A l'occasion du récent renouvellement du glyphosate en Europe, on a entendu les défenseurs de cet herbicide répéter que les producteurs n'auraient aucun intérêt à faire du lobbying pour le glyphosate puisqu'il est dans le domaine public.
C'est avoir une vision étriquée et franco-française du sujet.
Le glyphosate associé aux OGM hors Europe, un énorme enjeu financier
Dans le monde, le glyphosate est surtout utilisé en association avec des semences OGM rendues résistantes à cet herbicide : on sème ces semences et il suffit de pulvériser un désherbant à base de glyphosate pour tuer toute adventice ("mauvaise herbe") en préservant la culture qui a été génétiquement modifiée pour lui résister. C'est toute la série des semences "Roundup-Ready".
On notera que ce système est également lié à l'agriculture de conservation, dont les mêmes défenseurs du glyphosate parlent beaucoup alors quelle ne représente que de très faibles surfaces en France.
Ce système présente des avantages économiques certains, surtout associé à des parcelles très importantes permettant des pulvérisation aériennes de glyphosate comme on le voit en Amérique du Sud par exemple.
Il s'est répandu jusqu'à représenter la majeure partie des surfaces cultivées dans de nombreux pays, en Amérique du Nord et du Sud en particulier. En 2022, 63% des surfaces cultivées en Argentine étaient en OGM, surtout du soja résistant au glyphosate.
Le Ministère Français de l'Environnement précise de son côté que 89% des surfaces cultivées en OGM dans le monde sont résistantes à un herbicide (source). Il s'agit donc d'un enjeu financier énorme pour les entreprises de vente de semences et de glyphosate.
Des risques pour l'homme et pour l'environnement
Mais cette association OGM/glyphosate présente également des risques, essentiellement le développement d'adventices résistants au glyphosate qui nécessitent d'augmenter progressivement les doses d'herbicide pulvérisées pour en venir à bout.
L'herbicide étant pulvérisé directement sur l'OGM en culture, on observe également une plus forte contamination des récoltes par le glyphosate, les adjuvants de formulation des herbicides (dont la toxicité n'est parfois pas testée) et leurs résidus.
Ces épandages d'herbicide à forte dose contaminent également l'environnement et les riverains, au point que les dégâts sanitaires sont visibles au niveau épidémiologique en Argentine par exemple, où le taux de malformations a été multiplié par plus de 4 chez les riverains de zones pulvérisées entre 1997 et 2008 selon les statistiques d'un hôpital régional portant sur plus de 67000 naissances.

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Le lien entre les malformations de mon fils Théo (atrésie de l'oesophage, sténose du larynx, absence de cordes vocales, trachéomalacie...) et son exposition au glyphosate in utero a été reconnu par les experts du Fonds d'Indemnisation des Victimes des Pesticides avec un niveau de certitude suffisant pour justifier d'une indemnisation officielle. [ressources sur l'atrésie de l'oesophage]
Cette première mondiale a largement été relayée par les médias, y compris à l'étranger.
Une interdiction du glyphosate en Europe aurait menacé les ventes d'OGM dans le monde
Une interdiction du glyphosate en Europe aurait risqué de faire tâche d'huile et de s'étendre à d'autres pays où ce système d'agriculture combinant OGM et glyphosate représente des enjeux financiers très importants, les semences OGM étant encore sous licence.
Par ailleurs, une telle interdiction aurait également gêné les efforts de l'industrie pour introduire les OGM en Europe, puisqu'ils sont dans leur immense majorité modifiés pour résister au glyphosate comme nous l'avons vu.
Préserver l'exception sanitaire européenne
L'Europe est donc une île encore préservée pour le moment des dérives sanitaires du système agricole combinant OGM et glyphosate.
Mais la volonté d'importer ce système transparait à travers les pressions pour prolonger l'utilisation du glyphosate en Europe.
Ne soyons pas dupes, au-delà du discours qui met en avant des OGM résistant à la sécheresse ou autres, en réalité, dans près de 90% de leur usage, les OGM ont été modifiés pour résister à un herbicide.
Importer les OGM en Europe reviendrait à court terme à importer la situation sanitaire dramatique de l'Argentine où les dégâts sur les enfants se lisent dans les statistiques des hôpitaux depuis plus de 15 ans.