Tout va très bien Madame la Marquise ! La France dispose d'une instance le CSA, ou plutôt l'ARCOM désormais, depuis leur fusion, pour décompter le temps de parole et d'antenne des candidats à la présidence de la République. Donc, ce que le citoyen est censé comprendre c'est que l'élection présidentielle serait 100 % démocratique, aucun candidat ne serait lésé, il serait traité de manière égalitaire avec chaque candidat, quel qu'il soit, riche ou pauvre, favori ou non dans les sondages....! Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d'alu...!!!
Les sondages : être bien né avant tout :
Les sondages occupent une très grande place dans l'espace médiatique et seul le quatuor de tête mériterait que l'on en parle : ce sont les "bien-nés" : le président de la République Emmanuel Macron, la cheffe du Rassemblement National Marine Le Pen, la représentante des Républicains Valérie Pécresse, et le protégé du milliardaire Bolloré, Eric Zemmour. Pour le reste, faudra se contenter des miettes, ou faire un buzz hors du commun pour espérer que les médias veuillent bien en parler. Alors oui, on pourrait objecter que certaines chaines ont diffusé les meetings de Jean Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Christine Taubira ou Anne Hidalgo... oui mais : conscients du fonctionnement des médias, les candidats et leurs partis agissent selon ce schéma de domination médiatique : le meeting d'un candidat qui a un score bas dans les sondages doit être calqué de sorte qu'il n'interfère pas avec un autre candidat étant mieux classé dans les sondages. En ce sens on peut dire que les sondages de par leur nature établissent des formes de domination. Et dans ce jeu, ce sont souvent les grands partis historiques qui ont ce pouvoir de domination : Lrem, Rn, Les Républicains. Une exception avec le PS, mais aussi avec le nouveau parti Reconquête de Zemmour, qui en revanche dispose de soutiens médiatiques hors normes et jamais vus en France : pouvoir être plébiscité par des chaines tv appartenant à une famille finançant son propre candidat.
Les sondages : faits pour (et par) les riches?
Ce qui surprend dans ce quatuor en tête des sondages c'est d'abord leur patrimoine : Macron, Pécresse, Le Pen et Zemmour sont "bien nés" : ils sont riches et ils sont les candidats des riches!!! On est très loin d'un Lula du Brésil, en France...!!! De même, on peut se poser la question de savoir qui sont ces personnes qui sont inscrits dans ces sondages ? Personnellement, j'ai 43 ans et personne ne m'a jamais appelé pour me demander pour qui je compte voter, et je crains de ne pas être le seul. Donc l'inscription relève d'un choix personnel. Il faut s'inscrire sur internet et répondre aux sondages, bénévolement. On peut émettre l'hypothèse que les personnes inscrites dans ce genre de sondages sont soit issues de classes moyennes ou privilégiées, soit très attirées par la politique. On peut également faire l'hypothèse que les plus démunis, les classes les plus populaires, notamment les "déconnectés", "ces 6,3 millions des personnes de 12 ans et plus (11 % de la population de cet âge) qui ne se connectent jamais à l’Internet en France, selon l’enquête du Crédoc (données 2018). Pas moins de 12,5 millions n’ont pas d’ordinateur chez eux et huit millions pas d’accès fixe par ordinateur à Internet. " sont ceux qui ne participent pas ou très peu à ces sondages.
Sondages, temps de parole et d'antenne, et scores d'audience :
Quelle chaine tv, qui se soucie d'abord de son audience, accepterait d'inviter sur son plateau un candidat à moins de 3 % à une heure de grande écoute? Aucune! Et pourtant si l'on doit accepter les principes démocratiques cela devrait être le cas : on devrait voir Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud en heure de prime-time. Mais qui est en mesure d'imposer cela à une chaine de télévision? Le patron de la chaine tv pourrait arguer qu'il n'est pas là pour la démocratie mais pour faire fonctionner économiquement sa chaine : pas d'audience = pas de publicités = pas d'argent! Il semble qu'une solution aurait pu être de faire en sorte que toutes les chaines tv jouent le jeu et que comme pendant la pandémie, les chaines s'estimant avoir perdu de l'argent soient compensées financièrement par l'Etat. Mais celui-ci doit il prendre en charge le manque à gagner des chaines tv "à cause" des "petits" candidats ? D'où une autre question essentielle : l'Etat doit-il être au service de la démocratie "à tout prix" ou du "quoi qu'il en coûte"? Doit-il favoriser l'égalité ou l'équité, ceux qui ont plus de moyens que les autres doivent-ils continuer à être favorisés dans l'élection présidentielle ? Quid des autres pays étrangers : comment un ouvrier comme Lula a-t-il pu devenir président de son pays et pourquoi cela n'a-t-il jamais été posssible en France depuis de nombreuses décennies? L'élection présidentielle est-elle désormais réservée aux grands partis ou aux grands riches (ou grands patrons), et dans ce cas peut-on encore parler d'élection démocratique?
Le comptage du temps de parole et d'antenne : un leurre démocratique ! :
Prétendre que si le temps de parole et d'antenne est pareil pour chaque candidat est un pur mensonge et les médias le savent très bien : on mettra par exemple Eric Zemmour ou Marine Le Pen pour une émission politique de 21heures à 22 heures 30 lorsque le maximum de gens est devant sa télé. Donc, avec une audience tv très grande qui va rassembler plusieurs millions de téléspectateurs. Puis sur cette même chaine, on hésitera pas à diffuser une interview d'un candidat qui a moins de 3% de sondages favorables entre 2 heures et 4 heures du matin, à une heure où tout le monde dort... Donc on voit bien que le temps de parole et d'antenne est plutôt antidémocratique!
