"La justice sévit contre KBC" titre ce matin la une de Liberté et à la une d'El Watan: "Affaire KBC : La consternation". C'est en effet l'étonnement qui a dominé dans les rédactions, comme si le pouvoir avait brisé ces derniers jours les règles non écrites qui régissent la presse indépendante. Sidération de la naïveté blessée. Traduisant cet état d'esprit, Said Rabiaconclut dans El Watan à "une équipe au pouvoir qui a perdu la tête".
La naïveté, c'est sans doute le principal tort du journal El Watan et de la chaîne KBC.
Comment attendre d'un pouvoir qu'on attaque désormais sans rémission qu'il ferme les yeux sur les irrégularités commises lorsqu'on veut se développer en construisant un immeuble sans respecter le permis de construire et en empiétant sur des terrains du domaine public. On dira : la chose est courante dans notre pays livré -les yeux de l'Etat fermés- à une gestion approximative et aux feux verts administratifs de complaisance. Si l'autre le fait pourquoi pas moi? Cette ambiance générale de passe-droit, de complaisance et d'appâts est depuis toujours un des instruments de l'exercice du pouvoir en Algérie.
Hier, la direction d'El Watan déclarait : "un terrain d’entente pourrait être trouvé pour ne léser aucune partie”
L'Etat ferme donc longuement les yeux, puis le jour J sort brutalement le dossier gardé en réserve. C'était la technique de Rab Dzaïr et qui se perpétuera tant que l'Etat est privé de circuits de droit.
M. Smati le président de KBG explique naïvement ce matin dans El Watan:
"Même si, officiellement, il est reproché à l’équipe de KBC une non-conformité du contenu de l’émission en question avec l’objet de l’autorisation délivrée par le ministère de la Culture, «il est clair que c’est le ton de l’équipe de ‘Nass stah’ qui dérange».
Comment avoir un ton féroce contre le pouvoir tout en sollicitant sa bienveillance sur le non respect de l'autorisation ? C'est la crise de la mission jusqu'ici impartie par le système à la presse indépendante: rester à la surface du système et ne pas dépasser des limites sous peine de représailles et de "sortie" des dossiers. La presse acceptera-t-elle un nouveau deal de complaisance mutuelle ou anticipera-t-elle le dépassement du système en se mettant enfin aux investigations et à la vraie production d'information, que les Algériens aspirant à l'Etat de droit attendent d'elle ?