« Grâce à son mix énergétique, EDF produit une électricité largement décarbonée qui rend possibles une croissance et un bien-être citoyen durables », annonce fièrement EDF sur son site.
https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat
« Avec 93 % de sa production d’électricité décarbonée en 2023(1), le groupe EDF est aujourd’hui le premier producteur mondial d’électricité bas carbone et poursuit son ambition de contribuer à la neutralité carbone à l’horizon 2050 ».
Bien entendu, l'électricité d'origine nucléaire reste le « pivot » de sa production d'électricité. EDF continue de prétendre que « La part prépondérante du nucléaire dans le mix énergétique français permet l'indépendance énergétique du pays ». J'y reviendrai.
Qu'en est-il des énergies renouvelables ?
« EDF entend doubler ses capacités de production en énergies renouvelables à l’horizon 2030 ».
Mais on entend un autre son de cloche.
« L’entreprise TotalEnergies a annoncé ce samedi 8 mars 2025 l’abandon d’un important projet de ferme solaire en Guyane. Selon le groupe, le projet a perdu le soutien des pouvoirs publics ».
Ce projet avait l'objectif de produire en continu 20 W d'électricité d'origine renouvelable, 7 jours sur 7 et 24h sur 24, grâc à un système de stockage.
https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/total/totalenergies-abandonne-un-important-projet-de-ferme-solaire-en-guyane-5a8711c8-fc88-11ef-96f1-e130525ba9af
Comme quoi le groupe Total, tout riche qu'il est, se biberonne à l'argent public, sinon rien. Ou plutôt préfère poursuivre sa stratégie d'extraction d'hydrocarbures. Tout argument est bon pour aller dans ce sens et limiter ses investissements dans les énergies renouvelables. TotalEnergies fait référence à la PPE, la Programmation pluriannuelle de l’énergie, menée par le Ministère de l'écologie.
Que devient ce PPE ?
L'idée initiale était de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre en privilégiant donc les énergies décarbonnées. Parmi celles-ci, il était question de faire baisser la part nucléaire à 50% du mix énergétique à l'horizon 2025, selon « la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ».
En février 2022, le président Emmanuel Macron annonçait sa décision de prolonger la durée de vie de tous les réacteurs nucléaires qui le permettent et de construire six centrales EPR 2, auxquels peuvent s'ajouter huit autres dans les années suivantes.
Production d'électricité à la hausse, mais investissements en dérapage
Ainsi, après un creux de production d'électricité nucléaire en 2022, cette production repart à la hausse à partir de 2023 et EDF annonce une hausse de 12,9% de la part du nucléaire.
EDF s'apprête actuellement à construire 6 réacteurs EPR2, 2 à Penly (Seine-Maritime), 2 à Gravelines (Nord) et 2 à Bugey (Ain). Un coût initial estimé en 2021 à 51,7 milliards d’euros et révisé à la hausse à 67,4 milliards d'euros en mars 2024. Selon la revue L'usine Nouvelle dans un article de février 2025, on approcherait plutôt des 100 milliards d'euros, chiffre évoqué par Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie.
https://www.usinenouvelle.com/article/la-facture-des-six-futurs-epr2-de-edf-pourrait-couter-jusqu-a-100-milliards-d-euros.N2227847
En clair, on est dans le brouillard sur le coût, mais aussi la durée des chantiers. On se rappelle que selon la Cour des comptes, la construction de l'EPR1 de Flamanville a vu son coût initial multiplié par sept (pour atteindre 23,7 milliards d’euros), la durée du chantier est passée de 2012 à fin 2024, soit 12 ans de retard. Et les débuts d'exploitation semblent difficiles.
Comme son nom l'indique, l'EPR2 est une version simplifiée de l'EPR1, donc nécessite pas mal d'études (le cahier des charges de l'EPR2 fait état de contraintes nouvelles pour éviter un drame comme Fukushima au Japon). Et celles-ci ont pris du retard selon Ouest-France en février 2024.
https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/les-etudes-des-nouveaux-epr-prennent-un-an-de-retard-f41026ee-cff3-11ee-89c0-6cefac77e04a
En bref, on peut prévoir encore d'une part, une explosion des coûts et des délais et d'autre part, un moindre investissements dans les autres sources d'électricité (qui elles-mêmes ne sont pas toujours vertueuses). Par exemple, la soi-disant biomasse utilisée pour la centrale de Gardanne (Bouches-du-Rhône) provient de coupes faites dans la forêt d'Amazonie. Certains projets photovoltaïques ou éoliens font également l'objet de critiques.
