L’Humain d’abord, programme électoral du Front de Gauche pour 2012, est clairement un programme antilibéral avant tout. Il revient pour une large part à annuler la révolution conservatrice initiée dans les années 80. Il s’agit de lutter contre les dérèglements financiers et donc, plus largement, contre les racines de la « globalisation » à l’échelle mondiale, européenne et nationale. Citation :
« Tous ces maux trouvent leur commune origine dans la caractéristique essentielle de notre époque : la domination sans partage du capital financier sur le monde. Le titre de notre projet, L’humain d’abord, n’exprime pas simplement une préférence morale, il dit aussi notre stratégie contre la crise. En refusant la domination du capital financier sur le travail, en luttant contre la précarité, en garantissant à chaque personne le droit de se soigner, de s’éduquer, de se loger et de travailler, nous protégeons et accroissons les forces créatrices qui refondront notre pays et aideront demain à changer le monde. »
En conséquence, pour une très large part, le programme reprend des éléments communs à tout le mouvement altermondialiste, comme aux luttes et mouvements antilibéraux en France. Il comprend indéniablement nombre d’analyses, de dénonciations, de propositions communes avec le programme d’urgence « Nos réponses à la crise » adopté par le congrès du NPA. Partant, il aurait en tant que tel pu fournir sans conteste la base d’une campagne électorale commune visant en particulier à « un autre partage des richesses ».
Les élections sont maintenant derrière nous et le FG a annoncé que le débat « stratégique » allait reprendre et s’approfondir. Les quelques remarques de ce texte se placent dans ce cadre. Dans ce genre de contribution, ce sont inévitablement les points qui restent en débat, ou qui font désaccord, qui ressortent plus facilement que les points d’accord. En gardant cette importante mise en garde en tête, voici donc les points saillants qui demandent débat si on se réfère à ce document et, d’un autre côté, au document de référence de la Gauche Anticapitaliste qu’elle a rappelé lors de son entrée au FG, «Nos réponses à la crise » (NRC par la suite). Pour rappel, il s’agit d’un programme de transition vers une rupture anticapitaliste, adopté très majoritairement par le premier congrès du NPA à l’hiver 2011 (et en particulier par la totalité de celles et ceux aujourd’hui à la GA).
Une crise du capitalisme ou de son versant financiarisé ?
L’Humain d’abord (LHD pour la suite) ne donne aucune indication quant à l’enracinement de la crise actuelle (comme d’ailleurs de la contre-révolution néo-libérale elle même) dans les contradictions globales du capitalisme, quelle que soit la manière de les analyser. Le terme même de « capitalisme » intervient rarement et toujours dans un contexte de dénonciation de ses errements en lien avec les dérives financières :
« Le capitalisme financier est incapable de sortir d’un système qui le gave de privilèges… …La deuxième caractéristique du capitalisme de notre époque est la généralisation de la précarité… Le traité de Lisbonne concentre toutes les impasses du capitalisme de notre époque »
NRC consacre aussi de longs développements aux particularités de la crise actuelle du capital, dont la financiarisation et la globalisation marchande sont effectivement des éléments majeurs. Mais il fait le lien avec des contradictions encore plus profondes, lesquelles, probablement, atteignent les racines mêmes du système, pas seulement la forme qu’il a prise. Ainsi la finance ne peut pas être présentée unilatéralement comme seulement un détour ou une verrue sur la figure du capitalisme. Nous sommes dans la continuité, dans la dynamique normale du capital. Et même pour imaginer un nouveau compromis plus favorable au plan social (comme l’était le modèle fordiste, productivisme mis en à part), il y faudrait des bouleversements qui toucheraient plus que la sphère financière. Ainsi de la circulation des marchandises. LHD dit « Nous combattrons les principes d’austérité du FMI et de libre-échange de l’OMC pour les changer profondément ou pour créer de nouvellesinstitutions internationales. » A juste titre. Mais sans que l’on voit clairement quelles autres relations seraient à l’œuvre. On sait qu’existe un débat parfois serré, même parmi les antilibéraux, sur l’ampleur de mesures qu’il faudrait prendre pour protéger une économie plus socialisée. NRC aussi d’ailleurs reste dans des déclarations assez générales, rejetant bien entendu le protectionnisme comme méthode générale, sans pour autant entrer dans la nécessaire description du système qui remplacerait celui imposé par l’OMC. Cela dit on voit qu’on est loin de la seule mise en cause des dérèglements de la finance. La finance c’est « des capitaux surabondants circulant librement sur la planète ». Et même si on se limite à la financiarisation, il faut insister sur le fait que son carburant, son énergie, proviennent du recyclage des profits de l'économie réelle. Un des leviers pour la contenir et finalement la briser est aussi de l’assécher à sa source. Et ceci conduit donc à mener (le plus possible en amont) une politique publique de contrôle et d'encadrement (d'abord fiscal) sur les profits non réinvestis. Il y faut en conséquence donc un encadrement strict des entreprises non socialisées, une politique fiscale draconienne.
