Elle a 8 ans. Sa maman est décédée sur le trajet migratoire. Elle est seule avec son père.
Ils dorment dans le hall d'une gare à Paris et appellent, chaque jour le 115 (dispositif d'hébergement d'urgence), en vain.
Elle se lève tous les matins pour aller à l'école.
Son père a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile pour elle, début mars 2024, au regard d'éléments nouveaux sur ses risques de persécution.
Depuis la nouvelle loi, le refus des conditions matérielles d'accueil (CMAs) est automatique en cas de demande de réexamen[1]. La vulnérabilité doit cependant être prise en compte mais l'a-t-elle déjà seulement été ? Avant la loi, c'était une faculté mais, pratiquant la matière de manière quotidienne, je n'ai jamais vu l’OFII accorder les CMAs pour une personne en réexamen de sa demande d'asile.
Pour elle, l'OFII n'a donc pas dérogé à sa politique d'automaticité et a refusé de lui octroyer les CMAs (un hébergement et l'allocation pour demandeur d'asile), la laissant ainsi dans la rue avec son père.
J'ai saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (référé liberté : procédure d'extrême urgence) afin que cette situation de dénuement extrême cesse.
À 11h ce matin, elle est arrivée avec son père au tribunal administratif. Leurs visages étaient tristes, leur état de fatigue extrême.
L'OFII indique qu'il n'y aucune urgence ni aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Quelques heures plus tard, la condamnation tombe : "Une telle situation de précarité faisant apparaître la vulnérabilité de la famille, est constitutive d’une situation d’urgence au sens de L. 521-2 du code de justice administrative. L'OFII doit ainsi les héberger et leur octroyer l'allocation pour demandeur d'asile "dans les plus brefs délais", "le directeur de l’OFII (...) doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et notamment au droit d’asile."[3]
Un énorme soulagement pour ce père et sa fille qui ne demandaient qu'à être respectés dans leur dignité.
Je ne partage pas exhaustivement (par manque de temps) toutes ces situations dramatiques mais, il me paraît essentiel de rendre visible cette inhumanité grandissante dans le traitement des personnes les plus précaires et notamment des demandeurs d'asile.
[1] L’article L. 551-15 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042906933/
[3] TA Paris, réf., 7 juin 2024, n°2414429