Les ivoiriens qui avaient l’air de vivre en harmonie se divisent. Il y a désormais d’un côté les ivoiriens du Sud, dits « de souche multiséculaire », qui peuvent prétendre à tous les droits et ceux du Nord, les « moins ivoiriens » selon les premiers, contraints de prouver leur nationalité. Une politique d’exclusion des Ivoiriens du nord, « l’ivoirité », est instituée dans le but rendre inéligible Alassane Ouattara et l’électorat du nord qu’on lui dit acquise à pratiquement 100%. La nationalité des populations du septentrion ivoirien est subitement considérée douteuse. Tout cela va conduire un groupe de soldats originaires de cette partie du pays à se soulever contre le régime du président henry konan bédié, renversé en Décembre 1999.
La transition militaire qui se met en place à la suite du coup d’Etat, avec pour mission de rétablir tous les Ivoiriens dans leur pleine citoyenneté, est prise en otage par le chef de la junte, le général Robert Guéi. L’exclusion des populations du nord s’accentue.
L’arrivée au pouvoir de laurent gbagbo, en Octobre 2000, n’apporte aucun répit dans le vécu des Ivoiriens du nord, dont la frustration citoyenne se perpétue. La brutalité elle-aussi s’intensifie. Là où la violence était plus psychologique sous bédié, elle devient physique sous le criminel de guerre gbagbo. Les escadrons de la mort sont mises en place. Des ressortissants du nord soupçonnés de sympathie pour Ouattara sont assassinés en masse. Les organisations des droits humains documentent le massacre de plus d’un millier de partisans de M. Ouattara entre Octobre et Décembre 2000. Accusés de délit de faciès et/ou de patronyme, plusieurs centaines de ressortissants Ouest-africains feront eux-aussi les frais de cette folie meurtrière. Sont particulièrement ciblés, les Burkinabés, les Maliens, les Guinéens, les Sénégalais et les Nigériens.
Le 19 Septembre 2002 se déclenche une rébellion née de l’exclusion, des frustrations et de la stigmatisation d’une partie des Ivoiriens, communément appelés "Dioulas". Des réflexions similaires à celles qu’on avance au Cameroun concernant les Bamilékés ou en Guinée à propos des peuls sont publiquement développées : "ils ont déjà le pouvoir économique. On ne va pas en plus leur permettre de détenir le pouvoir politique". La guerre civile qu’a connue la Côte d’Ivoire avait donc des causes purement identitaires et non politiques. Autrement dit, les rebelles n’ont pas pris les armes pour le contrôle d’un pouvoir ou de ressources comme c’est souvent le cas ailleurs, mais bien pour faire reconnaître leur pleine citoyenneté, dans une révolte pour s’opposer à la volonté de faire d’eux des supplétifs citoyens.
Que l’idéal ait été dévoyé en chemin par un guillaume soro dont on découvre aujourd’hui qu’il a au passage fait main basse sur les riches sous-sols du septentrion (Or, diamant, etc.) et qu’il s’est au passage mis plein les poches, cela n’enlève rien à la noble cause que défendaient les combattants de la liberté du nord ivoirien.
Aujourd’hui, la naissance du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix d’Alassane Ouattara, parti politique qui transcende les frontières communautaires dans lesquelles étaient enfermés toutes les formations politiques, est le premier jalon de la création d’une véritable nation ivoirienne.