salvatore palidda

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Billet de blog 30 juin 2017

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Grenfell tower: la tragédie révélatrice de 40 ans de néo-libéralisme criminel

Quelqu’un a parlé de désastre humain, d’autres de désastre social; quant à elle, après avoir frôlé un affrontement violent avec les habitants-victimes en colère, M.me May a eu le culot de dire: «Ce problème existe depuis des décennies... Il faut se poser les vraies questions pour savoir comment cela a pu se produire, pourquoi et comment on pourra être surs que cela ne se produise plus à l’avenir».

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Quelqu’un a parlé de désastre humain, d’autres de désastre social; quant à elle, après avoir frôlé un affrontement violent avec les habitants-victimes en colère, M.me May a eu le culot de dire :

“Ce problème existe depuis des décennies... Il faut se poser les vraies questions pour savoir comment cela a pu se produire, pourquoi et comment on pourra être surs que cela ne se produise plus à l’avenir”.

Même sur le nombre de morts dès l’explosion de la tragédie les autorités n’ont pas arrêté de fausser l’information : pendant des jours après le 14 juin ils ont dit qu’il y en avait 15, ou 17 ensuite 30; maintenant, deux semaines après, on est arrivé à 79, mais les dirigeants de la police arrivent à dire que même sur ce nombre la recherche sera clôturée qu’à la fin de l’année! Entretemps, les habitants sont en train d’établir la liste même si approximative des disparus qui selon quelqu’un pourraient être plus d’une centaine, peut-être même plus de deux-cent ! Mais l’enquête promise piétine, les autorités ont nié aux experts et aux habitants d’avoir accès aux documents utiles et ont refusé de donner la liste des morts.

Malgré depuis longtemps les habitants de ce genre d’immeubles ne dénoncent l’insécurité structurelle, c’est seulement 10 jours après le désastre que le gouvernement a ordonné l’évacuation de 5 autres immeubles avec 800 appartements parce que à haut risque. L’entreprise qui s’était occupé de la soi-disant «modernisation» de ces cinq tours est la même qui avait restructuré la Grenfell Tower, c.-à-d. la Rydon Construction qui avait économisé moins de 6 mille livres sterlings sur un budget de 10 millions choisissant ainsi les panneaux de la façade pas de tout réfractaires au feu. Et voilà que le 28 juin on apprend que déjà 120 immeubles sont jugés non conformes aux normes anti-incendie. Et encore ce n’est pas fini: les experts disent qu’il y a au moins entre 600 et 800 tours qui sont soupçonnées d’être hors norme anti-incendie.

Cet ignoble tentative de minimiser les dimensions de la catastrophe a été mis en scène à la fois pour chercher de justifier le total manque de prompte intervention et pour cacher les causes, voir les responsables de tant de morts. Tous les aspects et les différentes images de la tragédie, dès le début, méritent une particulière lecture parce que sont assez révélateurs de ce qui sont devenu Londres, le Royaume Uni mais aussi un peu toutes les grandes villes de presque tous les pays. Dans tout ce terrible évènement Victor Hugo pourrait y retrouver assez de matière pour réécrire une version “postmoderne” de L’homme qui rit. La rustre indifférence d’une classe dominante ignoblement avide, toujours plus stupide (pensez à Johnson) mais capable de donner la mort.

