En mars dernier, à Béjaïa, ville à forte densité associative, la police raflait les militants de l'association de défense des consommateurs, l'ADIC, pour les empêcher de conduire une action populaire contre la hausse illégale des tarifs de transport, mettant en cause la complicité des pouvoirs publics. Yanis Adjlia, le président de cette association subira ensuite des poursuites judiciaires éprouvantes. Quelques jours auparavant, c'est à Skikda que les animateurs d'un rassemblement contre la vie chère étaient interpelés préventivement sur "liste". En Algérie, ce sont donc les services du ministère de l'Intérieur relayés par les tribunaux qui font le vide et livrent la "rue" au désordre annoncé. Les éditocrates marqués par le syndrome de la "peur de la rue" ferment les yeux sur la fermeture de l'espace public à l'intervention citoyenne pacifique.
Arrogance éditocratique
Evoquant les appels des associations de Béjaïa au calme et au civisme, Kamel Amghar écrit ce matin dans une chronique du quotidien La Tribune : "Cependant, toutes ces déclarations bien intentionnées ne suffisent pas pour disculper ces mêmes organisations et autres associations qui n'ont pas su encadrer cette jeunesse laissée-pour-compte. (...) Leur défection et leur faillite, conséquences directes de leurs propres travers, ont ouvert la voie grande devant les vauriens, les casseurs et pilleurs. C'est en quelque sorte leur échec à eux tous."
L' échec des associations ? C'est vite dit. Cette arrogance éditocratique ne doit-elle pas d'abord être dirigée contre l'Etat, pourvoyeur de pub, premier responsable de ce vide. Les médias élevés au biberon de la "peur de la rue", continuent de fermer les yeux sur l'interdiction de facto des mobilisations populaires pacifiques.
Les associations chassées de la rue
"La rue est-elle exclue du modèle économique de Sellal" titrait notre blog le 3 mars dernier. Nous remettons en ligne cet article:
'Les mobilisations de rue sur des questions sensibles liées au "modèle économique", annoncé par le Premier ministre pour avril prochain, seront-elles tolérées? Les articles de nouvelle Constitution sur la liberté d'action associative ne peseront pas lourd, si le pouvoir juge inopportune l'intervention populaire dans des enjeux "stratégiques" concrets qui touchent pourtant à la vie quotidienne. Quelques signes troublants.
Y a t-il des consignes données aux forces de police pour empêcher que les associations n'aident la population à donner de vive-voix, pacifiquement et de manière organisée, son avis sur les questions sensibles? Et notamment lorsque les couches populaires veulent que l'on mette des garde-fous sérieux à la politique d'austérité annoncée. Il y a un mois, on avait déjà observé un événement particulièrement inquiétant : la répression dure et minutieusement préparée, visant les animateurs d'une manifestation contre la vie chère à Skikda. On n'excluait pas alors que ce zèle répressif vient de ce que la manifestation coïncidait avec la visite du Dauphin n°X dans cette ville (Il s'agit de M. Ouyahia, ndlr)
Mais la récidive, hier, à Béjaïa est plus que troublante. Dans cette ville à forte densité associative, la police a créé la surprise en raflant des militants associatifs conduisant une action populaire contre le fait que l'administration tolère la hausse inconsidérée des des tarifs de transport qu'elle a elle-même fixé. La ligue locale des Droits de l'homme (Laddh) de Béjaïa appelle «les autorités locales de la wilaya de Béjaïa à lever toutes les entraves à l'encontre de l'exercice du droit d'association et de réunion et libérer les membres de l'Adic et à ne retenir aucune suite à leur encontre». Cette appel est partagée par les organisations et les élus du FFS et du RCD."