Une question fondamentale est passée ces jours-ci relativement sous silence, en raison des brulantes actualités qui secouent la France. Tandis que la colère légitime des agriculteurs interroge un modèle sociétal et un engagement écologique malmenés par le capitalisme international, l’affaire Stanislas laisse voir la trahison effarante du gouvernement à l’idéal républicain, avec la scolarisation des enfants de la ministre d’Education dans un établissement qui bafoue ouvertement les droits des êtres humains, que la France était supposée incarner. Pourtant, cette question est, elle aussi, d’une importance vitale : l’inclusion dans la Constitution de 1958 du droit pour les femmes d’interrompre leur grossesse.
La constitutionnalisation du droit à l’avortement est demandée par les femmes en France depuis que la régression de ce droit aux Etats-Unis, en Pologne ou en Hongrie leur avait rappelé sa fragilité. Pour mémoire, la Cour suprême était revenue aux Etats-Unis en 2022 sur sa jurisprudence de 1973, qui garantissait le droit à l’IVG au niveau fédéral. Ce faisant, elle laissait le champ libre aux différents Etats pour légiférer en la matière, plusieurs d’entre eux étant revenus presque dans l’immédiat sur la possibilité d’avoir recours à l’interruption de grossesse. L’événement avait constitué un traumatisme mondial. Si le Conseil Constitutionnel a reconnu en France depuis 2001 la liberté des femmes d’avorter, qu’il a ratifiée en 2017 et qui découle du principe général de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, l’inscrire dans la Constitution parachèverait cette évolution, empêchant le législateur de l’abolir.
L’urgence qu’il y a à constitutionnaliser l’IVG a été souvent peu comprise : quel besoin de le faire, puisque ce droit existe ? Simone de Beauvoir avait déjà mis en garde les femmes à propos de la fragilité de leurs acquis - « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne seront jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant » -, des exemples frappants ont démontré récemment sans conteste que l’atteinte au droit des femmes de disposer de leurs corps peut survenir sans que l’on s’y attende. Outre l’exemple des Etats-Unis, particulièrement relevant par leur place dans le panorama économique mondial, on peut penser à la crise qu’avait supposée en 2014 en Espagne, pourtant pionnière en matière de droits des femmes, la tentative du ministre conservateur de la Justice Ruiz Gallardon d’interdire l’avortement, sauf en cas de viol et de malformation du fœtus. Elle s’était soldée par sa démission, après un des mouvements sociaux les plus intenses que ce pays ait connus. Actuellement, le gouvernement de Giorgia Meloni met en danger ce droit historique en Italie avec fourberie, en rassurant sur son maintien tandis qu’il légifère pour protéger le « droit des femmes de ne pas avorter ». Un an et demi après l’accession au pouvoir de la présidente de Fratelli d’Italia, les hôpitaux italiens sont devenus des lieux de dissuasion où s’épanouissent les groupes anti-avortement.
Faire entrer le droit des femmes à l’IVG dans la Constitution revient à rendre très difficile sa suppression. Dans le cadre d’un panorama de régression, les prises de conscience évoquées auront d’autant plus conduit les femmes à réclamer cette mesure que le rappel de ce qu’implique l’interdiction d’avorter est toujours présent. Bien que ces deux dernières décennies plus de cinquante pays, dont l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, la Colombie, le Bénin ou le Mexique, aient adopté des législations moins restrictives, le droit de recourir à une IVG reste inégal dans le monde. Avorter est encore interdit dans plus d’une vingtaine de pays. Plus de 25 millions d’IVG dangereuses sont ainsi pratiquées chaque année dans le monde, faisant de l’interruption d’une grossesse la troisième cause de mortalité maternelle. Parfois, avoir recours à l’avortement est passible de peines de prison, les poursuites pouvant même être engagées pour « homicide aggravé », comme au Salvador, entraînant jusqu’à cinquante ans de prison. Par ailleurs, outre les prohibitions explicites, les limitations peuvent aussi être dissimulées sous une façade de légalité, comme en Italie, où 67% des gynécologues invoquent l’objection de conscience pour refuser de pratiquer un avortement.
