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Billet de blog 1 février 2025

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Déconstruire l’extrême droite

Le décès du fondateur historique de l’extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, rappelle à quel point les enjeux et sujets de réflexion liés à cet horizon politique se sont multipliés.

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Février 2025

Alors que l’extrême droite gagne de l’importance en France et en Europe, Jean-Marie Le Pen, son fondateur historique dans le pays, décède ce 7 janvier. Cet été, acculé par les élections législatives, le gouvernement avait franchi une ligne démocratique, que toutes les personnalités politiques disaient jusque-là infranchissable, en se montrant prêt à pactiser avec cet horizon politique.

Les hommages rendus à Jean-Marie Le Pen ont été dans l’air du temps et à la hauteur des circonstances : ils transforment tellement le personnage, qu’on peine à le reconnaitre. Si dans les années 80 et 90 on identifiait Le Pen à sa formation, les hommages qu’elle lui rend aujourd’hui en font l’égérie et le martyre : ils le disent « lanceur d’alerte », « visionnaire » et « guide ».

Des mises en garde documentées ont fait contre-poids à ce discours. Elles rappellent les véritables origines de Le Pen : raciste et antisémite, il a minimisé ouvertement pendant longtemps les crimes nazis et l’utilisation de la torture en Algérie. Contrairement à une idée répandue, il n’a pas fondé seul le RN : les néofascistes d’Ordre Nouveau l’ont sollicité. Puis, Le Pen devient la figure de proue de la nouvelle formation. Peu à peu, il rassemble sa famille politique, après les victoires de Dreux en 1982.

Dès le début, la haine et la provocation constituent les traits récurrents de sa figure politique. Le Pen a été condamné à plusieurs reprises pour apologie de crimes de guerre et contestation de crime contre l’humanité. Entre autres déclarations atroces, il a affirmé en 1987 que l’existence des chambres à gaz était « un point de détail de la Seconde Guerre Mondiale ». Dans les années 1950 et 1960, Le Pen faisait allusion publiquement à sa participation à la guerre d’Algérie et à la torture. Il est allé jusqu’à s’en vanter. Après les premiers succès électoraux du FN, il nie les faits, voire porte plainte pour diffamation, si on les évoque.

Historiens et journalistes l’attestent : Le Pen a passé trois mois à Alger en 1957, durant lesquels il a rempli le rôle d’officier de renseignement (OR), aux commandes d’un groupe d’hommes. Il avait participé à l’expédition de Suez et à la guerre d’Indochine, il militait déjà à l’extrême droite et il était député. Durant ces mois, Le Pen prend part à l’opération militaro-policière tristement connue comme « Bataille d’Alger ». La 10ème division de parachutistes, commandée par le général Massu, prend la ville. Elle a pour mission de venir à bout de l’insurrection initiée par le FLN. Le général Massu a reçu les pleins pouvoirs, les cadres de l’armée sont formés à la doctrine de la guerre « antisubversive », la combinaison des deux entraîne la pratique presque systématique de la torture. Chargés de collecter des informations, les officiers de renseignement l’ont commandée et pratiquée massivement. Le Pen a donc rempli lui-même le rôle de tortionnaire.

Il est d’autant plus consternant que des représentants du gouvernement se soient pliés à ce point à la dynamique des « hommages ». François Bayrou et Michel Barnier, de même que le communiqué officiel de l’Elysée, gomment le passé de Le Pen et le disent une « figure de la vie politique française ». Le directeur de cabinet du ministre des Relations avec le Parlement s’est même rendu à une cérémonie en son honneur à l’église du Val-de-Grâce.  

La classe politique joue un jeu dangereux, qui pourrait tous nous conduire à notre perte. Alors que nous commémorons les quatre-vingts ans de la libération d’Auschwitz, médias et opinion sont parvenus à dissocier extrême droite et génocide des Juifs par une pirouette intellectuelle. Or, ce lien existe : il est inhérent à la haine de la différence, un des piliers du fascisme. En effet, celui-ci n’est pas violent en raison de la cible, mais indépendamment d’elle. Il est violent en raison de la violence elle-même, car ce qui se joue est la possibilité de diriger des foules en instrumentalisant l’emprise sur elles de la haine. Ce sentiment leur évite d’approfondir leur analyse du réel et éloigne les difficultés du quotidien, en les attribuant à la même « cause » : la cible.

