Dans son blog du 27 décembre 2016, J.M. Matagne, président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire[1], avait signalé que le 23 décembre 2016 l’Assemblée générale de l’ONU a adopté en séance plénière, avec 113 voix pour contre 35 et 13 abstentions, la résolution L41 pour le désarmement. Cette résolution «sur l’avancement du désarmement nucléaire multilatéral » convoque à New York du 15 juin au 7 juillet 2017 la «conférence ONU pour la négociation d’un instrument juridiquement contraignant d’interdiction des armes nucléaires, conduisant à leur élimination totale, avec la participation et la contribution d’organisations internationales et de représentants de la société civile».
Comme le remarquent quelques (rares) experts dont Marc Finaud[2], le thème de la dissuasion nucléaire et cette échéance ont été ignorés pendant la campagne électorale française. Ainsi que les pays de l’OTAN, tous obéissant aux ordres des Etats-Unis, et les autres puissances nucléaires, la France boycotte ces négociations après avoir méprisé les initiatives visant à attirer l’attention sur les risques de catastrophe humanitaire que présentent les quelque 15.000 armes nucléaires dans le monde. Rappelons que Etats-Unis, Russie, France et Grande-Bretagne sont tous signataires du Traité sur la Non-Prolifération (TNP), dont l’article 6 leur fait obligation de négocier l’élimination complète de leurs armes nucléaires; Israël, qui n’est pas partie au TNP, a suivi le choix du boycottage de la conférence de ces quatre puissances nucléaires, alors la Chine (signataire du TNP), l’Inde et le Pakistan se sont abstenus. La Corée du Nord, sortie du TNP, a voté pour (tout en se dotant d’armes nucléaires).
Les Etats-Unis et la France ont continué à faire pression sur les pays OTAN, car même si aucun Etat nucléaire ne devait signer le traité, celui-ci pourrait être adopté par l’ONU selon la règle de la majorité et non celle de l’unanimité, stigmatisant les armes nucléaires et plaçant les Etats qui en détiennent au ban de l’humanité.
Le vote historique de l’ONU pour cette conférence est contre Poutine et Trump qui ont annoncé leur volonté d’une nouvelle course aux armements nucléaires et aussi contre les autorités françaises qui ont affirmé leur intention de conserver et de développer l’armement nucléaire français (le chef d’état-major de l’armée française en a proclamé la nécessité). Et quand il était chef du gouvernement Manuel Valls a vanté de «faire la course en tête pour les technologies de la dissuasion» doublant le budget de la force de frappe, passé sans débat à 6 milliards d’euros par an, en vue de la moderniser. M. Macron, avec ses premiers pas dans sa fonction de président, semble avoir rassuré les tenant de ces choix militaires.
Et pourtant depuis Mars 2012 un sondage Ifop/Mouvement de la Paix (en partenariat avec Témoignage chrétien et l’Humanité) avait montré que 81 % des Français souhaitent le désarmement nucléaire de la France[3]. Une large majorité des Français (73 %) estime que la part du budget de l’État accordé à la Défense est trop important.
La Croix Rouge, le Croissant Rouge, les ONG participant à la Campagne Internationale contre les Armes Nucléaires (ICAN), nombre d’autorités religieuses (le pape François, le Conseil œcuménique des Eglises, l’Assemblée des évêques américains...), 7.000 villes membres des "Maires pour la Paix", l’association des maires des Etats-Unis et de nombreux parlementaires à travers le monde et même le Parlement européen le 27 octobre 2016 s’étaient prononcé à une très large majorité pour la résolution L41. En France, plus de 100 parlementaires avaient soutenu la proposition de loi visant à organiser un référendum sur la question: «Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des Etats concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace?». Mais la campagne en faveur de ce référendum semble oubliée dans les élections présidentielle et législatives de 2017.
Le 27 mars 2017 L’association Puhwash France signalait que “plusieurs média Français et francophones parlent de désarmement nucléaire ces jours-ci[4].
