays de l'Union Européenne. Priorité au réarmement, des centaines de milliards d'euros vont être injectés pour faire face à la Russie. Ça tombe bien pour relancer l'économie. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage », proclamait Jaurès en 1914 avant la grande boucherie de 1914-1918.

Et ce « nous », qui n'est plus ce « nous » des prolétaires et des révolté-es, mais ce « nous » des nationaux apeurés, apeurés par les décrets de Trump ou par les délires impériaux de Poutine. Et nos dirigeants viennent « nous » demander des « efforts » pour cette course aux armements. Affirmons que « nous » ne sommes pas un troupeau !

J'en viens à la Convention d'Otawa de 1997. Elle interdit le stockage, la production et l'utilisation de mines antipersonnel qui « frappent indistinctement civils et combattants ou causent des maux superflus ». En fait, ce sont des civils qui en souffrent le plus, puisque 85% des victimes sont civiles.

La Finlande, la Pologne et les trois États baltes viennent d'annoncer leur sortie de la Convention d'Ottawa et vont donc semer des mines à leurs frontières avec la Russie ou la Biélorussie. Des mines qui risquent de tuer et blesser pendant des décennies, des civils indistingués, peut-être des migrants voulant traverser ces frontières.

Et un autre couplet sur les « valeurs européennes » !

Le monde est ce qu'il est, tendu, incertain, soumis à des lignes de forces de plus en plus réactionnaires. Il convient de remettre à l'honneur l'internationalisme qui reste à construire, véritable richesse de la masse de gens qui veulent changer cet état de fait. Juste se défendre !

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