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Billet de blog 20 mars 2008

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Genève goes underground

Genève. Quai du Mont Blanc, mardi soir.

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Genève. Quai du Mont Blanc, mardi soir.

La bise glacée a balayé le printemps précoce. Les élégantes ont ressorti leur zibeline et trottent au bras d’hommes hyper-lookés dont le sourire de connivence se reflète dans les vitrines de montres de luxe. Ils s’y regardent passer, discrètement, et ce reflet furtif de la réussite contemporaine leur donne une excitation difficile à comprendre. Les voitures de sport et les 4x4 sont sagement rangés devant un hôtel contemporain dont le « luxe feutré » fait rêver les badauds. Le concierge attend.

Tout est beau, calme et bien comme il faut. Au loin, les lueurs des enseignes lumineuses de la démesure donnent leur paisible assentiment. Leur reflet dans le lac rend la scène étrangement attirante.

La bise a balayé le printemps précoce. L’orchestre venu du froid est là. L’orchestre des mariages et des enterrements. L’orchestre du paradoxe. Des coeurs vaillants. L’orchestre de Goran Bregovic. Sous l’hôtel au “luxe feutré” il se déchaîne. Une version tzigane du Carmen de Bizet. Avec une fin heureuse : « Chez nous, dans les Balkans, les gens aiment que les histoires finissent bien», explique le musicien prodige né d’une mère serbe et d’un père croate. Pied de nez à l’histoire, aux histoires.

Déchaînements de rythmes épileptiques, de cuivres adolescents, de chants déchirants. L’âme des Balkans est là. Carmen fait la putain, arpente les trottoirs de la grande ville où le « clair est plus clair » et le blanc plus blanc. Humiliations, dérives. Carmen est forte, elle aime, elle est aimée, la vie triomphe. La salle est conquise. Contre toute attente les spectateurs se lèvent, dansent et chantent. Goran Bregovic a gagné son pari. Il a ramené l’âme tzigane dans la cité du luxe.

Celui dont les musiques ont fait le bonheur de Kusturica et de Chéreau s’exprimait ainsi à propos de sa contribution au film Arizona Dream :

One of the great things about Emir's movies is that they show life exactly as it is - full of holes, hesitations and unexpected events.It's this imperfect, unorganised side that I wanted to preserve above all. Even the songs recorded with Iggy are very under-produced.There's just his voice and behind it a gypsy-orchestra blowing into old pre-war trumpets and cow's horns.It's really very simple.

La vie hésite toujours entre le chaud et le froid, le luxe et la nudité. Elle est pleine d’imprévus. Comme ce concert gitan dans les entrailles de Genève. Vraiment simple. Simple et beau.

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