Aujourd’hui, les leaders fascistes européens s’appliquent à faire oublier ce mécanisme. Beaucoup instrumentalisent la condamnation de l’antisémitisme nazi, soit pour éloigner leur image de l’extrême droite -comme Marine Le Pen-, soit pour faire oublier la réalité de leurs politiques migratoires - comme Giorgia Meloni. Or, le fascisme carbure bien à la haine. En France, elle s’oriente à présent vers les groupes musulmans. Kamel Kabtante, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, signalait récemment que leur mise à l’écart reçoit une nouvelle impulsion. Combattre le fascisme implique de libérer l’humanité de toute forme d’organisation sociale ou politique instrumentalisant la haine.

Après l’horreur des camps, le fascisme s’était tapi dans sa tanière. A nouveau, il parcourt l’Europe. Il a changé d’habits. Condamnant l’antisémitisme, il sollicite en France dans ses dernières campagnes l’argument social et celui des droits des femmes. Cependant, le vernis se craquèle pour peu qu’on l’égratigne.

Pendant l’examen des projets de loi de finances 2025, les député·e.s RN ont défendu les plus riches, rejetant la surtaxe exceptionnelle des entreprises ou la taxation des patrimoines de plus de 1 million d’euros. Au niveau local, des majorités RN gèrent des villes depuis 1995 : elles sont dix-sept aujourd’hui. Les experts signalent que leur gestion accentue le désengagement de l’État et hiérarchise les populations. Pour les maires RN, la baisse des impôts, le renforcement de la sécurité et la suppression des subventions aux associations jugées « communautaristes » sont des présupposés idéologiques. Souvent, ils dévastent les services municipaux, identifiant fallacieusement précarité sociale et altérité. Ils attisent la haine d’un groupe, pour mieux casser les droits de tous. Le RN apparaît en réalité au service du capitalisme.

Sans s’éloigner de leur modèle de famille traditionnelle, les extrêmes droites européennes ont affirmé qu’elles étaient émancipatrices pour les femmes. Lors de son élection, Giorgia Meloni s’est présentée comme femme autonome et mère de famille moderne. En France, le RN a transformé l’ascension de Marine Le Pen en chemin d’émancipation féminine. Pourtant, celle-ci est devenue leader de sa formation parce qu’elle est la fille de Jean-Marie Le Pen, non par sa personnalité et encore moins parce qu’elle est une femme. Dernièrement, si le RN a voté pour l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, le consensus à propos de ce droit reste une spécificité nationale. Nul besoin de rappeler les difficultés que trouvent à avorter les Italiennes ou le droit presque inexistant de le faire des Polonaises.

Malgré les panégyriques de Le Pen, ni la violence s’est éloignée du fascisme, ni celui-ci est social ou défend les droits des femmes. A Paris, une manifestation féministe et antifasciste tirait ce 26 janvier la sonnette d’alarme sur l’actuelle dérive. Pour la première fois, un groupuscule d’extrême droite, le Collectif Némésis, s’est glissé en novembre parmi les manifestant.e.s de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. Quant à la levée de boucliers contre la « théorie du genre » suscitée par l’élaboration du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evrars), si elle n’a pas empêché le texte d’aboutir, elle l’a bel et bien amputé.

La dérive autoritaire et droitisante qui sévit doit être jugulée avant qu’elle ne s’empare complètement des esprits rendus plus vulnérables. C’est à la violence elle-même qu’il faut s’attaquer, en tant que geste et logique vitale. Garder à l’esprit le réel et le passé est un bon moyen d’entreprendre l’immense tâche. Intégrons cependant à cet effort les voix des groupes bâillonnés, pour apercevoir en entier ce réel et ce passé. Riches de ce savoir, imposons les objectifs politiques le plus à même de façonner le monde qui nous ressemble : équité, liberté, autonomie, horizontalité, empathie, adelphité, sens du collectif… Ne dévions pas.