Changer le mode de calcul du temps de parole et d'antenne :
Et si la nouvelle donne démocratique serait plutôt : le comptage de l'équité d'audience ? Cela signifierait qu'il existerait une certaine médiane dess audiences tv : par exemple, la médiane serait à 20 millions de téléspectateurs sur la durée du début à la fin de la campagne présidentielle : les candidats aux plus fortes audiences pourraient aller entre 30 à 40 millions de téléspectateurs et les candidats autres ne devraient pas être en dessous des 10 millions de téléspectateurs. C'est encore une fois à titre d'exemple, les professionnels du comptage pourraient penser cela de manière plus pragmatique. Mais l'idée est qu'un candidat aux sondages faibles ait un accès équitable aux médias et qu'un autre candidat très bien placé dans les sondages ne sature pas l'espace médiatique. L'enjeu est que désormais ce ne soit plus les sondages qui dictent la marche des médias dans l'élection présidentielle!
Effets pervers des sondages dans l'élection présidentielle :
On peut aisément imaginer par exemple qu'un citoyen qui espère que les choses changent rééllement soit quelque peu désillusionné : si son parti politique est en bas des sondages, il peut d'un côté croire au programme et aux idées de son parti et être résolu à voter pour celui-ci. D'un autre côté, face à un certain danger , comme actuellement, entre Macron et l'extrême droite, il peut être amené à penser que son parti ne passera pas au second tour et que pour que son vote soit "utile" veuille voter Macron pour être certain que l'extrême droite ne passe pas. Dans ce cas là, on voit bien que les sondages ont fortement influencé la décision du citoyen : il n'a pas voté pour les idées auxquelles il croyait mais en fonction des sondages. Ceci est d'autant plus regrettable que les résultats finaux des votes diffèrent souvent de beaucoup des sondages!
Autre manipulation du temps de parole et d'antenne :
Les candidats les plus avertis savent jouer des médias et du CSA : sachant que seul leur temps de présence physique est décompté, il faut donc savoir faire parler de soi, créer le buzz. Et pour les candidats en haut des sondages, sachant que les médias n'attendent que cela pour pouvoir remplir les contenus de leurs programmes tv, sont "comme cul et chemise", à tel point que l'on pourrait dire que les médias ont déjà leurs candidats : ceux qui ont compris le fonctionnement des médias seront choyés par les médias pour une relation "gagnant-gagnant". Et dans cet exercice Zemmour est expert....! Les médias adorent relayer ces "buzz" qui vont permettre de remplir l'espace médiatique de ces chaines d'infos. Faire parler de soi par les médias est plus important que parler de soi dans les médias.
Le cas Mélenchon : suspicion à tous les étages !
Bourdieu le disait en 1986 à propos des sondages : " Je pense qu'il y a un abus de science et, à ce titre, je souhaiterais beaucoup que les institutions effectuant des contrôles efficaces soient mis en place et qu'en tout cas le soupçon se généralise". Il est donc nécessaire de mettre ces sondages en suspicion. Et, avec Mélenchon, c'est assez flagrant. Il est hors du quatuor de tête et se retrouve de ce fait exclu des conversations des journalistes politiques des chaines d'informations. On loue quelquefois ses qualités de grand orateur, de tribun, mais on hésite pas à dénoncer ses "excès", ses "outrances". Il semble que Mélenchon paye ses accrochages et insultes envers certains journalistes. Et dans une nouvelle recomposition des médias appartenant à des milliardaires, on est en droit de se poser la question de savoir si des journalistes peuvent prendre la défense et parler en bien du candidat Mélenchon sans risquer des remontrances : en effet, face à un candidat qui ne cesse de dénoncer le fonctionnement journalistique même, les trop-riches, l'accaparement des médias par des milliardaires, en somme le système actuel en général, difficile pour lui d'être dans un espace médiatique que lui-même dénonce. Et donc reste à savoir si sa cinquième place dans les sondages est réelle ou faite pour ne pas à avoir à parler de ce candidat qui "gêne" l'ordre établi du fonctionnement des médias d'informations...!
Conclusion :
Aujourd'hui, comme les jours passés, j'ai regardé une chaine tv qui n'a parlé que de Le Pen, Zemmour, Pécresse et un peu Macron... On le voit bien, les effets pervers des sondages sont connus depuis longtemps. Mais est-ce vraiment à défaut de mieux, ou est-ce que certains n'ont simplement pas intérêt à ce que ces sondages perdurent?
D'autres solutions existent pour rendre l'élection suprême française plus démocratique : les "petits" candidats devraient se rapprocher de l'audience des autres candidats. D'autant plus lorsque l'on voit que les candidats qui arrivent en tête des sondages n'ont aucun programme pour lutter contre l'évasion fiscale ou réduire les inégalités par exemple. Certains candidats, proches des riches, disposent de moyens stratosphériques et iniques par rapport aux autres candidats. Un candidat est ami avec un milliardaire possédant des chaines tv, des radios, etc... Démocratie, vraiment ? Pour espérer un changement, cela demande des mesures fortes de la part de l'Etat, ainsi que certains aménagements (un nombre plus limité de candidats), mais il s'agit là d'un enjeu démocratique et d'une vision de la société : doit on privilégier, l'équité, mesure démocratique, ou favoriser les puissants et dans ce cas ne plus vivre dans une démocratie mais dans une oligarchie? A force, le peuple, conscient d'avoir été leurré depuis de nombreuses décennies pourrait se révolter contre cette manipulation médiatique pas très démocratique, et l'augmentation de l'abstention et du vote blanc est un indicateur fiable.
Comme le souligne Chomsky : "Il me semble que, au moins dans les sociétés occidentales riches, la démocratie et le marché libre déclinent à mesure que le pouvoir se concentre, chaque jour davantage, dans les mains d'une élite privilégiée."