Le renouvelable marque le pas
Quant à la politique industrielle consacrée aux renouvelables, elle marque le pas : General Electric (qui avait repris cette activité d'Alstom en 2015 avec l'aval du ministre de l'économie d'alors, un certain Emmanuel Macron) et propriétaire d'une usine et d'un bureau d'étude à Montoir-de-Bretagne et Saint-Herblain (Loire-Atlantique) spécialisés dans l'éolien maritime annonçait en septembre 2024 sa décision d'y licencier 360 salariés. Et ce n'est pas la politique de Trump aux États-Unis qui pourra rassurer sur l'avenir de cette filière industrielle.
La dépendance énergétique de la France
Reste l'indépendance énergétique de la France. La filière photovoltaïque est exsangue, la filière éolienne marque le pas. Les investissements sont centrés sur la filière nucléaire dont il a été démontré les difficultés, y compris un déficit de compétences industrielles. Et qu'on n'aille pas dire que cette énergie assure l'indépendance nationale, la France important la totalité de son combustible de pays aussi divers que le Canada, le Kazakhstan, le Niger, l'Australie, la Namibie, bientôt la Mongolie et toujours la Russie.
La Russie est soi-disant économiquement sous embargo depuis son agression de l'Ukraine en février 2022. Mais la société Rosatom, géant russe du nucléaire, continue de recycler l'uranium usé des centrales françaises et renvoie le minerai enrichi en France. Selon Greenpeace, « Un quart de l’uranium enrichi importé par la France en 2024 provenait de Russie ». https://www.greenpeace.fr/espace-presse/trois-ans-doccupation-de-la-centrale-nucleaire-de-zaporijia-la-france-contribue-toujours-au-chantage-nucleaire-russe/
Ainsi, malgré l'embargo fait à la Russie, l'approvisionnement en source d'énergie depuis la Russie continue, pas seulement via EDF ou Orano, mais aussi par TotalEnergies, qui vient d'annoncer à ses actionnaires une baisse de ses investissements dans les énergies bas carbone, mais continue de traiter avec la Russie.
On apprend aussi qu'en 2024, les importations de GNL (Gaz Naturel Liquéfié) russe ont bondi de 80% en France, la Russie étant le second fournisseur GNL de la France, derrière les USA, mais devant l'Algérie.
https://www.latribune.fr/climat/energie-environnement/en-2024-les-importations-de-gnl-russe-ont-bondi-de-80-en-france-1019797.html
Tout en maintenant des liens commerciaux dits « stratégiques », on nous assène que la Russie est une menace pour l'Union Européenne. Faudrait savoir !
En conclusion
Oublions l'idée d'une énergie abondante et bon marché. Ça appartient au passé et cette énergie miracle n'existe pas.
S'il est clair qu'il faut sortir des énergies émettrices de gaz à effet de serre, nous ne sommes pas sorti s du dogme nucléariste. Tant de choses seraient possibles à commencer par la meilleure source d'énergie : l'économiser autant que possible, notamment par des politiques de logement (isolation, mais aussi matériaux autres que le béton) et de transport moins gourmandes en énergies.
Il est nécessaire aussi de faire de la recherche sur les énergies et les matériaux du futur. Là encore, on constate que les universités et la recherche sont malmenées, faute de crédits.
Enfin, il faut viser la sobriété, que ce soit dans nos comportements individuels ou dans les choix collectifs. Mais la sobriété est un choix de société qui dépasse de loin la question de l'énergie.
Ce choix de société, pour l'instant, c'est le capitalisme qui l'oriente ainsi que la technocratie à son service.
Sortir du capitalisme est nécessaire. Pour autant, nous sommes plus de huit milliards d'êtres humains sur terre et se poseront toujours les questions de leur donner des conditions de vie décentes.