[30 ANS DE PRISON, POUR STERILISATION FORCEE ET SEVICES]

Illustration 1

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

Deconstruir la extrema derecha

El fallecimiento del fundador histórico de la extrema derecha francesa, Jean-Marie Le Pen, recuerda hasta qué punto se han ampliado los desafíos.

Febrero de 2025 

El fundador histórico de la extrema derecha francesa ha fallecido este 7 de enero, justo en el momento en que ésta se fortalece, tanto en Francia como en Europa. Acorralado por el resultado de las elecciones legislativas, el gobierno había franqueado este verano una línea democrática que todos los políticos consideraban hasta entonces infranqueable, al mostrarse dispuesto a cooperar con esa tendencia ideológica.

Los homenajes a Jean-Marie Le Pen han estado en sintonía con el contexto y a la altura de las circunstancias: transforman tanto al personaje que a penas se lo reconoce. Si en los años 1980 y 1990 Le Pen se identificaba con su formación, los homenajes que hoy le rinde lo convierten en su emblema y su mártir, calificándolo de “centinela”, “visionario” y “guía”.

Haciendo contrapeso a ese discurso numerosos artículos, documentados, han recordado los verdaderos orígenes de Le Pen: racista y antisemita, ha minimizado abiertamente durante mucho tiempo los crímenes nazis y el uso de la tortura el Argelia. Al contrario de lo que se piensa, no fundó solo el RN: los neofascistas de Orden Nuevo fueron a buscarlo. Después se convierte en la figura principal de la nueva formación, reuniendo poco a poco a su familia política, tras las victorias de Dreux en 1982.

Desde el principio, el odio y la provocación son los rasgos recurrentes de su figura política. Le Pen ha sido condenado varias veces por apología de crímenes de guerra y cuestionamiento de crimen contra la humanidad. Entre otras declaraciones atroces, afirma en 1987 que la existencia de las cámaras de gas es “un punto de detalle de la Segunda Guerra Mundial”. En los años 1950 y 1960, Le Pen alude públicamente a su participación en la guerra de Argelia y en la tortura. Incluso se ha jactado de ello. Tras las primeras victorias del FN niega los hechos o hasta presenta denuncias por difamación, si alguien los evoca.

Los historiadores y los periodistas dan fe de ello: Le Pen pasó tres meses en Argel en 1957, durante los cuales desempeñó el papel de oficial de inteligencia (OR), al mando de un grupo de hombres. Antes había participado en la expedición de Suez y en la guerra de Indochina, militaba ya en la extrema derecha y era diputado. Durante esos meses, Le Pen participa en la operación militar y policial tristemente conocida como “Batalla de Argel”. La 10ª división de paracaidistas, dirigida por el general Massu, toma la ciudad. Tiene por misión terminar con la insurrección iniciada por el FLN. El general Massu tiene plenos poderes, los mandos del ejército han sido formados a la doctrina de la guerra “antisubversiva”, la combinación de ambos lleva a que se torture casi por sistema. En tanto que encargados de colectar la información, los oficiales de inteligencia la ordenan y practican masivamente. Por tanto, Le Pen desempeña él mismo el papel de verdugo.

Es tanto más lamentable que algunos representantes del gobierno hayan simpatizado hasta tal punto con la dinámica de los “homenajes”. François Bayrou y Michel Barnier, así como el comunicado oficial del Eliseo, borran el pasado de Le Pen y lo califican de “figura de la vida política francesa”. El director del gabinete del ministro de Relaciones con el Parlamento incluso ha asistido a una ceremonia en su honor en la iglesia de Val-de-Grâce.

La clase política juega a un juego peligroso, que podría conducirnos a todos a la ruina. Justo cuando conmemoramos los ochenta años de la liberación de Auschwitz, los medios y la opinión han logrado disociar extrema derecha y genocidio judío gracias a argucias intelectuales. Sin embargo, el vínculo existe: es inherente al odio a la diferencia, uno de los pilares del fascismo. En efecto, éste no es violento a causa del blanco, sino independientemente de él. Es violento a causa de la propia violencia, ya que lo que se juega es la posibilidad de dirigir a las masas, utilizando la influencia del odio sobre ellas. Dicho sentimiento les evita tener que analizar en profundidad lo real y las aleja de las dificultades de la vida cotidiana, oficialmente causadas todas por el grupo que está en línea de mira.