En Avril 2017 22 personnalités ont interpellé le futur Président de la République pour que la France agisse vraiment en faveur d’un désarmement nucléaire multilatéral ; parmi eux l’ex-ministre de la défense Paul Quilès, Alain Joxe, deux généraux des forces armées, des éminents académiciens et aussi l’actuel ministre N. Hulot.
Lors de la conférence organisée par IDN – Initiatives pour le Désarmement Nucléaire le 23 janvier 2017 à l’Assemblée Nationale on s’interrogeait sur la “nouvelle course aux armements”[5]. Selon Lord Brown, vice-président de Nuclear Threat Initiative (NTI), nous vivons actuellement une inquiétante nouvelle course aux armements: «Si nous regardons la situation des 9 États dotés de l’arme nucléaire, presque tous sont en train de moderniser certains aspects de leur capacité nucléaire». Malgré les paroles de Barack Obama à Prague en 2009 où il avait exprimé son vœu d’un monde sans armes nucléaires, rien de concret n’a été fait dans ce sens et cela permet à Trump de relancer la menace de la guerre nucléaire ainsi que des crimes humanitaires allant contre les accords COP21. Et pourtant en janvier 2017 aux Nations Unies le président chinois affirmait: «les armes nucléaires devraient être totalement interdites et détruites pour accéder à un monde débarrassé des armes nucléaires et respectueux des droits de chaque nation».
Comme le souligne Finaud (cité), il est choquant de voir le représentant de la France aux Nations unies s’afficher aux côtés de l’Ambassadrice de Donald Trump à New York pour boycotter les négociations pour le désarmement nucléaire. Dans les faits, la ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le démantèlement de manière irréversible du centre d’essais français et de ses installations de production de matières fissiles et son engagement aux termes de l’article VI du Traité de non-prolifération (TNP) apparaissent un leurre car la France n’a jamais accepté de négocier le désarmement nucléaire dans un cadre multilatéral. Les seuls accords qu’elle a accepté de négocier n’ont entraîné aucune réduction de son arsenal et ne visent que la non-prolifération.
Comme le soulignent les deux derniers Livres blancs, et avec plus de rigueur les analyses des experts les plus attentifs à l’échelle mondiale, dans l’actuelle conjoncture, les plus graves insécurités qui menacent la grande majorité des populations de tous les pays proviennent de la diffusion des cancers et maladies dues à la pollution, aux accidents du travail, aux désastres sanitaires-environnementaux, technologiques et industriels, au changement climatique et ensuite au terrorisme, aux cyber-attaques, à la criminalité organisée etc. Mais aucune de ces menaces sauraient être dissuadée par l’arme nucléaire qui est une arme du passé. Comme l’a souligné Bruno Latour et avant lui nombre de chercheur dont Alain Joxe, la folie de la compétition nucléaire a poussé à dépenser des trillions de dollars alors que le monde entier avait besoin d’assainir les situations à risque de désastres sanitaires-environnementaux, les effets de l’Anthropocène et aussi les risques économiques, sociaux, culturels et politiques qui ont généré le terrorisme. Nombreux sont les informations de sources sérieuses qui montent comment depuis 1990 les principales puissances militaires du monde ont favorisé la reproduction des guerre permanentes, des terrorismes et la transnationalisation de la criminalité organisée et de ses entrelacements avec les différentes activités légales et semi-légales.
A la traine des puissances nucléaires l’Europe continue à s’engouffrer dans le chemin de la destruction permanente qui de fait cherche à imposer Trump pour une maximisation des profits hic et nunc au mépris du futur même de l’humanité.
[1] https://blogs.mediapart.fr/jean-marie-matagne/blog/271216/lonu-convoque-en-2017-des-negociations-pour-interdire-les-armes-nucleaires
[2] http://www.idn-france.org/2017/05/tribune-dissuasion-nucleaire-les-cinq-contradictions-francaises/
[3] http://www.sortirdunucleaire.org/Nucleaire-La-France-sans-la-bombe
[4] http://pugwash.fr/2017/03/la-presse-francaise-parle-de-desarmement-nucleaire/
[5] http://www.idn-france.org/2017/06/vers-une-nouvelle-course-aux-armements/