C’est donc dans les domaines qui touchent de plus près au lien entre antilibéralisme et anticapitalisme que des écarts se manifestent entre LHD et NRC en ce qui concerne les données économico-sociales. Je rappelle une fois de plus ici les points (très nombreux) qui leur sont communs, ou à peu près. Il s’agit de tout ce qui relève d’un partage différent de la richesse produite, en faveur des catégories populaires (sous forme de salaire direct ou indirect) et aussi des moyens institutionnels d’améliorer le rapport de force collectif salariat/patronat. Il s’agit aussi de la lutte plus globale contre les fondements de la globalisation capitaliste comme de sa traduction européenne (les « traités » en particulier), dans la lignée à la fois du mouvement altermondialiste et des combats menés en commun en 2005. Cela rappelé, LHD aborde la question de la propriété sous la forme suivante : « À l’inverse des idéologues du marché qui font de l’entreprise capitaliste privée le modèle unique, nous encouragerons la diversité des formes de propriété, indispensable à une politique efficace de création d’emplois. La loi reconnaîtra cette diversité et la protégera face à la « concurrence libre et non faussée » qui revient en fait à imposer partout la seule logique du profit privé. Notre programme prévoit l’extension de la propriété publique par le développement des services publics. Il promeut de nouvelles appropriations sociales par la nationalisation de grands leviers de l’action économique, industrielle et financière. Il propose des formes décentralisées de la propriété sociale. Il veut aussi systématiser le recours à l’économie sociale et solidaire (ESS). ». On trouve des éléments comparables dans NRC et surtout dans les productions de la LCR puis du NPA. Contrairement à NRC, LHD n’aborde pas la question de la maîtrise démocratique de ces structures, qui distingueraient par exemple la seule nationalisation juridique de la socialisation au sens large, question que d’autres mettent sous le chapeau de l’autogestion. Mais si LHD ne le fait pas, on sait que ça fait partie de la réflexion de longue date de nombre de partis signataires du document. Pas sûr donc du tout qu’il y ait là matière à autre chose que de l’approfondissement nécessaire. La question ici est plus spécifique. Au-delà de cette multiplicité des formes de propriété, et donc du maintien pour une part des mécanismes marchands, qu’est ce qui domine en définitive ? Est-ce que la mise en valeur de la valeur (la recherche du profit), mécanisme fondamental du capitalisme, domine toujours ou non ? Si ce mécanisme est maîtrisé, c’est qu’on est sortis du capitalisme. Autant alors le dire, même si les questions liées à « par quoi le remplacer » demeurent « ouvertes » comme on dit.
Au-delà de l’analyse, en ce qui concerne les points précis de programme à approfondir, on peut repérer essentiellement quatre domaines aux conséquences inégales :
- La faiblesse du nombre de secteurs où la nationalisation (ou la re-nationalisation) est proposée. Dans LHD, il s’agit de celle de l’énergie et de la petite enfance. Là il y aurait sans doute une marge supplémentaire, même dans un cadre strictement antilibéral.
- La question des licenciements. A côté d’éléments qui sont manifestement communs, ou qui vont dans le même sens (rendre plus difficiles les licenciements, limiter ou interdire les licenciements dans les entreprises qui font du profit, faciliter la reprise d’entreprises par les salarié-e-s…), la différence porte sur une mesure phare proposée par NRC, la constitution d’une nouvelle branche de la sécurité sociale, financée par le patronat, et visant à maintenir les emplois (pas toujours l’activité spécifique elle-même puisque des reconversions peuvent s’avérer nécessaires, en particulier pour des raisons écologiques). Peut-on en effet ne pas aborder aussi la masse des licenciements présentés comme purement « industriels » ? Dans la situation actuelle, l'approche du refus des licenciements ne peut pas être abordée du seul point de vue, évidemment scandaleux, des « licenciements boursiers ». On ne peut pas prendre tous les plans de licenciements par une approche boursière ou financière, car cela pourrait conduire à accepter ceux de Air France, Doux ou PSA et nous savons que le FG s’y oppose avec force. Quelle proposition globale y correspond ?
