Le 12 décembre 1969, des fascistes couverts par des agents des services secrets faisaient un attentat à la bombe dans une banque à côté de la cathédrale de Milano, provoquant 17 morts et 88 blessés. Ce fut le premier massacre d'État, c'est-à-dire le premier attentat à la bombe de fascistes protégés et nourris par des agents des services secrets italiens et la CIA américaine.
Des attaques ont suivi, parmi lesquelles les plus graves ont eu lieu en 1974 sur la place principale de Brescia et sur le train Italicus, ensuite en 1980 à la gare de Bologne (85 morts) et encore dans d'autres lieux. Des enquêtes indépendantes et des enquêtes du tribunal de Milan ont confirmé, sans aucun doute, que l'État est responsable de ces massacres et nombre de crimes, car directement impliqué avec les services secrets et en tout cas couvrant les auteurs fascistes; derniers exemples Ustica, Casalecchio de Reno, la mort d'Ilaria Alpi, les navires des réfugiés éperonnés en Adriatique etc.: des crimes de guerre et «de paix», toujours avec la même logique de la domination à tout prix contre les luttes ouvrières et populaires pour la démocratie et moins d’injustice sociales (voir l’enquête du livre La strage di Stato et nombre de documentaires). Celui d'il y a 50 ans à Milan a été donc considéré comme "la mère de tous les massacres", "le premier acte terroriste le plus perturbateur depuis 1945", "le moment le plus incandescent de la stratégie de tension" et le début des "années de plomb". Les attaques terroristes de ce jour-là ont été cinq, concentrées en seulement 53 minutes à Rome et à Milan. Mais avant le massacre à la Banca de Milan, en 1964, le général De Lorenzo avait organisé ce qui fut la première tentative de coup d'État et après un certain nombre d’officiers des forces armées ont réorganisé un réseau fasciste qui visait à nouveau le coup d'État (voir "Rosa de venti").
Chaque fois, après les massacres, une partie importante des services secrets a été particulièrement active dans le dépistage des enquêtes judiciaires pour empêcher la découverte des auteurs et surtout des mandants. La première imposture criante a été précisément à Milan quand ils ont fait dire aux médias que le terroriste qui aurait mis la bombe était le danseur anarchiste Valpreda et que le cheminot Pinelli, jeté par la fenêtre du commissariat de Milan et fait passé par suicide, était son complice. L'enquête des juges pour a donc été détournée pour inculper ces innocents pour protéger les auteurs et les mandants. En juin 2005, la Cour de cassation a établi que le massacre était l'œuvre d'un "groupe subversif créé à Padoue dans le cadre du fasciste Ordine Nuovo, dirigé par Franco Freda et Giovanni Ventura, mais ceux-ci ne pouvaient plus être jugés responsables car auparavant ils avaient été acquittés du jugement définitif par la Cour d’assises d’appel de Bari. Les auteurs des faits sont donc restés impunis. Le secret d'État toujours invoqué par les autorités politiques et les forces de police pour chaque enquête sur les différents massacres (même jusqu'au crime de Moro) a donc été l'arme pour empêcher la vérité judiciaire alors que celle politique, c'est-à-dire la contre-information, est incontestable.
La raison des massacres d’Etat
La raison évidente des massacres est qu'à partir des années 1960 et en particulier après 1968 les luttes des étudiants, des ouvriers et populaires, les rapports de force en Italie avaient changés: les patrons et les différents groupes de pouvoir se sentaient alors en danger de risquer de perdre le pouvoir de la surexploitation et donc de trop céder aux exigences du mouvement syndical et populaire (Pasolini dans son célèbre article Je sais, le 14/11/1974, avait écrit «je sais qui sont les responsables de la tentative de golpe/putsch»). Rappelons que c'est grâce à ces luttes que les grandes réformes démocratiques des années 1970 et 1980 ont été conquises (statut des travailleurs, droit à l'avortement volontaire, droit de divorcer, démilitarisation de la police d'État, démocratisation de la gestion des entreprises et des organismes publics - nombreuses conquêtes pour la plupart érodées par le développement libériste mondialisé des trente dernières années). En particulier, la droite italienne, y compris au sein du DC, soutenue par les services secrets américains, avait choisi de réagir avec une violence extrême pour empêcher la formation d'une coalition gouvernementale DC-PSI-PCI-PRI, autrement dit une orientation favorable à une politique économique et sociale, à la redistribution progressive et donc moins inégale de la richesse publique. Et c'est pour cette même raison que les services secrets ont également manipulé l'enlèvement de Moro en empêchant de lui sauver la vie. En d'autres termes, il existe un fil noir qui relie les massacres de l'État aux services secrets qui ont soutenu les fascistes et les complots noirs au sein des forces armées et de la police avec la collaboration de la mafia et de la maçonnerie et le soutien de la CIA.
Le rappel du massacre du 12 décembre 1969 signifie donc faire appel à la résistance face aux menaces de la dérive fasciste toujours présente dans une pseudo démocratie qui coexiste avec son hétérogénèse, c'est-à-dire avec les dérives réactionnaires désormais masquées dans des partis qui invoquent clairement les orientations fascistes-racistes-sexistes, les souverainisme-populisme et aussi les libéristes de l’ex-gauche qui légitiment les catastrophes sanitaires et environnementales et le néo-esclavagisme. Le même dépistage qu’il y a 50 ans avait été employé par les autorités politiques et de police aujourd’hui est employé pour occulter les responsabilités des désastres sanitaires-environnementaux qui font milliers de morts à cause de contaminations toxiques dans toute l’Italie ; de me en va pour ce qui est des responsabilités des économies souterraines qui produisent néo-esclavagisme et même fraude fiscale, corruption et collusions avec les mafias dans un pays où l’endettement provoqués par les dominants continue à être déchargé sur le dos des contribuables.