Hoy en día los líderes fascistas europeos se esmeran en lograr que se olvide ese mecanismo. Muchos instrumentalizan la condena del antisemitismo nazi, ya para alejar su imagen de la extrema derecha -como Marine Le Pen-, ya para lograr que se olvide la realidad de sus políticas migratorias -como Giorgia Meloni. Y sin embargo el fascismo se alimenta de odio. En Francia, ahora se dirige hacia los grupos musulmanes. Kamel Kabtante, rector de la Gran Mezquita de Lyon, señalaba recientemente que su exclusión recibía un nuevo impulso. Combatir el fascismo implica liberar a la humanidad de toda forma de organización social o política que instrumentalice el odio.

Tras el horror de los campos de concentración, el fascismo se había refugiado en su cubil. De nuevo recorre Europa. Ha cambiado de apariencia. A la vez que condena el antisemitismo, solicita en Francia en sus últimas campañas el argumento social y el de los derechos de las mujeres. No obstante, el barniz se resquebraja por poco que se lo arañe.

Durante el examen del proyecto de ley de finanzas para 2025, los diputados RN han defendido a los más ricos, rechazando el impuesto excepcional a las empresas o la tasación de los patrimonios de más de un millón de euros. A nivel local, mayorías RN gobiernan ciudades desde 1995: son diecisiete hoy día. Los expertos señalan que su gestión disminuye la implicación del Estado y jerarquiza a la población. Para los alcaldes RN, bajar los impuestos, reforzar la seguridad y suprimir las subvenciones a las asociaciones que estimen “comunitaristas” son presupuestos ideológicos. A menudo devastan los servicios municipales  identificando falsamente precariedad social y alteridad. Atizan el odio hacia un grupo, para romper mejor los derechos de tod@s. El RN sirve en realidad al capitalismo.

Sin alejarse del modelo de familia tradicional, las extremas derechas europeas han afirmado que resultaban emancipadoras para las mujeres. En su campaña electoral, Giorgia Meloni se presentaba a sí misma como mujer autónoma y madre de familia moderna. En Francia, el RN ha transformado el ascenso de Marine Le Pen en camino de emancipación femenina. Al contrario, ha llegado a cabeza de fila por ser la hija de Jean-Marie Le Pen, no por su personalidad y mucho menos por ser mujer. Últimamente el RN ha votado a favor de inscribir el derecho al aborto en la Constitución. El consenso sobre ese punto sigue siendo una especificidad nacional. No es necesario recordar las dificultades que encuentran las italianas para abortar o el derecho casi inexistente para hacerlo de las polacas.

Pese a los panegíricos a Le Pen, ni la violencia se ha alejado del fascismo, ni éste es social, ni defiende los derechos de las mujeres. Una manifestación feminista y antifascista alertaba este 26 de enero en París sobre la actual deriva. Por primera vez, un grupúsculo de extrema derecha, el Colectivo Némesis, desfilaba en noviembre entre l@s manifestantes del 25N. En cuanto a la protesta contra la “teoría del género”, suscitada por la elaboración del programa de educación a la vida afectiva, relacional y sexual (Evrars), si bien no ha impedido que se vote el texto, si ha logrado que se lo ampute.

La deriva autoritaria y conservadora que se observa actualmente debe yugularse antes de que se ampare del todo de las mentes que más vulnerables se han vuelto. Hay que emprenderlas con la propia violencia, en tanto que gesto y lógica vital. Guardar en mente la realidad y el pasado es un buen medio para iniciar esa inmensa tarea. Integremos no obstante a ese esfuerzo las voces de los grupos que han sido amordazados, para lograr percibir integralmente tanto esa realidad como ese pasado. Impongamos gracias a ese conocimiento los objetivos políticos más susceptibles de llevar a un mundo que nos corresponda: equidad, libertad, autonomía, horizontalidad, empatía, camaradería, sentido de lo colectivo… No desviemos de ello.

[30 ANIOS DE CARCEL, POR ESTERILIZACION FORZADA Y TORTURAS]

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