- Plus important, la maîtrise du secteur financier demeure limitée pour le programme du FG à la constitution d’un « pôle » public. Alors que sur les deux points précédents, c’est surtout (du point de vue d’un programme d’urgence) une question de curseur et d’ampleur de la rupture, ici le débat est plus profond. Comment concevoir un tel « pôle » en concurrence avec les banques privées, même très encadrées ? La déclaration du Parti de la Gauche Européenne de juillet 1012 dit elle-même : « Le Parti de la Gauche Européenne réitère sa conviction que seule la mise sous contrôle public et démocratique du secteur bancaire et la transformation radicale de l'architecture néo-libérale de la zone euro et de l'UE, permettront une sortie de crise». Le combat contre la financiarisation exige des réformes multiples (dont celles des traités internationaux, celle du statut des banques). Mais il de fortes chances d’être perdu si une incursion majeure dans la propriété de la finance n’est pas fermement engagée. Ici, il ne s’agit pas juste de positionnement idéologique ou théorique (antilibéral versus anticapitaliste). Mais d’une des preuves que l’anticapitalisme est une conséquence « logique » d’un antilibéralisme qui s’en donne effectivement tous les moyens.
- Enfin, question qui peut rapidement devenir décisive, tout le monde en convient, celle de « la dette ». Sur l’analyse de son origine et du mécanisme infernal qui l’alimente en permanence, il y a surtout des convergences. Et c’est tout à fait fondamental, en ceci que c’est une rupture majeure avec les visions social-libérales. Il faudrait pousser la discussion quand même sur ce point. Il y a dans les milieux de la gauche radicale deux grandes explications. Il y a celle qui l’attribue surtout au régime fiscal néolibéral (cadeaux aux riches, etc.). Et, même si LHD ne tranche pas, on voit aux solutions proposées que c’est peut-être de ce côté que penche l’analyse. Et il y a celle qui l’attribue surtout à la crise elle-même (en 2007, il n’y avait pas de graves problèmes de déficit) : avec la succession plans de sauvetage, plans de relance, chute des recettes fiscales. C’est celle de NRC. Evidemment, la politique fiscale a désarmé les Etats au moment où ils avaient le plus besoin de recettes. Cependant savoir quel est l’élément moteur est important. Mais, au delà de l’analyse, le débat vient surtout après. Pour LHD tout se passe comme si on devait et pouvait rembourser quand même la dette, pour peu que le statut de la BCE soit modifié (que donc des emprunts directs aux États soient permis) et que des ressources soient dégagées par une autre fiscalité au détriment des plus riches. Il y a là un débat d’ampleur qui concerne la gravité même de l’affaire. En Grèce par exemple ces mesures seraient insuffisantes même si elles sont nécessaires. La France n’en est pas là, c’est vrai. Mais si NRC a raison dans l’analyse de la gravité de la question, c’est la dette elle même qu’il faut penser à ne pas rembourser. Avec des mécanismes de mobilisation bien balisés : audit populaire pour asseoir le diagnostic d’illégitimité de la plus grande part de la dette, moratoire pour le temps de cet audit, puis refus de payer la dette illégitime. Ce débat ne concerne pas seulement LHD et NRC ; comme on le sait, il traverse tout le mouvement antilibéral et altermondialiste. Là encore il est nécessaire de comprendre que l’incursion anticapitaliste dans la propriété (ici financière) n’est pas d’abord une option philosophique, mais une nécessité inscrite dans la situation objective. Du moins, c’est ce qu’il s’agit de discuter. Il est vrai que si on s’oriente dans ce genre de mesures, il est vain de masquer l’ampleur de la rupture que cela représenterait avec le marché mondial (en particulier financier), rupture qu’il faudrait se donner les moyens d’assumer. NRC non plus ne la détaille d’ailleurs pas, mais voilà encore un autre élément à approfondir.
