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Billet de blog 20 mai 2023

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Du débouché politique de la « séquence » des retraites

L'attitude de la macronie ces derniers mois ne peut que susciter l'indignation et il est dès lors facile pour les démagogues de surfer sur cette vague. Pour autant, en partant du principe que « rien ne sera plus comme avant », il convient de ne pas laisser retomber le soufflé et analyser ce qu'il faut entendre par « débouché politique ».

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L'idée de « séquence »  n'est rien d'autre que du médiatique, du « spectaculaire » comme dirait Guy Debord. Et séquence après séquence, on devrait donc « passer à autre chose » comme voudrait Macron.

Si on se fie aux sondages (mais ils sont toujours en lien avec le système institutionnel français, donc biaisés), il semblerait que le RN, parti d'extrême-droite, progresse en termes d'intentions de vote, à l'issue de la « séquence » des retraites. Mais il n'y aura pas d'élections avant le mois de juin 2024, les européennes. Ceci dit, le « débouché politique » ne se résume pas à des joutes électorales ou à un concours d'écuries.

Attardons-nous un moment sur ce parti.

Un sondeur, Jérôme Sainte-Marie, a eu cette formule en 2016 : « Le FN est la zone érogène de la politique française ». Cette formule ressemble fort à un oxymore, tant ce parti a dans son ADN la volonté de répression et coupe tout plaisir, sauf à être masochiste. Dans cette logique, si le RN n'existait pas, faudrait-il le créer ? Très peu pour moi !

Lors de son meeting du 1er Mai au Havre, Marine Le Pen martelait « La cause de nos maux tient en un mot, ou plutôt en un nom : Macron »... «En ignorant l'esprit des lois et en dirigeant contre l'opinion unanime une violence institutionnelle, il provoque, entretient et même alimente la tentation condamnable de la violence de rue ».

https://www.francetvinfo.fr/politique/front-national/le-1er-mai-du-rassemblement-national-au-havre-une-fete-de-la-nation-avec-emmanuel-macron-pour-cible_5801834.html

Et Marine Le Pen de brandir des thématiques comme l'écologie qu'elle prétend défendre (tout en critiquant une écologie dite « punitive »). Son écologie à elle est basée sur le « localisme », une autre manière de ramener l'immigration dans le sujet : « les effondrements sanitaires qui nous menacent proviennent aussi bien de la pression sur les écosystèmes que de la concentration forcée de la population dans les métropoles et d'une mobilité hors de contrôle ».

Ainsi, apparemment ouvert aux sujets contemporains (le social, l'écologie) le RN fait feu de tout bois. Mais le naturel resurgit chez Mme Le Pen, en jouant sur le thème cher à Eric Zemmour, la défense de la civilisation : « Il y a une transition qui ne dit pas son nom, mais qui avance tout doucement, c'est la transition civilisationnelle, celle qui vise à effacer des millénaires d'histoire et de culture. C'est celle qu'instille le wokisme ! C'est finalement la théorisation de la haine de tous contre tous, chère à Emmanuel Macron ».

Le Canard Enchaîné du 26 avril notait la réintégration au RN de responsables partis vers Zemmour, dont certains sont d'entrée remis aux responsabilités. Le RN est un parti d'extrême-droite doublé d'une démagogie sans limite, la haine reste fondamentale dans ses discours et dans ses actes.

Macron et son gouvernement, qui prétendaient la marginaliser (mais était-ce vraiment le cas), non seulement ont échoué, mais creusent le sillon qui fait prospérer les idées d'extrême-droite, par une série de mesures et beaucoup de discours, celui de Darmanin sur la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, « incapable de régler les problèmes migratoires » (en sous-entendu, il serait plus « efficace » en la matière) ou comme celui qui consiste à faire passer des députés de la NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale), notamment celles et ceux de la France Insoumise (LFI) pour des gens "d'extrême-gauche", là où on ne saurait voir qu'une branche un peu turbulente de la sociale-démocratie.