En France, malgré le processus engagé depuis 2001 pour protéger le droit à l’IVG et l’avancée qu’implique l’étendue en 2022 du délai légal à quatorze semaines, au lieu de douze, le parcours pour bénéficier d’une IVG reste encore semé d’embûches. Les pratiques dissuasives demeurent, il arrive ainsi encore que l’échographiste fasse écouter à la gestante le cœur du fœtus sans que celle-ci l’ait demandé. La fermeture de services médicaux, dont les maternités, à la suite du démantèlement des services publics engagé par la droite durant la dernière décennie, rallonge les délais. Les IVG médicamenteuses, très pratiquées pour ce même motif, sont parfois difficiles à vivre, car elles se passent comme des mini-accouchement et peuvent mettre jusqu’à des heures, ou même des jours, à se déclencher.
Dans le cadre de l’effort pour inclure l’IVG dans la Constitution plusieurs propositions de loi ont été formulées, depuis l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade aux Etats-Unis. Les divergences entre l’Assemblée et le Sénat ont été le plus souvent le point d’achoppement pour qu’elles échouent à aboutir, jusqu’à l’accord historique obtenu à l’Assemblée nationale le 24 janvier et validé par le vote du 30. Proposé par Mathilde Panot, de LFI, le texte voté reste en dessous des attentes de la formation politique, ce qui ne l’empêche pas de qualifier le consensus obtenu de « victoire historique ». L’article voté précise que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours » à l’IVG. La formulation vise à concilier celle du texte voté à l’Assemblé fin 2022, proposé par LFI, qui parlait du « droit » à l’IVG et le souhait du Sénat, qui n’avait validé que l’inscription à la Constitution d’une « liberté ».
Le chemin à faire reste long pour que l’inscription à la Constitution du droit d’avorter soit une réalité, mais les espoirs de réussir à le parcourir jusqu’au bout sont bons, à la vue de cette conciliation. En effet, approuver le texte définitif requiert que l’Assemblé et le Sénat le valident, avant de le soumettre au Congrès, où il doit réunir trois cinquièmes des voix. Les concessions faites par la gauche en abandonnant le terme « droit » et omettant de mentionner la contraception dans la formulation finalement approuvée constituent donc un pas vers le consensus, que le Sénat reconnaîtra sans doute. D’autant que les réticences se sont tout de même fait sentir durant les débats à l’Assemblé. LR voyait ainsi dans la formule « liberté garantie » une brèche pour introduire un allongement de la durée légale et avait plaidé pour constitutionnaliser la « sauvegarde de la dignité humaine » et la clause de conscience des soignants.
Pour anachronique que cela puisse paraître, les débats plus larges à propos de l’avortement sont revenus également durant les échanges à l’Assemblée. L’indéboulonnable défense de la vie du fœtus a ainsi été remise sur le tapis, alors même qu’il est établi depuis longtemps que ce concept n’a aucune légitimité, puisque la possibilité de recourir à l’avortement est limitée au développement du système nerveux chez l’embryon, et reste fallacieux, car nous continuons à vouer la vie des enfants qui naissent à des conditions de plus en plus précaires et dangereuses. La vie en son sens biologique continue à prendre le pas sur la vie en sons sens d’existence digne chez certain.e.s député.e.s, contredisant ce faisant en réalité les fondements idéologiques de ceux/celles qui adhérent à l’un des trois monothéismes.
Bien entendu, la question de savoir si autant d’hommes sont légitimes à s’exprimer dans des débats concernant les vécus que seules les femmes peuvent connaître reste entière. Quelle légitimité ont ces hommes à trancher lorsqu’ils se trouvent en majorité dans les instances décisionnelles ? Autant de problématiques pour lesquelles il faut espérer que la décision historique de l’Assemblée suppose une avancée.

Guistav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.