La « révolution démocratique »
Je reviens ci-dessous sur les moyens de l’obtenir. Sur le contenu brut, LHD propose une série de changements pour une réelle démocratisation des institutions. Une « révolution » en ce sens, puisque ces mesures modifieraient radicalement la démocratie représentative et qu’elles n’ont jamais été présentes en leur totalité dans l’histoire du pays. A quelques éléments près, c’est aussi ce que propose NRC. On peut noter que LHD se propose de « limiter strictement le cumul des mandats » au lieu de l’interdire, que rien n’est dit sur la limitation du nombre de mandats dans une même fonction, pas plus sur les émoluments des élus (que NRC, dans une tradition remontant à La Commune, propose de caler sur le revenu moyen de la population). Il n’est pas repris le concept de « référendum révocatoire » sur le modèle qui a fait ses preuves au Venezuela. Mais effectivement une grande partie est commune. La forme aussi compte ici considérablement, puisque les deux programmes se proposent d’abolir la 5ème République par le truchement d’une Constituante où toutes ces questions seraient débattues en place publique.
La « planification écologique »
Bien entendu il est impossible d’aborder cette question sans noter que, comme tout le monde le sait, LHD ne se prononce pas sur la pérennité du nucléaire civil. La question étant renvoyée à débat puis référendum (ou « consultation populaire »). Les divergences sur cette question n’opposent pas les partis qui ont soutenu LHD et de l’autre côté NRC, mais existent à l’intérieur même des premiers. La question est moins ici celle de la forme (pourquoi pas un référendum en effet) que de la réponse qu’y donneraient les uns et les autres. Celle de NRC est connue, c’est l’abandon du nucléaire.
Mais, compte tenu de l’histoire des partis signataires, il faut noter que l’essentiel de ce que propose LHD constitue un rapprochement très sensible par rapport aux positions de NRC, sur une base qu’on peut qualifier « d’écosocialiste » pour aller rapidement. Nul doute qu’en ce domaine c’est moins de divergences répertoriées qu’il faudrait parler (nucléaire mis à part) que de discussions à ouvrir. Dans un domaine si décisif pour l’avenir des peuples, ces convergences doivent être soulignées à leur juste valeur.
Les « questions sociétales »
En ce domaine les convergences sont encore plus nettes entre les deux programmes. Traduction de la présence commune de nos organisations dans tant de combats communs. Droits des femmes, droit égal sans préjudice des orientations sexuelles, lutte contre le racisme sous toutes ses formes, régularisation des sans papiers, accès favorisé à la nationalité, carte de dix ans, etc… Un débat subsiste sur deux points liés. NRC se prononce selon une longue tradition pour le droit complet de circulation et d’installation, LHD n’aborde pas la question. L’autre point lié est le droit de vote pour les étrangers non communautaires. Aux élections locales dit LHD, à toutes les élections dit NRC. De plus LHD n’aborde pas la question de l’éligibilité. Mais ce point de débat est bien connu, et sans surprise.
Une autre question, qui pour être connue n’en est pas moins décisive, est la référence à la laïcité. Référence centrale qui va de soi à gauche et encore plus dans la gauche radicale. Quant à son contenu exact… Venant du NPA où la question a eu du mal à se décanter (en fait elle est restée un point de désaccord patent, y compris je suppose à la GA) je suis bien placé pour en saisir à la fois les enjeux et la difficulté. Mais si les débats reprennent sur les questions de stratégie, il faudra bien trouver le moyen d’en discuter même si on sait que c’est une question qui, à la fois, unit et divise profondément.
A noter un point qui n’est pas dans NRC, mais excellemment écrit dans LHD qui dit « Aucun financement public ne sera octroyé à la construction de nouveaux établissements scolaires privés ou à la rénovation de ceux qui existent déjà ». Il serait normal que les élus FG dans les collectivités locales traduisent cette exigence à leur niveau, mais ce n’est pas toujours le cas.
Les questions « internationales »
Là aussi beaucoup de points d’accord traduisant notre présence commune pour la défense de tant de causes démocratiques et pour l’émancipation des peuples. Il existe par ailleurs des questions compliquées (LHD se prononce pour une ONU démocratisée, mais sans plus de précisions : est-ce que cela ne comporte pas au moins la fin du privilège des grandes puissances au Conseil de Sécurité ?).
