salvatore palidda

Professeur de sociologie à l'université de Gênes (Italie)

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Billet de blog 29 octobre 2024

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Italie/Ligurie: élection et répétition du triomphe du fascisme «démocratique»

Aux élections régionales en Ligurie n’a voté que 46% des électeurs mais cela arrange bien la minorité des droites qui avec 21% pourra gouverner tout comme le gouvernement Meloni gère le pouvoir à son grès avec le 27% des ayant droit de vote. Ainsi les partis ont moins de clientèle à entretenir, à contrôler et à arroser avec des faveurs : c’est la manne du fascisme "démocratique".

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Le 27 et 28 Octobre 2024 on a eu les élections régionales anticipées en Ligurie à la suite de la démission obligatoire du président des droites, Toti, condamné pour corruption aggravée. La cheffe du gouvernement néofasciste Meloni craignait une défaite et a imposé la candidature du maire de Gênes, Bucci, notamment compagnon de Toti. Un pari risqué mais en meme temps un coup de force pour montrer que les droites sont bien installées au pouvoir partout en Italie et peuvent se permettre de défier la morale légaliste. Mais surtout un pari pour renouer avec le jeu politicien devenu habituelle en Italie, à savoir on peut gagner avec une minorité de suffrages des ayants droit de vote tout comme est le cas de l’actuel gouvernement qui n’a que 27,6% des ayant droit de vote et gouverne depuis deux ans suivant des choix de politique économique, sociale et internationale carrément réactionnaires (voir les dossier de Médiapart ici).

Seuls 45,96 % des électeurs ont voté e Ligurie, un pourcentage encore plus faible que lors des élections précédentes. En réalité c'était très bien prévisible. Depuis au moins 40 ans, la droite et l’ancienne gauche privilégient l’abstentionnisme parce que tous les partis ont intérêt à réduire l’électorat pour avoir moins de clientèle à cultiver, moins de voix à acheter et à contrôler, moins de faveurs à distribuer. Ainsi, avec une minorité de voix de ceux qui en ont le droit, les partis peuvent gouverner et faire et défaire ce que vous veulent. Entretemps, les électeurs, notamment ceux de la vieille gauche, sont tellement dégoûtés qu’ils ne votent plus, à l’exception de quelques ignobles passés à droite.

La Ligurie a été l'une des premières régions à expérimenter cette pratique politique qui a ouvert la voie au fascisme « démocratique », voir au gouvernement Meloni. Lors des élections précédentes, Toti et Bucci ont été élus avec 21 ou 22 % ; pareil dans la Latium, en Émilie-Romagne, etc.

Un ouvrier de Gênes, sortant de l'usine après les élections de 2020, a dit presque en pleurant : « C'est terrible, mais pour qui dois-je voter ? Il n'en reste plus de gauche ».

En Ligurie, c'est surtout l'électorat de la gauche historique qui n'a pas voté depuis environ 40 ans parce que dégouté, humilié, réduit à l’impuissance face à un pouvoir local imposé par la troïka génoise, c.-à-d. l’entente de fer entre les droites, l'ex-gauche et l'Opusdei. Ce fut le triomphe de cette troïka des mastrussi (magouilles et illégalismes de toutes sortes y compris les collusion avec les mafias. Ils étaient unanimes sur tout ce qui profite aux grandes entreprises et aux banques, à savoir les grands travaux, la spéculation sur la santé publique alors que les malades ne peuvent plus être soignés, la dégradation des conditions de vie et de travail de la majorité de la population ainsi que l’augmentation des risques de maladies dues à une contaminations toxiques et à la dévastation de l’écosystème (voir "Gênes une histoire de gloires et de crimes politiques aux dépens des habitants et du territoire).

Le Parti démocrate (PD, l’ex-gauche) était convaincu qu'il pouvait réussir après le scandale qui a amené en prison le chef de la droite Toti toujours compagnon de Bucci. Mais pourquoi les abstentionnistes auraient-ils du soudainement revenir aux urnes? La liste de la gauche liée à celle du PD semblait pouvoir atteindre un bon succès. Mais une tendance qui dure depuis plus de 40 ans ne se renverse pas dans une campagne électorale dans laquelle, par ailleurs, le candidat du PD Orlando n'a jamais renié le passé dans lequel le PD du gouvernement régional a pratiqué ce qu'il Toti a fait sans vergogne (magouilles et illégalismes en entente avec des patrons du port et d’autres). Le Pd n’a jamais renié le pouvoir de la troïka Opusdei-droites et ex-gauche.

Et voilà que les partis de droite ont rassemblé pour Bucci les voix de leur électorat sûr, qui ne représente environ 20% des ayants droit de vote : la Ligurie n’est pas de droite, mais un région d’abstensionnistes tout comme le reste de l’Italie. La liste Orlando (PD) plus Cinquestelle et la liste des gauches ont eu presque le même résultat mais n'ont récupéré point les abstentionnistes de ces 30 dernières années. Un dissident des Cinquestelle et le candidat des gauches Rifondazione+Potere al Popolo+PCI ont obtenus 0,87% et 0,85%. Mais ce n’est pas à cause d’eux que Orlando n'a pas gagné. Ce 1,72% d'électeurs n'est pas du tout sûr qu'ils auraient voté Orlando er celui-ci quelle victoire auraient-ils remportée si ce n’était que la victoire d’une minorité de ceux qui ont le droit de vote?

Cependant, la minorité qui a fait gagner Bucci suffira pour avoir le droit de gouverner la région et de faire et défaire ce qu'elle veut, toujours en accord avec l'Opusdei et en récupérant peut-être une partie des rangs du PD. En réalité ça fait plus de 20 ans qu’en Italie la gauche n’arrive pas à avoir un minimum de succès aux élections, il n’y a rien de comparable à ce qu’est le Nouveau Front Populaire en France. Donc on a vu un énième échec de l'improvisation habituelle des résidu de la gauche qui insiste sur le rejet de la nécessité à moyen et long terme de reconstruire la gauche à partir de zéro. Peut-être que cela prendra des années et des années, peut-être comme ce fut pour vingt ans de fascisme mussolinien.

La minorité des ayants droit de vote qui ont élu Bucci dépasse la liste d'Orlando d'un peu plus de 8 500 voix, deux minorités qui ensemble représentent environ 42 % des ayants droit de vote. Bucci gouvernera donc avec 21% des votants. C’est la parodie de la pseudo-démocratie qui permet le pouvoir de la minorité désormais implantée partout. La majorité de la population est seulement dégouté, désarmée, envahie par un sentiment d'impuissance dace à l'arrogance de la minorité des droites qui gouverne provoquant des dégâts qui ne pourront peut-être plus être réparés même après 20 ans, comme ce fut le cas avec le fascisme de Mussolini. Il va sans dire qu’il ne reste que se préparer à une résistance de longue durée en Ligurie, en Italie, en Europe et au niveau mondial face à une situation qui semble être la plus sombre connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Guerres permanentes, génocides, brutalités, surexploitation et même laisser mourir et laisser mourir (thanatopolitique) contre les damnés de la terre, en premier lieu les immigrés, et contre ceux qui ne veulent pas subir ce sort infâme.

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