Rappelons que le néo-libéralisme a triomphé au Royaume Uni merci à M.me Thatcher et ensuite M. Blair qui ont ouvert le chemin aux moins malins Cameron, Johnson et May. Ils ont privatisé tous azimuts et élargi de plus en plus de faveurs aux spéculateurs et business men que Londres attire devenant de fait la grande ville européenne/paradis fiscal. En 40 ans les spéculations financières-immobilières ont connu une augmentation sans égal merci aussi aux investissements énormes de la part des émirats arabes, des néo-milliardaires des pays de l’Est, de l’Indonésie et d’autres pays (on raconte de personnages russes assez obscurs qui offrent des valises de billets de grosse taille). La gestion des HLM, comme dans presque tous les pays soi-disant démocratiques, est passée aux mains de société privées qui évidemment ont cherché à les rendre plus rentables. Ainsi, tout comme aux Etats Unis et même à Paris, à Londres on a eu des incendies pour déloger des familles qui ne voulaient pas laisser leur appartement. Grenfell tower était une des tours de logements au début destinés à des familles sans ou à bas revenu. Une partie de ces familles avait réussi à survivre dans cette tour alors que d’autres appartements avaient été achetés par des privés et souvent loués à des prix relativement hauts par rapport à des HLM. Pour favoriser l’augmentation des logements et surtout pour le «décor» du quartier qui est l’un des plus riches de Londres, la gestion de la tour avait eu des subventions publiques et investi 10 millions de livres sterlings pour la restauration : une classique restauration de façade. L’entreprise chargée de la restauration, une de celles qui souvent se sert de travailleurs au noir, pour la façade avait choisi des panneaux en plastique pas de tout anti-incendie pour épargner ainsi 5.800 sterlings par rapport à ceux à norme anti-incendie. Et c’est juste à cause de ces panneaux que le feu s’est diffusé très rapidement le long de la façade. L’utilisation de ces panneaux est admise dans l’UK parce que ce pays n’a jamais adopté les normes de sécurité européenne, ni les règlements tels ceux qui désormais sont validés même aux Etats Unis. Et c’est à cause de cette absence de normes de sécurité l’entière tour Grenfell était à haut risque d’incendie, ce que depuis des années dénonçaient nombre d’habitants qui déjà en 2013 avaient échappé la tragédie.

Insécurité et même la mort à l’époque du sécuritarisme

Londres prétend être la ville plus sûre du monde de par le système CCTV (vidéosurveillance) et l’UK passe par disposer de forces spéciales, dispositifs sophistiqués et ressources sans égal pour la lutte au terrorisme, pour opérations militaro-policières partout dans le monde. Mais, paradoxe (apparent): juste quand le discours pour la sécurité est devenu obsessif, la tutelle de la vie de la population à plus haut risque est absolument ignorée ou même méprisée. Pourquoi on n’a pas eu aucune intervention des forces et moyens spéciaux pour chercher d’étendre l’incendie de la Grenfell tower? Comme se fait-il que n’ont pas été employé les avions et les hélicoptères pour les incendies et les unités spéciales dotées de scaphandres même anti-nucléaire? Pourquoi le seul secours n’a été que celui des pompiers impossibilités à lancer de l’eau à plus de 12 mètres?

Cependant, n’a pas été paradoxale que tout de suite M.me May et ses adjoints aient invoqué le maximum de sévérité dans la répression dure des habitants qui ont osé protester pour l’absence de secours et d’aide aux victimes restées vivantes et sans logement. Au nom du danger de riot (le souvenir de ceux de 2011 est encore fort), l’ennemi du moment est tout de suite devenu l’habitant des logements populaires. Mais, voilà qu’encore une fois la reine choisi le geste pour sauver le lien entre le peuple et le pouvoir: elle va rencontrer les habitants pour leur offrir sa solidarité! Evidemment il s’agit d’un geste à double signification: d’un côté – implicitement- elle prend les distances – même sans rien dire- de M.me May qui refuse de rencontrer les habitants, et de l’autre côté,  elle réaffirme que c’est elle l’incarnation du Royaume Uni et que en tant que plus haute autorité -même si symbolique- c’est elle qui représente l’état-nation toujours «attentif aux souffrances et requêtes du peuple». Donc, un acte très politique qui fait de la reine la seule autorité toujours populaire, même si ne manquent pas nombre de critiques non seulement pour les couts énormes de la famille royale et aussi de la restauration du Buckingham Palace –celle-ci sans aucun minimum épargne et avec le maximum de soin pour la sécurité et l’emploi de matériels écologiques. En réalité, le geste de la reine semble s’inscrire dans la tentative de sauver le pouvoir dans une conjoncture d’évident crise institutionnelle: on sait que le gouvernement de M.me May aura beaucoup de mal à avoir la majorité stable car dans son propre parti des tories il y a plus de dix députés assez hostiles à l’entente avec le parti fasciste-homophobe et ultra réactionnaire nord-irlandais (le parti de ceux qui ont pratiqué habituellement assassinats et actes terroristes contre l’IRA et les catholiques et aussi férocement hostiles non seulement à l’avortement et au divorce mais aussi pour la condamnation pénale des LGBT). Il s’agit donc d’un nombre de député supérieur à celui de ce parti fasciste nord-irlandais et aussi ouvertement pro-LGBT. La crise du Royaume Uni est donc assez grave et il apparait assez difficile que May, Johnson et leur entourage puissent trouver des solutions habiles parque jusqu’à maintenant ils se sont montré assez maladroits même lorsqu'il s’agissait d’adopter des gestes simples pour éviter de susciter l’indignation générale même chez nombre de journalistes. En effet, l’émergence insécurité des tout HLM est devenue de plus en plus grave car les habitants restés sans logements n’arrentent pas d’être trimballés d’un salle de sports à quelques hôtel que pour un jours ou deux et traités comme des clochards fastidieux et même subversifs, donc toujours sous contrôle policiers harcelant. L’exaspération de ces gens n’arrête pas de croitre ainsi que leur nombre vu que d’autres tous continuent à être vidés. Cela ne semble pas de tout effleurer l’attitude de M.me May et de son entourage qui continuent à afficher indifférence et mépris pour les victimes tout comme pour qui ose se plaindre de manquer de revenus suffisants pour vivre décemment. Par contre, le gouvernement a destiné plus d’1,2 milliards de livres sterlings au parti nord-irlandais et a renvoyé de deux ans le discours officiel que la reine habituellement tient au parlement après le vote du nouveau gouvernement. Ainsi M.me May espère tenir le coup alors que quelqu’un estime qu’elle ne pourra pas durer plus de six mois, même si les députés tories pro LGBT et anti nord-irlandais n’osent pas encore voter contre le gouvernement car cela conduirait à des nouvelles élections qui pourraient être gagnées par le parti de Corbyn.