Au-delà on peut noter des questions capitales dont il n’est rien dit (c’est le cas pour NRC aussi, mais par nature il s’agit plutôt dans ce cas d’un programme axé sur l’urgence sociale, écologique et démocratique). Il n’y a ainsi aucune condamnation de l’impérialisme français. La sortie de l’OTAN que propose LHD serait une excellente décision, mais on a du mal à ne pas comprendre que pour LHD la fin de l’acceptation de l’hégémonie US règlerait la question des droits égaux Nord/Sud. C’est une question de très grande importance. La GA considère que la France dispose toujours d’un reste d’empire colonial (c’est d’ailleurs considéré comme tel par l’ONU !) dont il convient de signer la fin pour parler réellement de politique démocratique à l’échelle internationale. De plus, si LHD affirme : « La France rompra avec l’alignement libéral et atlantiste, la politique de force et d’intervention militaire et avec les logiques de puissance, pour agir en faveur de la paix, du règlement des conflits et du rétablissement du droit international. », rien n’est indiqué sur la question de l’armement nucléaire et sur la politique dite « de dissuasion ». Partant, rien non plus sur l’indispensable réduction du budget militaire. Sur ces points, connaissant les positions des partis signataires, on peut supposer que les formules retenues sont des compromis. Mais ce sont quand même des questions décisives quand on discute de la politique que mènerait un gouvernement « vraiment à gauche », et que donc il faudra bien reprendre à un moment ou un autre.
Les moyens de la rupture démocratique
Une des différences de structure entre LHD et NRC tient en ce que le second cherche à lier en permanence les propositions avancées et leur condition de réalisation. Cette question n’est abordée qu’une seule fois par LHD : « La condition première de notre succès sera la mobilisation des femmes et des hommes, la construction de nouveaux rapports de forces favorables aux travailleurs et aux citoyens. L’humain d’abord, toujours. ». Pour être classique, ce problème n’en est pas moins capital. Est-il possible d’avancer dans la « révolution citoyenne » par la seule voie du suffrage ? Qui plus est dans le cadre biaisé des institutions antidémocratiques de la 5ème République ? Il faut de plus mesurer que les contraintes actuelles de l'Europe (à commencer par l'organisation continentale du capital, des entreprises, de la production), les contraintes financières, etc… constituent une difficulté majeure supplémentaire. LHD le dit d’ailleurs abondamment. Mais comment pourraient s’envisager les ruptures nécessaires dans le cadre de procédures électorales inexistantes pour l’essentiel dans l’UE ? On voit avec la Grèce toute la difficulté qu’il y a à penser une stratégie de rupture une fois le pays enferré dans les contraintes actuelle de l’UE et les contraintes monétaires. Il est d’ailleurs de la plus haute importance de suivre et soutenir les élaborations de Syriza pour s’y attaquer.
Il faut la mobilisation dit donc à juste titre LHD. Mais laquelle ? Quels contenus, quelles formes, quels objectifs donner à la mobilisation citoyenne ? Les dernières élections en Grèce montrent bien, malgré les différences de système électoral, qu’il est impossible de séparer processus électifs et poussée sociale plus générale, extra parlementaire. On peut supposer qu’il s’agit là d’une règle générale. Et que si personne ne dispose de la solution toute faite, il y a une discussion à avoir sur le rapport complexe entre un projet de rupture (mobilisations, prise de contrôle, affrontements...) et les processus électoraux étroitement encadrés que nous connaissons.
C’est du moins ce qu’avancent structurellement NRC et la GA. Pas seulement eux, on peut le supposer sans grand risque de se tromper. François Delapierre aborde à sa façon la même question dans une entretien à Médiapart. A la question : Est-ce que cela signifie qu’une dynamique comme celle du Front de gauche est irrémédiablement vouée à l’échec, dans le cadre des institutions de la Ve République ? Il répond sans hésitation : « Oui. Le Front de gauche veut donner le pouvoir au peuple et cela heurte de plein fouet les institutions de la Cinquième. Notre projet est une révolution citoyenne, et non une alternance dans le cadre de cette République… ». Question centrale donc, d’intérêt général pour toute politique de rupture. En tout cas - en particulier parce que nous abordons des années sans élections majeures posant la question directe du pouvoir - mais aussi de manière plus générale, il est de la plus haute importance de donner de la chair et du contenu à la « condition première » que relève LHD : la mobilisation sociale et citoyenne.
Samy Johsua, Gauche Anticapitaliste