Comme on le sait, pour les questions militaires et sécuritaires, le quotidien francophone El Watan dispose de "sources" au niveau d'officiers supérieurs "éradicateurs" pro-occidentaux en activité ou à la retraite.
Il titre aujourd'hui "Libye : Probable intervention militaire d’Alger ou du Caire". On peut lire : "Notre source évoque aussi des pressions internationales exercées sur Alger et Le Caire pour intervenir militairement en Libye. Les rapports sécuritaires, restés top secret à ce jour, affirment l’importance et la nécessité d’une intervention militaire algérienne en Libye".
Le départ des Occidentaux est monté comme un grand spectacle médiatique dont le ton fut donné par l'évacuation rocambolesque de l'ambassade américaine de Tripoli. L'apocalypse serait imminent en Libye. Des avions vont être lancés sur Alger, Tunis et Rome par les djihadistes renchérit El Watan, qui évoque un "11septembre bis" . Il faut frapper les esprits.
La doctrine algérienne en question face au chaos libyen titrait le quotidien en mai dernier. Sa "source militaire" affirmait alors : "Il est hors de question que se concrétise le projet d’un émirat islamiste en Libye". Le journal écrit donc : "La politique d’endiguement négative a montré ses limites face aux tensions à nos frontières. La Libye peut marquer une «adaptation» de la doxa de sécurité algérienne". Il faut donc jeter l'ANP dans la balance.
Nous notions alors : "L'Algérie fait l'objet de pressions intéressées pour qu'elle aide l'Empire à stabiliser la situation créée par sa stratégie du choc. On nous demande de réviser une doctrine patriotique née d'un consensus national profond, pour envoyer l'ANP devenue supplétive de l'Otan "assurer l'ordre" dans les pays voisins (Lire: Ce que les Etats-Unis attendent de l'ANP). Trois ans après l'intervention de l'Otan et la destruction des piliers de l'Etat libyen, l'Occident n'a pas réussi à stabiliser les conditions favorables pour le pompage et l'expédition des hydrocarbures de ce pays et la captation de la rente libyenne qui en découlent. La Libye a beau être en situation de quasi-guerre civile, elle continue, grâce au poids des revenus pétroliers, d’être le premier des pays maghrébins, dans le classement du développement humain rendu public le 25 juillet dernier par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Ces "conditions objectives" favorables permettraient, selon de nombreux observateurs, d'asseoir les bases d'un consensus pour la sauvegarde nationale, consensus pour lequel les pays frères voisins pourraient apporter un concours politique décisif .
Toute guerre est fondée par des buts. Ceux de la guerre déclenchée par l'Occident en Libye en 2011 visait à détruire les obstacles à la mainmise non aléatoire sur les ressources de ce pays. Mais le travail doit être achevé pour que ces ressources puissent être convenablement exploitées. Avant de quitter son piste d'Alger, Henry S. Ensher, ambassadeur des Etats-Unis avait laissé une consigne, présentée dans une forme complaisante pour la rendre acceptable aux décideurs algériens, sourcilleux mais aimant la flatterie : «Nous sommes confiants quant à la capacité de l’Algérie à se sécuriser et aussi en sa capacité à assumer le rôle de leadership en aidant d’autres pays de la région à se sécuriser eux-mêmes". (Lire: L'ANP invitée à finir le travail de l'OTAN en Libye)
Pour le maréchal Al Siss, une intervention en Libye serait sans doute une "occasion" à saisir en jonction avec son acolyte libyen proche de la CIA, le général Khalifa Haftar. L'Armée algérienne va-t-elle s'engager- comme le souhaite et y travaille depuis de longs mois le quotidien pro-otanien d'Alger-, dans une aventure qui risque d'accéler le processus de transformations des conflits localisés en véritable guerre civile frontale et enfermer notre pays dans un piège de longue durée.