salvatore palidda

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Billet de blog 11 juillet 2024

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Macron écris contre le mandat populaire; mais celui-ci ne peut pas être trahi

Macron romps son silence avec une lettre apparemment générique, mais comme prévisible, il y propose une coalition avec tout d’abord son parti et non pas en premier le Nouveau Front Populaire, mais le LR. En réalité il n’arrête pas d’envisager de bâtir des magouilles et pas une vraie majorité effectivement démocratique solide et plurielle. Il veut bafouer le mandat populaire

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Trois jours après les élections anticipées, Macron romps son silence avec une lettre aux Français.

Apparemment générique, comme était bien prévisible, dans cette lettre Macron pose la condition sine qua non, c.-à-d. sa proposition d’une coalition qui, si exclut mais pas explicitement le parti de Le Pen-Bardella, devrait inclure tout d’abord son parti (Ensemble) et les forces politiques “républicaines” que selon lui sont non pas en premier le Nouveau Front Populaire (NFP), mais la droite traditionnelle (Les Républicains-LR).

Rappelons que le NFP a eu195 sièges (inclus les 13 élus sous l’étiquette Gauche), Ensemble, 163, le parti de Le Pen-Bardella (RN) 143, la droite LR 43 et les autres de droite 14. Il n’y a pas de majorité qui doit avoir 289 sièges.

Entretemps on apprend qu’il y a eu des “diners cordiaux”, rencontres secrètes entre macronistes, Le Pen et Bardella dans maison parisienne du conseilleur de Macron, Thierry Solère). On comprend que dès son choix d’élections anticipées, Macron a commencé ses jeux pséudo-machiavelliens.

Le premier à réagir parmi les principaux  leaders du NFP, qui sont unanimes dans la critique dure de la lettre de Macron, a été Mélenchon: “Macron doit s’incliner face à la victoire du NFP”; il “refuse de reconnaitre le résultat des urnes et estime que personne a gagné faisant appel aux forces politiques républicaines à bâtir une majorité solide et plurielle. C’est le retour au droit de veto régalien sur le soufrage universel; Macron se donne du temps pour former une autre coalition à travers magouilles. C’est le retour aux intrigues de la IVème République. La démocratie implique simplement qu’il s’incline.

Selon Olivier Faure, “Les français ont fait un choix et Macron doit le respecter nommant un premier ministre du Nouveau Front Populaire. Le peuple français a parlé et il faut respecter son choix. On sait qui a perdu mais le chef de l’Etat affirme que personne n’a gagné”. Faure a répété qu’il est prêt à assumer la charge de chef du gouvernement s'il y aura consensus de tout le NFP et a réaffirmé que n’a aucune réserve par rapport à La France Insoumise: “j’ai fait le choix de l’union (de la gauche) et je ne bouge plus”.

Dans son entretien avec Médiapart, la présidente sortante du groupe parlementaire écologiste, Cyrielle Chatelain a dit: “Macron nie la victoire du NFP, une preuve de plus de sa déconnection”. “Il privilégie les petits calculs au mépris de l’intérêt général” et nie que son parti a été battu soit aux européennes qu’aux législatives”. Faisant appel à l’“esprit de dépassement”, et au dialogue entre les “forces politiques républicaines”, Macron essaye de diviser le NFP envoyant messages su la tri à faire entre ceux qui seraient les républicains et les autres.

Les mêmes considérations ont été livrées par la députée Clémence Guettée (La France insoumise), l’eurodéputée Manon Aubry (LFI) et meme le dissident de LFI François Ruffin qui dénonce aussi l’arrogance et l’abus de pouvoir de Macron. Et à eux s’ajoute aussi Marine Tondelier.

Ce sont les droites à souhaiter des alliances programmatiques au sein d’une coalition qui devrait exclure La France insoumise” (notamment Darmanin). Mais il y a aussi des députés d’Ensemble qui seraient prêts à gouverner avec le NFP.

Enfin, la lettre de Macron a suscité seulement des réactions négatives à gauche mais aussi à droite meme si LR rêve de gouverner avec Ensemble mais ils n’auraient que 206 députés.

La situation reste doc assez incertaine. Mais rien n’exclut que le NFP puisse arriver à une proposition de premier qui pourrait être acceptable, par exemple celle de Mathilde Panot qui a été l’artisane de la création du NFP ainsi que les leaders des socialistes des écologistes et des communistes. Et il n’est pas non plus à exclure que à cette proposition puissent s’ajouter les noms de Faure et de Tondellier comme premiers adjoints. En autre il pourrait être possible l’offre du NFP de quelques ministères aux députés d’Ensemble élus avec la désistance des candidats du NFP. Évidemment cette hypothèse serait difficilement acceptée par Macron qui craint tout d’abord les intentions présentes dans le programme du NFP (abrogation de la loi sur l’immigration, abrogation de la réforme des retraites, abolition des autres lois sécuritaires et aussi contre les français d’origine étrangère, abrogation de la réforme de l’école, l’impôt sur les grandes fortunes, l’augmentation à 1600 euros du SMIG, la nette renonciation aux ambitions bellicistes et autres mesures encore.

Donc tout reste en suspens tandis que Macron cherchera encore de diviser le NFP, de combiner magouilles parce qu’il est toujours convaincu de reprendre en main la domination que le présidentialisme alimente jusqu’à lui faire croire d’être une sorte de nouveau Roi soleil qui peut se permettre de bafouer à son grès le mandat populaire.

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