Il est cependant difficile penser que cette conjoncture puisse amener à l’effondrement du pouvoir des conservateurs. Corbyn, le maire labouriste de Londres Khan et nombre de députés du Labour Party semblent assez décidés à ne pas laisser passer sans conséquences politiques cette tragédie ; ils ont demandé aussi la réquisition des logement vides des spéculateurs immobiliers pour loger les sans toit, demande jusqu’à présent inimaginable.

Il reste donc à voir s’il y aura ou pas une forte mobilisation contre la dérive néo-libéral qui jusqu’à maintenant a provoqué désastres, appauvrissement et seulement bénéfices pour les lobbies financiario-spéculatives.

Mais rappelons-le: la question des insécurité ignorées par le gouvernement néo-libéral de la sécurité concerne tous les pays du monde: il suffit regarder les données sur les causes de la mortalité. Dans les soi-disant pays démocratiques riches les morts pour cancer et autres maladies dues aux contaminations de déchets toxiques de la part des plus diverses activités voulues et légitimées par les pouvoirs publics et les lobbies ou dus aux désastres ou catastrophes sanitaires-environnementaux ou encore aux accidents sur le travail et maladies professionnelles et aussi à néo-esclavagisme sont dix mille fois plus nombreux que ceux dus au terrorisme et à la criminalité. Mais il est évident que depuis 40 ans les pouvoirs publics et les lobbies ont intérêt à agiter seulement l’alarme pour ces deux types de criminalité, juste parce que parler des autres morts et victimes mettrait à nu qu’il s’agit de crimes contre l’humanité provoqués précisément par qui est au pouvoir. Pour cela, surtout depuis 1990, la distraction de masse a été obséssive et les ennemis du moment “commodes” ont été toujours les mêmes (terroristes, criminels en général ou même immigrés et clochards). Et dans tous les pays a été imposé le “évangile” du décor, de la morale et de l’hygiène avec l’évidente intention de frapper qui ne se range pas du côté du pouvoir et des affaires avec l’urbanisme et l’architecture bien-pensante et sécuritaire. Dans cette histoire les responsabilités de nombre d’architectes et urbanistes sont autant grave que celles des soi-disant scientifiques auxiliaires de la reproduction des guerres permanentes.

Illustration 1

Photomontage satirique des social network qui montre M.me May qui embrasse la leader du parti anti-LGBT et lance le pari de 3 à 1 (25% de chances) que le gouvernement May va tomber avant la fin de 2017

[1] Merci à ma fille qui depuis 7 ans vit à Londres et m’a fait connaitre quelques aspects du néo-libéralisme anglais et aussi l’actualité de L’homme qui rit

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