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Billet de blog 7 juillet 2013

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Algérie, Egypte, Tunisie- Scission sociétale et coup d'Etat "inévitable"

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Au lendemain de la déposition de Morsi le courant électrique a été miraculeusement rétabli partout au Caire. Le coup d'Etat semble avoir été préparé sur un scénario à la chilienne. Sur fond de marasme économique et social, les pénuries, l'agit-prop incessante de médias appartenant aux anciens patrons de presse du régime Moubarak, la polarisation sociétale islamistes-laïcs ont rendu "inévitable" le coup d'Etat.

Entre la Tunisie et l’Egypte, il ya un an, lorsqu’on regardait la vie politique, la ressemblance semblait se limiter à la victoire par les urnes de partis islamistes de tendance Frères-musulmans. La différence était très net dans l’organisation de l’opposition. En Egypte, face à l’hégémonie des FM, on trouvait à côté du parti salafiste, un Front national hétéroclite constitué autour de l’ancien fonctionnaire international El Baradeï, regroupant des jeunes"révolutionnaires", des personnalités issues de l’establishment  de l’ancien régime, des Frères musulmans dissidents mais aussi des partis de gauche ayant soutenu la candidature du « nassérien de gauche » Hamdeen Sabbahi. En Tunisie, face à la Troïka au pouvoir où cohabitent islamistes et républicains, deux fronts distincts se sont constitués en prévision des élections qui suivront l'adoption de la    constitution. Ces deux fronts d'opposition avait des programmes socioéconomiques radicalement différents. le Front populaire qui comprend aussi les marxistes est nettement à gauche. L’“Union    pour la Tunisie”, au programme économique néolibéral s'est constitué autour de Béji Caïd Essebsi, politicien de l'ancien régime".       

Avant le coup d'Etat égyptien, les choses commençait à évoluer avec un infléchissement des clivages politiques. La question du "mode de vie" semble devenir le facteur principal de clivage politique entre les Tunisiens. On assiste à la mise en place d'un paysage politique à deux couleurs, qui serait le prolongements de deux grands ensembles sociétaux. L'assassinat nébuleux d'un leader du Front de gauche a eu pour conséquence de  tirer la gauche vers un front laïque, comprenant aussi les forces de l'ancien régime et capable par son envergure électorale de battre Ennahda. 

Ce bégaiement touchera-t-il nos voisins tunisiens? Le débat actuel au sein du Front populaire tunisien de gauche autour du mot  d'ordre de "Front démocratique" contre l'islamisme nous fait éprouver une impression de déjà vu. Tous unis face à l'islamisme. On se rappelle que la théorie de la "partition" inévitable entre deux Algérie, l'une islamisante, l'autre laïcisante-portant    des "projets de société" antagoniques- avait été activement conceptualiséé dans la gauche algérienne, entre la légalisation du FIS en 1989 et l'interruption du processus électorale en janvier 1992. Le Front pour l'Algérie moderne (FAM), a été créée par les services de renseignement pour alimenter cette vision, parallèlement au processus de dissolution du parti communiste (Pags) que ces mêmes services ont provoqué. De leur côté les dirigeant islamistes ont largement utilisé les textes sacrés comme aliment électoral. Front islamiste contre front laïque: cette construction politico-idéologique échappera au contrôle des services, et explique  l'intervention de l'armée en janvier 1992, débouchant sur la "Décennie noire" après l'assassinat de Boudiaf qui voulait reconcilier les Algériens. 

Plus fortement qu'au début de son mandat, le président Marzouki, est actuellement la cible d'une féroce campagne de dénigrement. Son tort est de défendre farouchement une ligne républicaine fondée sur la cohabitation de modes de vie pluriels. Le président tunisien refuse la scission sociétale qui ferait le lit de la contre-révolution. Cette scission paralysera forcément la progression démocratique, car nulle part, une majorité électorale fondée sur cette base quasi-confessionnelle, ne pourrait bénéficier d'un consensus minimum pour diriger un pays. La cohésion nationale serait alors par la    force des choses prise en charge par un régime autoritaire, chargée comme en Egypte d'imposer l'ordre dans une société qui n'arrive pas à s'entendre sans tuteur.

Ce "pouvoir fort" sera-t-il possible en Egypte? Le général Souleiman n'avait pas réusssi à assurer la succession de Boubarak sur cette base. Les dernières péripéties de la révolution égyptienne -qui en connaitra d'autres- conduira-t-elle à baillonnner les aspirations sociales et démocratiques du peuple égyptien étouffées, pendant des décennies, par la dictature du bloc constitué autour de la présidence Moubarak par les conglomérats financiers et la hierarchie militaire, sous la protection des  Moukhabarates. Ces trois acteurs sont toujours là. Ils ont  prémédité le coup d'Etat. Les jeunes révolutionnaires, les syndicats, le mouvement social, le mouvement d'émancipation féminine seront-ils les dindons de la farce?

Saoudi Abdelaziz,    7 juillet 2013  

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