Reste donc à réduire le danger de l'extrême-droite. Ça fait plus de trente ou quarante ans qu'on cherche des solutions. En tout cas, on sait qu'il n'y a pas de solution à aller à la quête d'une personnalité « providentielle » (Mélenchon s'est vautré sur ce point et sa manière de défendre son « poulain » Adrien Quatennens, auteur de violences conjugales, a jeté un froid, y compris dans son mouvement).

Mais alors quoi ? Quelles alternatives ?

Se focaliser sur l'extrême-droite sans faire le lien avec le système qui le nourrit, les peurs qui l'alimentent serait vain. En cause, le capitalisme, ses dégâts sociaux et environnementaux dont le réchauffement climatique, la dépossession massive (matérielle et culturelle) que subissent les populations tant au Nord qu'au Sud, la perte de confiance, la quête de sens qui s'en suit, parfois sous la forme de replis religieux, identitaires, nationalistes, sécuritaires, exclusifs.

Retrouver et redonner confiance dans quelque chose comme des luttes qui fédèrent, donnent du sens, gagnent et posent des limites à l'appétit insatiable des puissants de ce monde, c'est la voie à ouvrir.

Il n'y a pas de recette magique : donner de sa personne, choisir ses combats, toujours avoir un esprit de solidarité, mettre ses actes en phase avec ses idées (individuellement, nous ne disposons que d'une journée de 24 heures et il est recommandé de bien dormir, manger et boire pour tenir dans la durée).

Les idées tiens ! Encore faut-il les avoir claires, savoir où on veut aller et comment y aller. Pour l'instant, nous sommes nombreux à savoir où ne pas aller (l'injustice sociale, l'impasse écologique, l'autoritarisme, le fascisme rampant). La totalité de nos efforts va dans le sens du refus de tout cela.

Il reste donc à s'accorder sur le « pour », une fois ayant fait le tour du « contre ». Et aussi jauger les outils à notre disposition. Faire de la politique passe toujours par la définition du but à atteindre et les moyens pour remporter l'adhésion à ce but.

Pour ma part, je suis partisan de faire la révolution en vue du communisme libertaire, par le moyen de la grève générale et de l'autogestion généralisée. Je sais : l'humanité n'y est jamais parvenue, parfois a-t-elle approché ce but, la Commune de Paris, l'anarcho-syndicalisme du début du 20ème Siècle, les Soviets avant que le marxisme-léninisme les vident d'existence autonome, l'insurrection makhnoviste en Ukraine, la révolution espagnole en 1936, la grève générale de 1936 en France qui a contraint le Front populaire à réaliser des réformes irréversibles, les révoltes de 1968 ou plus récemment, le mouvement néo-zapatiste au Mexique ou l'expérience du Rojava en Syrie.

Faire la révolution est aujourd'hui une position très minoritaire. L'attendre béatement est sans intérêt, mais ces moments révolutionnaires ont la particularité de survenir quand on s'y attend le moins.

En attendant ou plutôt sans attendre, on peut se focaliser sur des revendications et des actions qui ne sont pas solubles dans le système, imposer des réformes de justice sociale au capitalisme ou en interdire les nuisances (celles qui plongent la planète dans un réchauffement létal, l'impérialisme, le poids des multinationales et de la finance, les guerres rendues possibles par un commerce d'armes cynique, etc).

Et les outils à notre disposition (organisations politiques, syndicales, associations, mouvements), tout aussi limités soient-ils, existent, certes pas tous révolutionnaires, parfois même obstacles à la réalisation d'objectifs gagnables (par leur volonté de prendre la direction des opérations, par le poids de traditions empêchant le renouvellement et la définition de nouveaux objectifs à atteindre). Mais prenons quand même le pari que tout n'est pas à jeter.

Ainsi, plus qu'une prise du pouvoir d'Etat, souvent illusoire et décevante, mieux vaut travailler à des objectifs atteignables, les partager le plus largement possible et les pousser socialement parlant, dans les mentalités, dans la rue, les entreprises, les services publics.

Ça pourrait être ça, le « débouché politique de la séquence en cours ».

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