Integrar a la Constitución el derecho al aborto, una necesidad
En el momento mismo en que se desarrolla el proceso para constitucionalizar el derecho al aborto, lo que en ello se juega está más presente que nunca.
La candente actualidad francesa ha silenciado en estos días una cuestión fundamental. Mientras que la legítima furia de los agricultores interroga un modelo social y un compromiso ecológico que el capitalismo internacional maltrata, el escándalo del instituto Stanislas deja ver la magnitud de la traición del gobierno al ideal republicano, al mantener en su puesto a una ministra de educación que escolariza a sus hijos en un centro que ignora abiertamente los derechos humanos, los cuales se suponía que Francia debía encarnar. Sin embargo, la cuestión silenciada también es de vital importancia: la integración a la Constitución de 1958 del derecho de las mujeres a interrumpir su embarazo.
Las mujeres reivindican en Francia la constitucionalización del derecho al aborto desde que su retroceso en Estados Unidos, Polonia o Hungría les ha recordado lo precario que era. La Corte suprema de Estados-Unidos anuló en 2022 la jurisprudencia de 1973 que garantizaba el derecho al aborto a nivel federal. Al hacerlo, ha dejado el campo libre a los Estados para legislar al respecto. Varios de ellos prohibieron casi de inmediato que se interrumpiera el embarazo. El acontecimiento traumatizó al mundo entero. Aunque el Consejo Constitucional haya reconocido desde 2001 en Francia la libertad que tienen las mujeres de abortar, que deriva del principio general de libertad contenido en el artículo 2 de la Declaración de derechos del hombre y del ciudadano, ratificándola en 2017, integrar esa libertad en la Constitución completaría la evolución, impidiendo que alguna legislación ulterior niegue esa posibilidad.
A menudo se ha comprendido mal por qué urge constitucionalizar el aborto: ¿qué necesidad de hacerlo, si el derecho existe? Simone de Beauvoir ya había alertado a las mujeres sobre lo precarios que eran sus derechos – “No olvidéis nunca que bastará con una crisis política, económica o religiosa para que los derechos de las mujeres sean cuestionados. Esos derechos jamás serán inamovibles. Tendréis que manteneros alerta durante toda la vida” -, algunos ejemplos evocadores han demostrado recientemente que la negación del de disponer de sus cuerpos puede acaecer sin que nadie se lo espere. Además del ejemplo de Estados Unidos, particularmente relevante por el lugar que ocupan en el panorama económico mundial, puede un@ pensar en la crisis que había supuesto en 2014 en España, país pionero en cuestión de derechos de las mujeres, la tentativa del ministro conservador Ruiz Gallardón de prohibir el aborto, salvo en caso de violación o de malformación del feto. La crisis se había saldado con su dimisión, después de uno de los movimientos sociales más intensos que haya conocido el país. Actualmente, el gobierno de Giorgia Meloni pone en peligro en Italia de forma encubierta ese derecho histórico, tranquilizando sobre su mantenimiento a la vez que legisla para proteger “el derecho de las mujeres de no abortar”. Año y medio después del acceso al poder de la presidenta de Fratelli d’Italia, los hospitales italianos se han convertido en centros de disuasión donde pululan los grupos contra el aborto.
Integrar el derecho de las mujeres a abortar en la Constitución implica volver muy difícil que se suprima. La toma de conciencia realizada, en el marco de un panorama de regresión, las ha conducido tanto más a reclamar dicha medida por cuanto que sigue presente el recuerdo de lo que implica que se prohíba interrumpir el embarazo. Aunque estas dos últimas décadas más de cincuenta países, entre los cuales Irlanda, Nueva Zelanda, Tailandia, Colombia, Benín o México, hayan adoptado leyes menos restrictivas, el derecho al aborto sigue siendo desigual en el panorama internacional. Todavía está prohibido abortar en más de veinte países. Se practican así cada año más de 25 millones de abortos peligrosos en el mundo, haciendo de la interrupción de un embarazo la tercera causa de mortalidad materna. A veces, recurrir al aborto es pasible de penas de cárcel. Las acusaciones pueden llegar a ser de “homicidio agravado”, como en Salvador, y conducir hasta a cincuenta años de cárcel. Además de las prohibiciones explícitas, las limitaciones también pueden quedar encubiertas por la legalidad, como en Italia, donde el 67% de los ginecólogos invoca la objeción de conciencia para negarse a practicar abortos.
