salvatore palidda

Professeur de sociologie à l'université de Gênes (Italie)

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Billet de blog 26 février 2024

salvatore palidda

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Italie : grande mobilisation populaire contre les brutalités policières

A Pise flics déchaînés contre les très jeunes étudiants manifestant. Mais le soir même, parents, enseignants et citoyens ont rempli la place principale de la ville pour protester contre le gouvernement néo-fasciste qui prétend interdire toute manifestation. La mobilisation s’est répétée dans plusieurs villes. C’est le début de la Résistance pour abattre le pouvoir néofasciste.

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Les sbires servant du ministre de l’intérieur Piantedosi, de Meloni, Salvini et Crosetto croyaient pouvoir continuer aisément la pratique habituelle de la brutalité policière pour nier toute protestation et résistance à leur régime de « fascisme démocratique » (rappelons que ce gouvernement n’a que seulement 27% des ayants droit de vote). Mais, le soir même la majorité de la population pisane (pas seulement les étudiants, mais aussi les familles, les enseignants et même le recteur de l'université) s’est mobilisée dans une grande manifestation contre cette brutalité. C’est sans doute cette mobilisation, ensuite étendue dans d’autres villes, qui a poussé le président de de la République Mattarella -presque toujours muet- à réprimander Piantedosi en lui rappelant que tabasser des très jeunes étudiants est un échec. Ce ministre de l'Intérieur (il a toujours défendu les dirigeants de la police condamnés pour les brutalités et tortures au G8 de Gênes et a fait carrière en tant que fidèle servant de l’alors chef de la police De Gennaro) répond simplement "Nous évaluerons les excès". Mais tout de suite a ajouté : "le gouvernement n'a pas changé les règles de gestion de l'ordre public", car "il n'a aucun intérêt à empêcher l'ordre, au contraire il veut assurer l'expression maximale des libertés des citoyens de manière ordonnée et pacifique" (c.-à-d. l’ordre de la paix mussolinienne, soit zéro protestation !). Assumant à sa façon pleinement son rôle, il proclame d’être disponible à en débattre au Parlement" mais « à condition qu'il s’agira d’un débat serein et constructif, et pas avec préjudices et discrédit de l'action du gouvernement et des forces de police" (c'est-à-dire uniquement en accord avec lui et son gouvernement exactement comme dans le régime fasciste !). Selon lui, depuis le 7 octobre jusqu’à aujourd'hui, seulement 3% des manifestations se sont terminées par des affrontements car "nos forces de police sont équipées pour accomplir leur tâche conformément à nos caractéristiques de pays mature et démocratique... elles sont parmi les meilleures du monde … » Tous les leaders des trois partis du gouvernement (Frères d'Italie, Ligue et Forza Italia) se sont empressés à défendre à tout prix les forces de police : une attitude visant à contrer la prise de parole du président Mattarella dont ces néofascistes voudraient se débarrasser au plus vite. Salvini (le chef de la Ligue qui désormais joue toutes les occasions pour se montrer le plus à droite de tous) a crié "Quiconque met une main sur un policier ou un carabinier est un criminel!".

Comme le rappelle la juriste Alessandra Algostino dans “il manifesto” et dans Osservatorio Repressione.info, « ça devient une constante inacceptable : hier à Pise, Florence, Catane ; il y a quelques jours dans devant la Rai, à Naples, Turin et Bologne. La dérive autoritaire prend son aspect institutionnel dans la réforme du pouvoir qui selon la cheffe du gouvernement Meloni devrait lui donner la primauté absolue par rapport à toutes les autres autorités publiques et maintenant se manifeste sur les places avec la violence de la part des forces de police, dans les tribunaux avec la répression de la dissidence, dans l'espace public avec l'expulsion de la pensée divergente. C'est un file noir celui de la répression de la dissidence qui lie les décrets sécuritaires qui se succèdent sans interruption, normalisant, avec un oxymore, les prétendues urgences et stabilisant les exceptions (violations) des droits ; des pratiques de poursuites judiciaires qui considèrent la protestation comme subversive pour la démocratie ; les arrêts de la justice civile et administrative infligeant des compensations à ceux qui contestent les choix politiques ; les mesures prises par les préfets et les commissaires de police qui privent les espaces publics des manifestations et interdisent les écologistes pour des actions de désobéissance civile ; limitations en cas de grève ; de nouveaux crimes et sanctions pour dissidence, malaise social et solidarité ; dispositif d’interdiction de participer aux manifestations (daspo urbain) au nom de la protection du décor des villes".

