« Face à la misère, nous sommes prioritaires ! »
Pour une carte pérenne nationale de l’éducation prioritaire en Lycée et LP, Les personnels sont fortement mobilisés. A Marseille, la reprise de la grève dès la rentrée de janvier et les blocages qui persistent depuis dans la très grande majorité des établissements concernés, illustrent la détermination collective des personnels. J’héberge ici un article de E. Johsua et de E. Arvois.
Depuis la journée de grève du 17 novembre, pour une carte pérenne nationale de l’éducation prioritaire en Lycée et LP, Les personnels sont fortement mobilisés sur le territoire. A Marseille, la reprise de la grève dès la rentrée de janvier et les blocages qui persistent depuis dans la très grande majorité des établissements concernés, illustrent la détermination collective des personnels.
Depuis le 3 janvier….. Un mouvement très fort dans l’académie d’Aix-Marseille.
Le 3 janvier, sur Marseille, immédiatement, on sent que l’ultimatum n’était pas une parole en l’air. Le lycée Saint-Exupéry (principal lycée des quartiers Nord) est bloqué. Se joignent à lui des lycées professionnels et deux autres lycées (Diderot, Victor Hugo). Les personnels enseignants mais aussi de vie scolaire, sont si fortement en grève, qu’ils ne permettent pas de recevoir les élèves. La plupart des lycées sont progressivement fermés. Le jeudi 5 janvier, c’est 7 établissements ZEP marseillais sur 13 qui sont bloqués, les autres ayant de très forts taux de grévistes.
La manifestation part du Collège Versailles, établissement REP + qui subit depuis la rentrée de très forts problèmes de violence et qui est confronté à un manque de moyens patent au regard des difficultés grandissantes des populations accueillies (https://www.mediapart.fr/journal/france/020117/marseille-un-college-est-abandonne-la-violence?onglet=full) . Plus de 300 manifestants sont là avec quelques élèves et parents d’élèves.
Le lendemain, la mobilisation se pérennise. Les proviseurs sont convoqués en urgence le vendredi 6/01 à 17h00, au Rectorat.
L’incidence de l’éducation prioritaire en lycée et LP dans les Bouches du Rhône est particulièrement forte. Ce sont trois LGT et douze LP et SEP qui relèvent de ce classement dans notre département. Ce n’est pas le fait d’un privilège mais le résultat d’une situation sociale particulière. La même qui a justifié la mise en œuvre du volet éducation du plan d’urgence pour Marseille. Rappelons-le, à Marseille 25 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Plus largement notre département est fortement polarisé socialement et marqué par des inégalités qui se traduisent par une forte incidence de la pauvreté, du chômage, du mal logement et de la difficulté scolaire.
Depuis la rentrée 2016, la tension montait ! La misère grandissante dans certaines zones a fini par pénétrer dans les établissements. L’indicateur que les autorités reconnaissent est souvent les faits de violence graves. A deux reprises, les proviseur-es des quartiers nord de Marseille avaient interpellé le Rectorat, sentant que la situation était inflammable.
C’est sans doute pour cela qu’à Marseille, les personnels des lycées sont si mobilisés aujourd’hui. Le refus de la publication d’une carte élargie de l’éducation prioritaire est pris comme un affront. Non seulement, cela nie le travail fait depuis des années dans ces quartiers défavorisés mais en plus cela signifie à terme, une disparition d’une des dernières aides de l’Etat pour lutter contre l’inégalité des chances. Or, pour qui a travaillé dans des établissements ZEP, deux évidences : sans moyens supplémentaires, point de réussite scolaire et si « l’Ecole de la République » est loin d’être parfaite, elle reste un des derniers services publics présent dans ces quartiers et un espoir de progression sociale.
Parce que dans ces quartiers, dont on dit qu’il est si difficile d’y entrer, c’est plutôt d’en sortir qui est impossible !
Un problème national
Alors que le mouvement débutait à l’échelle du pays à la rentrée 2016, la ministre N. VALLAUD-BELKACEM annonçait en octobre, qu’elle était tout à fait consciente de la nécessité de protéger les établissements des quartiers défavorisés. Mais ajoutait-elle, cela serait fait par le prochain gouvernement. Sous-entendu, nous, ce n’est plus notre affaire.
La carte de l’éducation prioritaire : un serpent de mer.
Quand en 2014, le ministère de l’Education Nationale décide de revoir la carte de l’enseignement prioritaire, il prétexte la fin du mille-feuilles administratif. En effet, de gouvernement en gouvernement, les dispositifs se sont superposés : classement en zone sensible par le ministère de la ville, classement ZEP, classement ambition-réussite, réseaux ECLAIR….. Les labels se cumulent.
Finalement, un classement « REP » et « REP + » est mis en œuvre pour le cycle de la scolarité obligatoire (lésant au passage des écoles et des collèges qui perdent leur label). Mais des lycées et LP, il n’en n’est pas question. Malgré les demandes répétées des syndicats mais aussi de certains chefs d’établissements inquiets, rien ne paraît. Le Gouvernement maintient transitoirement les moyens (en heures, en primes pour les personnels, en personnels de surveillance…) mais annonce la fin du dispositif pour 2017. Promesse est donnée qu’une nouvelle carte serait publiée. Tel ne fut finalement pas le cas en cette rentrée.
« Touche pas à ma ZEP » et intersyndicale : un mouvement exemplaire.
Dès octobre, en région parisienne, des établissements se réunissent dans le collectif « Touche pas à ma ZEP » (http://www.tpamz.levillage.org/). Aujourd’hui, sur 220 établissements sur le territoire, 95 participent activement à cette coordination. Le contact avec les syndicats est maintenu. Grâce à la mobilisation du 17/11/2017, le gouvernement cède sur les primes pour les enseignants et personnels jusqu’en 2019 et finalement propose 450 postes pour les établissements prioritaires (postes pris sur les moyens d’autres établissements). Mais toujours point de liste nationale des établissements.
Les discours et les actes : jusqu’au bout ce gouvernement aura navigué pour être sûr que les seconds ne s’accorderont pas aux premiers, sans jamais l’assumer politiquement. Jusqu’au suicide politique. Mais son bilan est une chose. L’avenir de secteurs déjà tellement fragilisés en est une autre, et la priorité est là !
Mardi 10 janvier à nouveau une mobilisation nationale aura lieu. D’ores et déjà, une « Nuit de la ZEP » est organisée à Saint-Denis, le lundi 9 janvier à 17h30.
Marseille le 8janvier 2016.
Emmanuelle JOHSUA (professeur au LP l’Estaque. 13016 Marseille) et Emmanuel ARVOIS, (professeur de LP/ Co-secrétaire du syndicat CGT 13 de l’Education)