Pour qui roule Macron ? Quel est son carburant ?
Par ces questions, il ne faut pas voir une quelconque théorie du complot. Macron n’est pas manipulé : il est « aux responsabilités ».
Son programme est partagé par une certaine classe sociale, en gros celles et ceux qui ont voté pour lui au premier tour en 2017 et en 2022 : la frange haute des classes moyennes, que certains appellent aussi les « gagnants de la mondialisation » et qui ont la prétention d’appartenir au « camp de la raison », le raisonnable étant pour elles et pour eux d’accompagner au mieux le capitalisme (ils ne diront jamais ce mot, mais plutôt « l’économie ») pour qu’il leur assure stabilité et prospérité.
En gros, beaucoup d’entre elles et eux ne trouveront aucune gène à continuer de travailler jusqu’à 64 ans (vu qu’ils se situent du bon côté du manche) ou ne se poseront pas de questions quant à la pertinence d’acheter un véhicule électrique et de lancer un plan électronucléaire d’envergure. L’archétype de l’homo-économicus.
Certes, également acquise aux valeurs du mieux-disant sociétal, cette frange du peuple se dira sensible aux discriminations de race ou de genre, aux questions de harcèlement.
Néanmoins au nom de la « raison », elle est surtout sensible à tout ce qui entrave la bonne marche de la société telle qu’elle existe : quand même, il ne faudrait laisser les frontières ouvertes à tous les vents; quand même, il faut récompenser le mérite; quand même, il y en a qui abusent de leurs droits sociaux. Quand même, on n’aime pas les ghettos et les « zones de non-droit », mais on ne sacrifiera pas l’éducation de nos enfants dans des écoles de second choix. Quand même, il ne faut pas harceler dans les entreprises, c’est pas beau, mais un petit coup de pression ne ferait pas de mal à certains salariés. Quand même, nous sommes en Etat de droit, mais il y a des abus de recours en tout genre, qui entravent la croissance économique. Quand même, il y en a qui exagèrent (moi-même qui m'amuse à les caricaturer). Quand même, il faut savoir aller de l’avant. Le « en même temps » macronien leur convient bien, preuve qu’ils ont le sens de la dialectique et qu’ils ont une pensée complexe.
Macron est le produit de cette semi-classe marquée par le dynamisme et le pragmatisme (comme disent les footballeurs, il faut prendre les matchs les uns après les autres). Il faut sans cesse passer à autre chose (on vous a mis plein la gueule avec la réforme des retraites, mais il faut « passer à autre chose ») et même accélérer car la « séquence » des retraites aurait déjà pris trop de temps. ASAP, il faut poursuivre les « réformes ».
Sur ce que je décris plus haut, c’est l’idéologie macronienne à l’oeuvre et une idéologie ne vit que si elle est partagée. Mais on sait aussi que l’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante.
Et la classe dominante, quelle est-elle ? A-t-elle des tendances ?
La bourgeoisie en tant que classe sociale existe. Certainement est-elle elle-même traversée par des contradictions. Déjà (et surtout), elle a le sens de sa perpétuation, ce qui signifie qu’elle ne s’en laissera pas compter, que ce soit par des concurrents ou par les autres classes de la société.
Sans doute est-elle traversée par l’appât du gain à courte, moyenne ou longue échéance. Sans doute, des gens comme Macron pensent incarner la longue échéance de la vie du capitalisme, un peu conscients peut-être du caractère multiple des crises qui secouent le monde, mais inconscients (ou s’en foutant) du fait que leurs solutions ne font que plonger le monde dans un malheur encore plus grand.
Peut-être pensent-ils juste reculer le moment fatidique où le monde basculera, crise climatique aidant. Sans doute anticipent-ils le fait que se développeront, soit des dictatures implacables (c’est déjà le cas) soit des Etats faillis (c’est aussi le cas), et qu’il faudrait juste conserver des zones de démocraties libérales, au prix d’en « muscler » l’architecture par un contrôle social renforcé, qu’il soit policier ou administratif, qui en tout cas rogne sur les droits fondamentaux.
En clair, ce que signifie le macronisme (dans quelques années, c’en sera un autre ou une autre), c’est la défense d’un mode de vie bourgeois pour la bourgeoisie, un peu étendue aux classes moyennes supérieures, avec la garantie d’un écosystème favorable à l’expansion économique.
Et finalement, le seul climat qui les fait vibrer, c’est le climat des affaires et le gel des revendications sociales.
Et face à cela, il ne nous reste qu’à chauffer à blanc la cocotte-minute de la critique sociale.