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Billet de blog 10 décembre 2021

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Archives guerre d'Algérie : coup de poker sur fond d'élection présidentielle ?

Roselyne Bachelot, ministre de la culture a annoncé ce vendredi 10 décembre 2021, l’ouverture des archives sur « les enquêtes judiciaires » avec quinze ans d'avance. Une annonce qui intervient à quelques jours de la visite de Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, à Alger dans un contexte de crise entre la France et l'Algérie depuis des mois et... sur fond d’élection présidentielle.

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Fresque de l'Indépendance © Samira Houari-Laplatte

On pourrait supposer qu'il s'agit d'une bonne nouvelle. Enfin, les Français comme les Algériens pourraient avoir accès aux archives de la guerre d'Algérie, tout du moins celles en lien avec "les enquêtes judiciaires". Un nouveau "petit pas" dans cette histoire encore douloureuse qui se transmet de génération en génération ou au contraire est tue par ceux qui n'oublient pas... qui ne peuvent pas oublier, l'horreur d'une guerre qui ne disait pas son nom.

Cette ouverture des archives sur les enquêtes judiciaires pourrait faire œuvre de vérité sur les crimes en Algérie par un pouvoir politique dépassé.

On se souvient des premières répressions sanglantes à Sétif et Guelma et Kherrata à l'encontre des manifestants indépendantistes, anticolonialistes au lendemain de la victoire des alliés, le 8 mai 1945.

Ou encore la mort de Maurice Audin, mathématicien membre du Parti communiste algérien et militant de l'indépendance algérienne, déclaré mort le 21 juin 1957 à Alger dans des conditions obscures, du terrorisme mené par l'OAS (organisation de l'armée secrète), des tortures largement pratiquées par l’armée française et plus précisément par la 10è division des parachutistes du général Massu et de ses acolytes Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller... et dans cette série de l'horreur, on n'oublie pas la répression meurtrière par la police française le 17 octobre 1961.

La mort de plusieurs centaines d’Algériens jetés dans la Seine alors qu’ils manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu décrété par le préfet de police Maurice Papon qui rappelons-le était nommé  sous le gouvernement de De Gaulle. L’historien Pascal Blanchard précise que Maurice Papon était à l’origine de la création dans les années 50 de la BAV, la brigade anti-violence, une police pour surveiller les Arabes, d’où il tire son nom, bavure.

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Casbah maison détruite par l'armée française - refuge d'Ali la pointe

Alors aujourd’hui, on peut s’interroger, pourquoi le président accélère l'ouverture des archives ?

Il y a quelques mois encore, Emmanuel Macron déclarait : « La nation algérienne n’existait pas avant la colonisation française de 1830 ».

Un camouflet pour l'Algérie et le gouvernement algérien, sans compter la diaspora.

Emmanuel Macron continue de souffler le chaud et le froid avec l’affaire des visas qui consistait à réduire les visas accordés aux Algériens et plus largement aux Maghrébins… Un président qui semble naviguer à vue et qui louvoie.

Pourtant, on se souvient en février 2017 de ce jeune candidat que les Algériens enviaient aux Français, qui à coups de salamalecs clamait « la colonisation est un crime contre l’humanité ». Le rapport de l'historien Benjamin Stora, sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie est un pis-aller face à cette déclaration d'envergure qui a valu à Macron un retour de bâton des classes politiques françaises.

L'Algérie au centre  des campagnes électorales, ce n'est pas nouveau. Dans ce geste « d’apaisement »,  François Hollande s'y était déjà risqué en 2012, en reconnaissant lors du 51 anniversaire, la répression meurtrière du 17/10/1961 par la police française.  

Stratégie de campagne électorale pour séduire la diaspora en France ? Pour calmer les tensions avec l'État Algérien ? Pourquoi ?
Quoiqu'il en soit la guerre d'Algérie reste au cœur d'une relation douloureuse entre la France et l'Algérie.

Cette annonce, au-delà d'une stratégie politique est un acte fort pour les survivant.es de la guerre, celles et ceux victimes de la torture, pour les appelés du contingent qui furent envoyés en Algérie, pour tous ceux qui ont dû quitter ce pays qui les a vu naître et n'y sont jamais retournés...

Pour les nouvelles générations en Algérie qui se complaisent dans une nostalgie bien heureuse de l’Algérie française pour oublier les ratés des politiques Algériennes. Pour la diaspora prise dans une dichotomie, pas tout à fait Français ni Algérien, et éviter des constructions fallacieuses.

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Hirak rassemblement de la diaspora opposée au 5è mandat de Bouteflika © Samira Houari-Laplatte

60 ans après l'Indépendance de l'Algérie, l’œuvre de vérité doit se faire aussi du côté des politiques algériennes, et éviter un roman national bâti sur le mensonge ou l'omission. Le FLN a largement été impliqué dans des attentats et meurtres via sa branche armée l'ALN (armée de libération nationale) comme celui perpétré au village de Melouza en 1957, alors que les habitants étaient pourtant acquis à la cause de l'indépendance mais soupçonnés de soutenir le  mouvement national algérien (MNA) mouvement rival indépendantiste de Messali Hadj.

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