Comme nous l'avons raconté même en détail depuis 2001, à la fois quotidiennement sur le site Osservatorio Repressione.info et dans le livre 20 ans après les brutalités policières du G8 de Gênes. Forces de police italiennes entre sécuritarisme et insécurités ignorées, depuis 2001 jusqu’à aujourd'hui, il y a eu un continuum de brutalités policières et de tortures policières.

Non seulement avec les morts et les tortures de masse dans plusieurs prisons, dans des casernes des carabiniers, dans les commissariats de police et aussi dans les commissariats des polices municipales, ainsi que dans les rues, contre les immigrés, les Roms et même des Italiens, des déviants présumés, des résistants ou des subversifs présumés et même contre des clochards. Cette continuité de pratiques de brutalité systématique s’est reproduite grâce à la scélérate dérive néolibérale de l’ex-gauche qui de fait a pavé la voie au gouvernement fasciste aujourd’hui au pouvoir. L’impunité des responsables des multiples brutalités et tortures a presque toujours été garantie ! Et, ça va sans dire, ce gouvernement espère faire encore plus et essaie donc d'exploiter chaque opportunité pour atteindre son ambition d'avancer rapidement vers l'instauration complète d'un régime qui rappelle les vingt années de fascisme, mais dans une perspective néo-libérale, avec la prétention d'agir au nom du peuple, c'est-à-dire élu "démocratiquement", sans qu'il soit nécessaire de recourir à un coup d'État ou à une nouvelle marche sur Rome.

Mais voilà que Pise puis Florence, Milan, hier aussi à Rome et ailleurs ont enfin commencé à démontrer que ces épigones des leaders des vingt ans fascistes NE PASSERONT PAS ! Si jusqu’ici on a eu l’impression que la résistance à ce gouvernement n’était qu’isolée, occasionnelle et incapable de convergences, une mobilisation collective semble enfin se profiler. Si cette mobilisation continue à se répéter, ce gouvernement ne pourra pas durer, on découvrira qu'il repose sur le consensus d'une minorité qui a profité de la conjoncture défavorable à la résistance. Et les raisons de la multiplication de celles-ci ne manquent pas. Meloni-Salvini-Tajani et la panoplie des ministres de l’actuel gouvernement, tous retranchés dans l'arrogance des squadristes, avec le style lumpen fasciste, ne font que produire des amendements, des décrets et des lois pour favoriser leurs amis et fidèles, fraudeurs fiscaux, sur exploiteurs des travailleurs contraints à des emplois de faux précaires et au travail au noir, et à protéger les boss de la santé privée, les lobbys de l'armement, les spéculateurs des grands travaux. L’Italie croule sous les risques de délits environnementaux, d’accidents du travail et d’une mortalité accrue due aux contaminations toxiques. Mais le forces de police ne sont incitées qu'à tabasser, à persécuter les Roms, les immigrés, les déviants présumés et les subversifs présumés ainsi qu'à tabasser les étudiants. Les agences de prévention et contrôle ont été réduites à presque rien et systématiquement sabotées par le gouvernement: de 1.149 postes d'inspecteurs techniques mis en appel d'offres pour le recrutement, seuls 670 ont été pourvus, tandis que de 2.300 inspecteurs ordinaires seulement 1.600 sont opérationnelles et le reste est employé comme personnel administratif ... ce sont les chiffres pour le toute l'Italie ! A Florence il n'y a qu'un seul inspecteur technique ... le désastre de 5 morts sur le chantier du supermarché Esselunga n'est donc pas surprenant - il faut noter que sur les cinq morts 4 étaient immigrés étrangers et on dit qu'ils ont été contraints de restituer une partie de la solde au caporal. Un pays dans lequel, comme observe Eurispes (une institution privée qui travaille pour l’État) : « L'économie globale 'non observée' a généré environ 530 milliards d'euros, soit 35 % du PIB officiel (qui est d'environ 1.540 milliards). A cela s'ajoute l'économie criminelle qui est estimée à environ 200 milliards, souvent recyclés dans l'économie légale". Un univers d’économies souterraines toujours entremêlé aux économies dites légales. Mais, ce n’est pas un hasard que ce gouvernement a pris des mesures pour assouplir les contrôles et saboter ou éviter l'action des agences de prévention et de contrôle et celle que devraient accomplir les forces de police locales et nationales. Ainsi, on a invariablement une prolifération des insécurités ignorées (voir le livre auparavant cité).

Le soutien de toutes les Résistances, de toutes les protestations et mobilisations contre ce gouvernement des harcèlements et des brutalités policières pourrait le faire tomber,

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