Contre le féminisme low cost :
Il apparaît plus qu'essentiel aujourd'hui de considérer à nouveau le féminisme en tant que système de pensée, afin d'éviter cetains errements qui ne servent pas cette noble cause.
La préoccupation féministe est revenue sur le devant de la scène avec le mouvement «Me-Too» («Balance ton porc» en France). Ce dernier, par les débordements qu'il a induit, a, à bien des égards, contribué au dévoiement de cette question. Une femme naît nécessairement féministe; même si l'expression de son féminisme originel peut être timide ou limitée par les déterminismes sociaux, économique, politiques et religieux. En effet, à partir du moment où la nature a choisi de nous faire naître femme, à partir du moment où l'on vient au monde avec un vagin, on est féministe. Toutes les femmes savent instinctivement ce qui est juste pour elles.
Lorsque l'on s'intéresse à la question féministe, on peut visiter la poésie de Sappho, poètesse grecque, ou encore Olympe de Gouges et sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne.
Les révolutions de 1789, 1830 et 1848 se sont clairement servies des femmes en s'emparant de leurs combats. Toutefois, il n'y avait pas de volonté sincère de traduire ces revendications par l'édiction de lois ou en promouvant des avancées sociales.
En 1848, « La voix des Femmes » est le premier journal féministe. Le 19 ème siècle a permis la mise en lumière de grandes figures. Il fut un siècle d'absolu; ce n'est pas un hasard s'il fut le siècle du romantisme littéraire et pictural. En ce temps, les femmes appartenant à ce courant de pensée et d'action n'avaient pas grand-chose à perdre. Elles faisaient preuve d'audace et de courage dans l'expression de leurs revendications. Elles n'étaient pas toujours prises au sérieux. Louise Michel, militante anarchiste, était une institutrice particulièrement engagée. Elle souhaitait que les femmes puissent vivre de leur travail, c'est-à-dire, en recueillir les fruits sans confiscation masculine.
Il y a eu quatre vagues féministes. La première fut marquée par les suffragettes. Les femmes obtiendront le droit de vote en 1944.
La deuxième vague correspond aux années 1970. Les femmes luttent alors pour la maîtrise de leur corps. Les écrits de Simone de Beauvoir et l'avènement du MLF (Mouvement de Libération de la Femme) ont permis de conceptualiser et de théoriser la pensée féministe. L'essai «Le Deuxième Sexe», publié en 1949, marque un tournant majeur en distinguant la femme et la mère. Il faut saisir que la femme ne doit pas s'éteindre dans la mère. Les idées marxistes conduisent à une transposition de la lutte des classes en lutte des sexes.
En 1971, le Nouvel Observateur publie «Le manifeste des 343 salopes», dans lequel des femmes célèbres avouent qu'elles ont eu recours à l'avortement. Le 17 janvier 1975, l'avortement est légalisé par Simone Veil, après des années de luttes et de manifestations.
Au sein de cette vague, deux courants émergent. Le féminisme essentialiste qui explique que les différences biologiques et psychologiques sont innées, mais qu'elles ne doivent pas servir à justifier la domination. Pour les adeptes du courant constructiviste, le genre est une construction que l'on ajoute à notre sexe biologique. On assiste alors à un glissement vers le matérialisme marxiste.
La troisième vague débute dans les années 1980. Elle met fin à une certaine forme de radicalisation. Elle fut marquée par l'introduction du dialogue homme-femme et par la remise en cause du genre par la déconstruction des rôles genrés. La pensée féministe est influencée par les travaux de Foucault sur la sexualité qui mettent en exergue le renversement du lien entre sexe et genre: ce sont avant tout les rapports de force inégaux entre les hommes et les femmes, autrement dit les relations de genre qui ont conduit à l'apparition d'une bipolarisation sexuelle susceptible de rendre naturelle et donc légitime la répartition des rôles selon les sexes.
La quatrième vague féministe qui débute en 2012 est caractérisée par la résurgence de l'intérêt pour le féminisme; elle est associée à l'utilisation des médias sociaux. Elle se focalise sur le harcèlement de rue, les agressions sexuelles ou encore la culture du viol. Cette vague est marquée par la multiplication des scandales sexuels autour de personnalités qui ont profité de leur position pour imposer des relations sexuelles. Le point d'acmé de cette dernière vague est le mouvement «Me Too» à partir de 2017.
Le concept de sororité revient à la mode, presque en opposition avec le concept de fraternité universelle. Julien Bayou a t-il été sacrifié sur l'autel de la sororité et d'un vilain calcul politique ? Mais de quoi est-il accusé au juste? D'avoir une vie privée qui devait le rester? La vie privée n'est, par définition, pas politique. Assurément les hommes politiques sont tenus à un devoir d'exemplarité. Néanmoins, s'ils ne doivent pas être au-dessus des lois, et bien, ils ne doivent pas davantage être au-dessous! La question se pose bien entendu de la légitimité de ces cellules internes aux partis politiques auprès desquelles certaines anciennes compagnes s'épanchent en confidences.
Nous avons la chance de vivre dans un Etat de droit où le principe de la présomption d'innocence et celui du débat contradictoire doivent conserver toute leur vigueur. En effet, Julien Bayou n'a jamais été convoqué par cette fameuse cellule pour livrer sa version des faits.
Il est plus qu'évident que Louise Michel et Hubertine Auclert, pour ne citer qu'elles, ne se sont pas contentées de donner leurs noms à des établissements scolaires. Celles qui correspondaient avec Victor Hugo étaient parvenues à théoriser la question féministe à mille lieues des délires sur la question du barbecue en tant qu'outil d'expression de la virilité et partant de l'oppression.
Il faudrait peut-être conseiller aux politiques de ne plus déambuler dans les enseignes de bricolage les fins de semaine afin d'éviter de tels égarements ? La fréquentation des bibliothèques et des librairies semble bien plus indiquée pour revenir aux fondamentaux. La cause féministe gagnerait à se concentrer notamment sur les combats suivants :
-L’égalité salariale
-La nomination des femmes à des postes de direction dans les entreprises privées et les -administrations
- éviter de suspecter les femmes qui sollicitent une ordonnance de protection; elles ne cherchent pas nécessairement un bénéfice secondaire (obtention d'un titre de séjour)
-Un double contrôle des classements sans suite en matière des violences faites aux femmes
-La généralisation des téléphones grand danger
-L’accroissement des places dans les foyers d'urgence
-La facilitation de l'attribution des logements sociaux
-la majoration des unités de valeur pour les avocats défendant les femmes battues au titre de l'aide juridictionnelle
-Une meilleure préparation des médecins pour les examens gynécologiques...
- en finir avec le syndrome méditerranéen : les femmes africaines ont un seuil normal de tolérance à la douleur, à l'instar de toutes les femmes. Elles méritent donc la même attention et les mêmes soins.
Le combat féministe nous exhorte à nous tourner aujourd'hui vers ce que nous enseigne le combat des femmes iraniennes et à promouvoir la panthéonisation de Gisèle Halimi.
Saliha SADEK,