Greta Thunberg, jeune militante écologiste suédoise, s’est récemment investie avec fracas pour la cause écologiste. Quoi qu’on pense de son action ou de ses appels, elle a poussé de nombreuses personnes, notamment jeunes, à se conscientiser politiquement. Greta Thunberg a une audience, un impact, et un collectif de députés officiellement concerné par l’écologie a donc décidé de l’inviter à s’exprimer devant l’assemblée nationale.
La simple expression de Greta Thunberg devant des élus aurait pu rester anodine, une actualité éphémère vouée à succomber à l’effet essuie-glace de l’information. Il s’agissait de tenir un simple discours qui n’engage à rien, et qui reprend de nombreux éléments scientifiquement établis sur le bouleversement climatique en cours. Car contrairement à ce que laissent entendre certains boycotteurs de ce discours, le bouleversement climatique est déjà là et les scientifiques ne font pas que le prédire, ils le mesurent déjà. Les prédictions, autrement plus solides et travaillées que des prophéties, ne portent que sur les proportions dans lesquelles ce bouleversement empirera en fonction des actions que nous prendrons. Greta Thunberg n’est qu’un relai parmi tant d’autres de ces constats et des appels à agir qui découlent, et son discours devant l’assemblée n’est qu’une fraction infime de son action passée et à venir. Pourtant, ce discours a donné lieu à une controverse et une hystérisation.
En effet, de vieux mâles blancs de droite refusent d’écouter la jeune Greta Thunberg en prétextant que son âge serait synonyme de naïveté et signe d’illégitimité. Sa courte vie, et sa microscopique expérience politique, ne lui auraient pas laissé le temps de réaliser des accomplissements suffisants pour mériter d’être écoutée. On peut comprendre que ceux qui ont vécu assez longtemps pour atteindre de hautes responsabilités soient irrités de se voir appeler à l’action ; eux qui ont eu temps et pouvoir, mais n’ont rien fait pour l’environnement. L’activité détonante d’une si jeune personne projette un contraste qui met en lumière l’inaction de ces élus.
Pourtant, les détracteurs de Greta Thunberg ont raison sur un point : la jeunesse de cette militante est bel et bien synonyme de naïveté. De la naïveté, il en faut pour vouloir parler d’écologie à des députés de droite. Car la condition que Greta Thunberg avait posée pour accepter l’invitation était que le collectif hôte devait être transpartisan. Greta Thunberg croit donc, à la faveur de sa naïveté, que l’on peut parler à des politiciens pour leur demander d’infléchir leur politique. Elle affiche par cette démarche sa croyance dans les institutions représentatives pour changer la société. Faudrait-il l’en détourner et indiquer à la jeunesse le chemin de la révolution pour contourner le blocage de la voie citoyenne et institutionnelle ?
Il faut aussi être jeune et naïf comme une Greta Thunberg pour ne pas se rappeler que la droite a été l’ennemie politique revendiquée de l’écologie, avant de capituler en apparence pour mieux la saboter de l’intérieur. Cette naïveté que de vieux réactionnaires drapés d’un langage bienséant d’apparat reprochent à la jeunesse, c’est pourtant leur dernière chance. La dernière chance de se reprendre et de rejoindre le camp de l’action qui vise à diminuer les conséquences néfastes d’un bouleversement déjà en cours et qui empire. Cette jeunesse était assez naïve pour leur pardonner leurs renoncements passés, voire leur hostilité antérieure vis-à-vis de l’écologie, jusqu’à aujourd’hui.
Les jeunes naïfs se construisent aujourd’hui la mémoire de demain. Dans cette mémoire, ils se souviendront que l’une des leurs a essayé de parler aux élus de tous les confins républicains, et que la droite a préféré leur donner des coups par médias interposés au lieu de leur prêter l’oreille. Il est probable que les conséquences du bouleversement climatique prendront de telles proportions que l’inaction politique de ce début de siècle pourra être juridiquement qualifiée de crime contre l’humanité. Demain, ceux qui ont refusé d’écouter Greta Thunberg pourraient bien être entendus par des juges ; certains des jeunes d’aujourd’hui devenus magistrats et qui se souviendront, circonstance aggravante, que ces vieux coupables avaient encore bénéficié les 23 juillet 2019, par la grâce de la naïveté de la jeunesse d’alors, d’une dernière chance. Il leur aurait suffi (de faire semblant) d'écouter, mais même ça, c'était trop leur demander.