Dans un entretien au journal Le Parisien, la Première ministre a annoncé que les distributeurs pourront vendre de l’essence « à perte » pendant quelques mois afin de leur permettre de « baisser davantage les prix ».
« Avec cette mesure inédite, nous aurons des résultats tangibles pour les Français, sans subventionner le carburant », a-t-elle assuré, après avoir rappelé que la vente à perte était interdite par la loi depuis 1963.
La vente à perte est une pratique commerciale officiellement interdite en France depuis 1963. Il existe quelques exceptions comme aux périodes de solde ou quand les produits sont en voie d'obsolescence (genre des fruits et légumes à la fin des marchés).
L'idée était d’éviter des pratiques commerciales déloyales entre distributeurs, notamment, et de protéger les producteurs et les consommateurs, en gros d'éviter le dumping commercial, qui permettrait rapidement à un distributeur d'asphyxier ses concurrents, puis de se positionner en monopole.
En fait, le simple fait de vendre à « prix coûtant » est déjà suffisant pour asphyxier concurrents, fournisseurs (les requins, les vrais me pardonneront, mais ce genre de pratique peut ainsi être qualifié). Les salariés sont aussi les cocus de ces opérations, car ce sont elles et eux qui fournissent le travail par lequel se déduit le prix (en plus des fournitures et matières premières).
La proposition d'Elisabeth Borne sur les carburants a, pour le gouvernement, l'avantage de ne rien coûter aux finances publiques. A ce jour, aucun gros distributeur n'a commenté cette proposition. Seuls les petits pompistes ont fait savoir leur désaccord. Et si, au fin fond des campagnes, ils mettent la clé sous la porte, les automobilistes devront faire encore plus de kilomètres pour faire leur plein ou leur demi-plein.
On peut donc penser que c'est le "Parti du Pouvoir d'Achat" (genre les centres Leclerc) qui pourrait tirer parti de la situation, vu que les consommateurs, après avoir fait leur plein, viennent s'approvisionner dans leurs hypermarchés.
Une bonne idée, ces éventuelles ventes à perte proposées par la Première Ministre ?
Au pire, ça fera quelques centimes par litre (les distributeurs ne sont pas fous). Pas de quoi faire le détour pour quelques euros et même peut-être faire la queue à la pompe.
Mais surtout, c'est surtout un manque d'imagination flagrant, que dis-je !, une faute au regard de l'emballement climatique. Cette faute qui consiste à ne considérer, comme le sieur Pouyané, PDG de Total (« débattant avec le climatologue Jean Jouzel à l'université du Medef), « la vraie vie » que par le seul prix de l'énergie.
La vraie vie rêvée : de l'essence moins chère !
Il existe une autre « vraie vie » que Pouyané évacue, celles des victimes déjà nombreuses du réchauffement climatique, on l'a vu encore ces derniers jours en Libye, mais aussi dans le département de l'Hérault.
En fait, cette proposition de baisse des prix est juste l'aveu que les exécutifs (l'Etat et beaucoup de conseils régionaux) :
1) n'ont pas pris la mesure du réchauffement global (la légion d'honneur pour Patrick Pouyané, il fallait oser).
2) n'entendent surtout pas entraver la recherche du profit par les entreprises, via une augmentation des salaires.
3) qu'ils ne proposent aucune alternative sérieuse au choix du véhicule individuel thermique (si ce n'est le véhicule électrique, loin d'être à la portée de toutes les bourses et probablement aussi polluant que les véhicules thermiques au regard de la chaîne globale, extrativisme en premier lieu).
Le train par exemple. Dans les Pays-de-la-Loire, des trains « du quotidien » sont régulièrement annulés depuis la rentrée de septembre, la faute à des problèmes techniques ou des heurts avec des animaux qui ont endommagé les locos. Annulation de trains vite remplacés par des cars.
La Présidente de région, Christelle Morançais, fait mine de râler. Mais c'est bien elle qui, prétextant un suréquipement, avait vendu en 2017 sept rames TER à la région Centre-Val de Loire. Pas prévoyante la présidente !
Il faudrait diminuer la longueur et la durée des trajets entre domiciles et lieux de travail. Cela passe par des prix de logements plus abordables dans les agglomérations, par une plus forte densité de transports publics (avec possibilité d'y monter des vélos), par des localisations d'entreprises (celles qui ont une utilité) au plus près des habitats.
Une réduction massive du temps de travail permettrait aussi (peut-être ?) de modifier les habitudes de transport et de consommation.
Par contre, ce qui est fait est fait : il serait vain de demander aux habitants de déménager quand ils ont « fait leur trou » dans un patelin, même si cela était au prix de frais de carburants.D'où le besoin d'alternatives pour ces populations.
En fait, la lutte des classes doit rejoindre la lutte contre le dérèglement climatique et autres pollutions. S'il faut des perdants dans ce combat, ce devra être les capitalistes et les rentiers... ce qui n'exonère pas le commun des mortels de faire des efforts pour contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ayons plus d'imagination que les gouvernants.

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