En Francia, pese al proceso emprendido desde 2001 para proteger el derecho a abortar y el avance que implica que se haya ampliado el plazo legal para hacerlo a catorce semanas, en lugar de doce, el recorrido para abortar puede comprender todavía muchos obstáculos. Aún existen prácticas disuasivas, como que el ecografista obligue a la gestante a escuchar las palpitaciones del feto. El cierre de servicios médicos, entre los cuales departamentos de maternidad, como consecuencia del desmantelamiento de servicios públicos emprendido por la derecha durante la ultima década, alarga los plazos. Los abortos practicados mediante medicamentos, a los que se recurre por el mismo motivo con demasiada frecuencia, son a menudo difíciles de vivir, ya que son como mini partos y pueden tardar horas, o incluso días, en declararse.
Desde que se abrogó la sentencia Roe v. Wade en Estados Unidos se han formulado varias propuestas de proyecto de ley para integrar el derecho al aborto en la Constitución. A menudo las divergencias entre la Asamblea y el Senado han sido el impedimento para que fracasen, hasta el acuerdo histórico que la Asamblea nacional ha obtenido el 24 de enero y ratificado el 30. Mathilde Panot, de LFI, había propuesto el texto original. El que se ha votado es finalmente menos ambicioso, lo que no obsta para que la formación política califique el consenso obtenido de “victoria histórica”. El artículo que se ha votado precisa que “la ley determina las condiciones en las que se ejerce la libertad garantizada a las mujeres de recurrir” al aborto. Dicha formulación trata de conciliar el texto votado por la Asamblea a finales de 2022 y el deseo del Senado, que sólo había autorizado que se inscribiera en la Constitución una “libertad”.
El camino que queda por hacer para que el derecho al aborto quede inscrito en la Constitución es largo aún, pero la esperanza de que se logre recorrerlo es grande, a la vista de la conciliación operada. En efecto, aprobar el texto definitivo requiere que lo voten la Asamblea y el Senado, antes de someterlo al Congreso, donde debe reunir tres quintas partes de los votos. Las concesiones que implican para la izquierda el abandono del término “derecho” y la ausencia de mención a la contracepción en la fórmula aprobada constituyen así un paso hacia el consenso, que el Senado valorará sin duda. Tanto más por cuanto que las reticencias también se han dejado ver en los debates de la Asamblea. Los Republicanos han visto en la fórmula “libertad garantizada” una brecha para que se alargue el plazo legal y han pedido que se constitucionalice también la “protección de la dignidad humana” y la objeción de conciencia del personal médico.
Por anacrónico que parezca, los debates de fondo sobre el aborto también han recorrido los intercambios en la Asamblea. La inamovible defensa de la vida del feto ha vuelto a surgir, aun cuando ha quedado establecido desde hace mucho que ese concepto no tiene ninguna legitimidad, puesto que es el desarrollo del sistema nervioso el que limita la posibilidad de recurrir al aborto, y es falaz, ya que continuamos abocando la vida de los niños que nacen a condiciones cada vez más precarias y peligrosas. La vida en el sentido biológico sigue predominando sobre la vida en el sentido de existencia digna para l@s diputad@s más conservadores, contradiciendo en realidad con ello los fundamentos ideológicos de l@s que adhieren a uno de los tres monoteísmos.
Por supuesto, la problemática de si los hombres tienen o no legitimidad para expresarse en debates sobre vivencias que sólo pueden experimentar las mujeres se mantiene intacta. ¿Qué legitimidad tienen los hombres para decidir en esos ámbitos cuando son mayoría? Hay que esperar que la decisión histórica adoptada por la Asamblea suponga también un avance en todas estas cuestiones.