Considérons les problèmes aucquels nous faisons face. Quand j'écris « nous », il convient de dire qu'il existe des personnes plus touchées par ces « problèmes ».
- Le réchauffement climatique : celui-là touchera tout le monde, mais il y aura les premiers touchés et les autres suivront. Les premiers touchés, ça n'est pas demain, c'est aujourd'hui, avec les catastrophes qui se produisent, sécheresses, inondations, ouragans, disparitions d'espèces animales et végétales. On y est.
- là dessus est venu s'ajouter cette pandémie de Covid-19. Qu'importe comment et pourquoi elle est arrivée. Elle continue de saccager la santé de beaucoup de monde, mais aussi d'atomiser les sociétés. Nous ne sommes pas à l'abri de sa résurgence.
- les guerres et l'impérialisme : le fait qu'une guerre apparaisse en Europe en ce début 2022 ne doit pas faire oublier que les « théâtres » de guerre sont nombreux et que les industriels de l'armement sont à la manœuvre pour attiser ces conflits.
- la pauvreté et les inégalités : la soit-disant « mondialisation heureuse » du capitalisme montre tous les jours son incapacité à réduire la pauvreté, Partout sur le globe, on la voit s'étendre à nouveau, avec les difficultés de beaucoup à se nourrir, se loger. La croissance des Produits Intérieurs Bruts dissimule en fait une hausse des inégalités à l'intérieur des pays.
- le racisme et le sexisme : ça n'est pas un sous-produit des autres maux. Ça s'y ajoute. Je dirai même que ça participe à nourrir le capitalisme en redoublant ses possibilités de domination, donc d'exploitation. Mais le fait est que racisme et sexisme ne disparaitront pas avec une possible sortie du capitalisme.
- le manque d'autonomie : cette question est primordiale. S'il faut reconnaître que la vie en société nous oblige à faire confiance à autrui, il n'empêche que notre part d'autonomie doit reprendre de l'importance. L'autonomie n'est pas l'autarcie. Autonome signifie prendre part aux décisions qui nous engagent personnellement et collectivement. Elle peut se traduire par des choix remettant la proximité à l'ordre du jour, à l'exemple d'une agriculture recentrée autant que possible.
- la propension au divertissement. C'est humain de se changer les idées. C'est utile de se cultiver, d'échanger des idées, de l'art. Mais c'est un danger de baigner dans un jus spectaculaire. Le capitalisme y voit son intérêt, nous soustraire à toute critique de son fonctionnement, voire à toute mémoire de l'essentiel. L'imaginaire est puissant, mais on ne peut se résoudre « du temps de cerveau disponible » pour le capital. Dans cette rubrique, on pourrait aussi ajouter le poids des religions et là on constate que celles-ci ont précédé le capitalisme et sans doute lui survivront : ceci dit, leur influence est néfaste au rôle qu'elles se donnent de « relier les humains », sans compter qu'elles contribuent à diverses oppressions, des femmes en premier lieu. Au minimum, il faut résister à leurs prétentions de régir le monde.
En clair, les questions auxquelles nous sommes confrontés peuvent tout autant toucher des personnes proches ou éloignées. Toutes et tous formons le genre humain (même si ce genre humain est divisé par divers phénomènes de domination et d'oppression). Il faut donc avoir un regard sur le local et le global. De notre « temps de cerveau disponible », faisons bon usage, car il nous n'est pas à vendre, ni à gaspiller.
J'en viens donc à l'objet de cet article. Quels outils avons-nous à notre disposition ? Quelle boîte à outil développer et partager ?
- les élections ? Rarement dans l'Histoire, elles ont apporté de réels changements, étant donné que les Etats sont parties prenantes de la domination capitaliste. Ceci dit, leur importance est reconnue par les citoyens, c'est peut-être un leurre, mais il faut l'admettre. Elles donnent un instant de politisation (élaborer des programmes, etc), mais elles peuvent contribuer aussi à taire la politique une fois finie. Or, la politique, c'est tout le temps qu'il faut en faire.
- L'organisation : sans elle, nous ne sommes que de simples éléments dans un troupeau. L'association de personnes poursuivant un but commun est primordial, que ce soit dans le monde du travail (les syndicats) ou la vie sociale (les associations, les groupes politiques, les liens de toutes sortes). Il faut néanmoins éviter que nos organisations se sclérosent par manque de démocratie interne. Ce qui importe est la qualité du champ d'action et la possibilité de l'élargir, mais pas la pérennité, même si tenir dans la durée est important pour faire avancer des idées et mener des actions.
- L'enjeu est donc de faire que plus de gens se sentent concernés. L'information est importante. Grosso-modo, nous le sommes, informés. Exemple : personne ne peut échapper aux avertissements du GIEC. Même beaucoup de personnes qui ne pourraient y accéder formellement savent qu'il se passe quelque chose de grave. Elles le savent parce qu'elles le subissent.
- L'information est nécessaire, mais ne suffit donc pas. Alors quoi ? Il faut nous résoudre à former des minorités, mais des minorités agissantes, éventuellement facteurs de nuisance pour les classes dominantes. Pour l'instant, ce sont celles-ci qui sont facteurs de nuisances pour le plus grand nombre.
- Formuler des revendications, c'est bien. Les partager, c'est mieux. La crédibilité est importante, mais parfois des thèses complètement irrationnelles se révèlent crédibles aux yeux de beaucoup. Plus que la crédibilité, c'est la cohérence, la rationalité (et le souci d'autrui) qui comptent.
- L'exemplarité est évidemment décisive. Les questions de pouvoirs sont aussi décisives : combien de combats sont désertés du fait de prises de pouvoir, de positions dogmatiques, d'un manque d'humour aussi ?!
L'idée est quand même que des personnes s'engagent avec l'envie de résister, de gagner sur des points de revendications. Parfois, l'engagement est vécu comme un carcan. On voit alors surgir des mobilisations spontanées, via les réseaux sociaux. Elles sont intéressantes pour mobiliser, mais parfois éphémères.
L'engagement, c'est du temps à donner et de l'espace à couvrir si on veut élargir et se coordonner. Or, il n'y a que 24 heures dans une journée, 7 jours par semaine. Nous ne sommes pas des surhommes ou des surfemmes. Il faut donc doter les mouvements d'organes de coordination et que ceux-ci soient les plus transparents possible et qu'un va et vient incessant d'informations irrigue les bases et la coordination, que les décisions prises soient judicieuses et partagées, que les initiatives soient percutantes.
Voilà, nous avons besoin de percussion face à toutes les questions qui se posent !
Nous avons besoin d'ego, mais pas trop !
Nous avons aussi la nécessité de faire confiance, mais qu'elle ne soit pas aveugle !
Et nous bouger les fesses, bon sang !
Hervé, le 27 mars 2022